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Transition(s) 2050 : l’Ademe affine ses scénarios

L’Ademe poursuit son travail de prospective, en détaillant les conséquences des quatre scénarios permettant d’atteindre la neutralité climatique en 2050 qu’elle a proposés fin 2021. Premier enseignement, transition et croissance ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

Après avoir présenté en novembre dernier ses quatre scénarios permettant chacun d’atteindre la neutralité carbone en 2050, via des chemins différents (voir notre article du 30 novembre 2021), l’Ademe approfondit ses travaux. Elle présente au long cours des analyses complémentaires – des "feuilletons", dans son jargon – mesurant les impacts de ces scénarios sur les sols, les modes de vie, les différentes filières, etc. Un feuilleton "Territoires" devrait d’ailleurs être présenté prochainement.

Transition et croissance compatibles

Ce 22 mars, l’Ademe a présenté huit nouveaux feuilletons (logistique des derniers kilomètres, gaz et carburants liquides, construction neuve…), dont l’un consacré aux effets macro-économiques de ses différentes hypothèses. De ce dernier, elle tire un premier enseignement positif : "Le découplage entre le produit intérieur brut et les émissions de gaz à effet de serre territoriales est possible". Dit autrement, "aucun des quatre scénarios n’engendre de récession à terme". "En définitive, la décarbonation de l’énergie s’avère rentable pour l’économie", pointe même l’Ademe, s’inscrivant ainsi dans les pas du pacte vert européen, présenté par Ursula von der Leyen comme une "nouvelle stratégie de croissance" qui "rapporte davantage qu’elle ne retire" (voir notre article du 11 décembre 2019).

Les résultats diffèrent toutefois fortement d’un scénario à l’autre. Ainsi, suivre celui fondé sur la "frugalité" se traduirait par une croissance moindre par rapport au scénario tendanciel (PIB inférieur de 5,5% en 2050), un taux de chômage accru (+ 4 points), une dette publique en hausse d’environ 175 points de PIB, une balance commerciale dégradée et un pouvoir d’achat des ménages en baisse. La taxe carbone dépasserait les 1.000 euros la tonne de CO2, soit environ 2 euros par litre de carburant. L’analyse "mode de vie" (fondée sur une enquête conduite auprès de… 31 citoyens) montre en outre que ce scénario est controversé, les nouvelles pratiques promues étant notamment perçues comme liberticides. Guère engageant.

Pas de consensus

En revanche, les trois autres scénarios proposés aboutiraient tous à des résultats meilleurs que le scénario tendanciel, que ce soit en termes de croissance, d’emplois, de revenu disponible des ménages ou de réduction de la dette. Avec quelques particularités. Le scénario 2, "coopérations territoriales", fondé sur une "sobriété progressive", serait celui qui se traduirait par la plus forte augmentation du revenu disponible des ménages, alors que le scénario 4 ("pari réparateur", qui exclut toute sobriété), le plus énergivore, créerait le plus de croissance, d’emplois et permettrait la plus grande réduction de la dette publique. En termes d’acceptation, aucun ne fait toutefois l’unanimité. Le scénario 2 est repoussé par les défenseurs de la propriété et suscite les craintes de mésusages ou d’indisponibilités des services partagés. Les scénarios 3 (fondé sur l’essor des technologies) et 4 font naître peu ou prou les mêmes les craintes de déshumanisation des rapports sociaux, de trop grande intrusion (voire de contrôle) du numérique dans la vie quotidienne et d’augmentation des inégalités.

Impacts variés

Secteur par secteur, les impacts de ces différents scénarios sont également très variés. Ainsi, seuls les deux premiers permettraient d’atteindre une réduction de l’artificialisation des sols au cours des dix prochaines années compatible avec la loi Climat et Résilience (avec respectivement la construction de 100.000 et 150.000 logements en moyenne par an, contre 360.000 en 2019). Le scénario 4 se traduirait, lui, par près de 600.000 hectares de surfaces artificialisées en plus par rapport au scénario 1.

Des certitudes dans un monde d’incertitude

Par essence, ces exercices de prospective sont fragiles, les variables et leurs interactions étant multiples et l’ensemble des données guère prévisibles, comme en témoignent les crises du covid et "ukrainienne". Jean-Louis Bergey, responsable du projet Prospective Transition(s) 2050, souligne en outre qu’"on ne peut plus s’appuyer sur le passé pour estimer les risques futurs". Il insiste sur la nécessité "d’anticiper – en particulier pour les documents d’urbanisme – Scot, PLU… – et de rectifier/adapter à chaque épisode exceptionnel". Dans ce monde d’incertitudes, l’Ademe estime qu’il existe néanmoins quelques points d’appui. Ainsi, l’eau constituera "l’enjeu fondamental du XXIe siècle", indispensable pour nombre de secteurs et très impactée par le changement climatique. L’agence est également persuadée que "la puissance publique est indispensable pour orchestrer l’adaptation transformative, voire le repli stratégique de filières fortement territoriales". Une fois de plus, est soulignée l’importance de l’ingénierie publique territoriale, "condition sine qua non d’une adaptation massive". De même, "la participation citoyenne apparaît comme un élément important de la transition", l’agence plaidant pour un système de délibération collective permettant aux personnes affectées par un changement de faire entendre leurs voix et de prendre part aux décisions. Autre certitude, si de nombreuses connaissances nouvelles sont attendues, "on en sait déjà assez pour massifier les actions d’adaptation". Dans un registre proche, Valérie Quiniou, directrice Prospective et recherche à l’Ademe, souligne qu’"on a encore le choix du scénario… mais il faut se décider vite !".

 

 

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