Transition écologique : les classes moyennes peuvent plus facilement investir dans la rénovation de leur logement que dans la mobilité électrique
Selon l’édition 2025 de l’Observatoire des conditions d’accès à la transition écologique pour les ménages publié par I4CE ce 20 juin, la rénovation énergétique du logement est globalement plus accessible aux ménages des classes moyennes qu’il y a dix ans alors que pour la mobilité, les évolutions sont plus mitigées.

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La transition écologique est-elle inabordable économiquement pour les classes moyennes ? Dans l’édition 2025 de son Observatoire des conditions d’accès à la transition écologique pour les ménages(Lien sortant, nouvelle fenêtre), le think tank I4CE a évalué la capacité des ménages à investir dans la transition écologique, pour le logement et la mobilité à partir d’indicateurs clefs : le reste à charge, c’est-à-dire le montant de l’investissement, une fois déduites les aides publiques ; la capacité de financement de ce reste à charge par les ménages, via leur épargne ou un emprunt ; et l’impact sur le budget des ménages, afin d’évaluer si les économies d’énergie permettent de couvrir les mensualités dans le cas d’un prêt.
Ces évaluations ont été menées sur dix ans dans le cas de la rénovation et cinq pour la mobilité électrique –, afin d’identifier les facteurs qui ont amélioré – ou détérioré – l’accessibilité économique des solutions de transition sur les dernières années. Les autrices de l’étude ont appliqué ces indicateurs à deux ménages types, tous deux propriétaires de leur logement et dépendants de la voiture au quotidien - la famille Deschamps, un ménage de classe moyenne inférieure résidant en milieu rural, et la famille Villeneuve, un ménage de la classe moyenne supérieure vivant en milieu périurbain –, en centrant leur analyse sur la capacité économique de ces ménages à réaliser les investissements nécessaires à la transition écologique.
Des travaux de rénovation de logement devenus plus accessibles
Premier constat : la rénovation du logement est globalement plus accessible aux ménages des classes moyennes qu’il y a dix ans. "En 2025, le ménage Deschamps, qui habite dans une maison rurale chauffée au fioul, peut financer des travaux de rénovation performante de sa maison et dégage même des économies nettes, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans", indique l’étude. En une décennie, son reste à charge pour une rénovation performante a baissé de 15.000 euros et correspond à un peu moins de 6 mois de revenus. Sa marge d’endettement s’est améliorée et les économies d’énergie réalisées permettent de couvrir les mensualités du prêt, et même de faire des économies nettes de 130 euros par mois. Pour le ménage Villeneuve, qui vit dans une maison chauffée au gaz, il y a également eu une amélioration depuis 2015 pour financer des travaux de rénovation performante, mais sa situation en 2025 est moins favorable que celle du ménage Deschamps, les économies d’énergie ne couvrant pas totalement les mensualités du prêt. Pour les deux types de ménages, le reste à charge pour l’installation d’une pompe à chaleur a augmenté mais les économies d’énergie réalisées leur permettent de couvrir largement les mensualités de prêt, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans.
Mobilité : avantage aux ménages plus aisés
"Pour la mobilité, les évolutions sont plus mitigées", souligne l’étude. Pour le ménage Deschamps, le reste à charge a augmenté et les économies de carburant ne couvrent toujours pas le financement d’une voiture électrique. "Les économies de carburant (de l’ordre de 110 euros par mois en 2020, 120 euros en 2025) ne sont pas suffisantes pour couvrir les mensualités de crédit, note l’étude. Seul le dispositif de leasing social aurait permis en 2024 de [lui] donner accès à une voiture électrique tout en baissant son budget mobilité."
Pour le ménage Villeneuve, le surcoût d’une voiture électrique par rapport à son équivalent thermique a augmenté sur les cinq dernières années, mais les économies de carburant lui permettent toujours de couvrir le financement du surcoût. "En 2025, le ménage Villeneuve peut voir baisser son budget mobilité – incluant l’ensemble des frais liés à sa voiture y compris l’achat par un crédit – de quelques dizaines d’euros, relève l’étude. Ces économies nettes ont baissé depuis cinq ans, elles étaient plutôt de l’ordre de 140 euros par mois en 2020."
Impact des aides
Pour les experts d’I4CE, ces évolutions sont d'abord dues à l’impact des aides à destination des ménages. "Côté rénovation performante, la mise en place de MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné a entraîné une hausse très conséquente des montants d’aides à la rénovation pour les ménages des classes moyennes (et modestes), constatent-ils. Les évolutions de l’éco-PTZ – hausse du plafond et augmentation de la durée du prêt – ont également rendu les investissements plus accessibles aux ménages." Côté mobilité électrique, les aides à l’achat ont plutôt baissé sur les dernières années (suppression de la prime à la conversion, baisse du bonus et critères d’éligibilité plus stricts (suppression des aides pour les voitures d’occasion et introduction du score environnemental), ce qui a eu pour effet de faire augmenter le reste à charge pour une voiture électrique. En revanche, le dispositif de leasing social a permis à des ménages des classes moyennes inférieures (et modestes) d’acquérir une voiture électrique sans augmenter leur budget mobilité.
Autre facteur explicatif des évolutions : le coût des investissements. "Côté rénovation, il s’agit plutôt d’un facteur à la hausse : le coût des travaux a augmenté, de même que les prix des pompes à chaleur (de plus de 30% sur 2015-2025, pour le coût des travaux comme pour celui des pompes à chaleur)", notent les autrices de l’étude. "Côté mobilité, le prix des voitures électriques a également plutôt augmenté de manière générale. Mais la mise sur le marché de nouveaux modèles entrée de gamme et la plus grande disponibilité de voitures électriques sur le marché de l’occasion ont permis de contrebalancer cet effet", ajoutent-elles.
Le dernier facteur à avoir eu un impact fort sur l’accessibilité des investissements pour les ménages est le prix des énergies. "Les prix du gaz, du fioul, de l’essence ont beaucoup augmenté sur les dernières années, surtout en 2022-2023, ce qui augmente de manière très conséquente les économies d’énergie potentielles – le prix du gaz a doublé entre 2015 et 2025, celui du fioul a doublé entre 2015 et 2023 avant de légèrement diminuer, celui de l’essence a augmenté de plus de 20% entre 2015 et 2023, avant de légèrement diminuer", rappelle l’étude.
Plusieurs leviers à actionner
Pour I4CE, le budget 2026 devra "prioriser l’accès aux solutions de transition de celles et ceux qui en ont besoin – via des subventions, des dispositifs comme le leasing social, etc.". "D’autres leviers (règlementaires, fiscaux) peuvent être mobilisés pour inciter les acteurs en ayant les moyens à investir, ajoute le think tank. Ces derniers leviers peuvent par ricochet rendre les investissements plus accessibles aux ménages : par exemple, la règlementation européenne sur les émissions des véhicules peut inciter les constructeurs à baisser le prix de vente de leurs modèles électriques. De même, la règlementation sur le verdissement des flottes d’entreprises peut permettre d’alimenter le marché de l’occasion électrique. Sans oublier d’autres évolutions nécessaires pour rendre la transition écologique réellement accessible aux ménages – le développement des transports en commun, la formation des artisans de la rénovation, etc." "Certaines de ces évolutions nécessiteront également d’être soutenues par de la dépense publique", conclut l’étude.