Education - Trente ans de scolarisation : une certaine idée de la démocratisation
Si le baccalauréat s'est largement démocratisé en trente ans, le type du diplôme obtenu dépend encore beaucoup du milieu social. C'est l'un des enseignements du dossier "Scolarisation et originales sociales depuis les années 80, progrès et limites" paru au sein de l'étude de l'Insee "Trente ans de vie économique et sociale", rendue publique le 29 janvier (voir notre article ci-contre).
Dans la colonne des progrès, l'Insee constate en trente ans une espérance de scolarisation en augmentation quasi constante, une proportion de bacheliers exponentielle (65% d'une génération en 2010 contre 29% en 1985, en partie du fait de la réforme du baccalauréat professionnel), deux fois plus de diplômés de l'enseignement supérieur (entre 1980 et 2011 le nombre est ainsi passé de 1,2 million d'étudiants à 2,3 millions). A diplôme identique, les enfants d'ouvriers et d'employés ont autant de chances de devenir cadres que les enfants de cadres. Mais si, comme le relève l'Insee, le système éducatif a bien changé en trente ans, sous l'effet des réformes et des transformations démographiques et sociales de la société, il n'en reste pas moins que des limites à l'accès pour tous aux diplômes persistent en fonction du milieu d'origine sociale de l'enfant.
Le bac, un diplôme discriminant ?
En 2011, 41% des bacheliers enfants d'ouvriers ou d'employés ont obtenu un bac professionnel, 9% pour les enfants de cadres ou professions intermédiaires. 26% des premiers ont obtenu un baccalauréat technologique (contre 15%) et 33% des enfants d'ouvriers ont obtenu un bac général contre 76% pour les enfants de cadres... de là à penser que l'avenir des jeunes demeure "en partie lié à leur origine sociale", comme l'atteste un rapport parlementaire dont nous nous faisions echo le 28 janvier (lire ci-contre), il n'y a qu'un pas que l'Insee franchit... Et de préciser que la série S 'scientifique" est celle où les enfants de cadres ou d'enseignants sont largement surreprésentés.
Un baccalauréat qui détermine et enferme, bien souvent, l'étudiant dans une filière toute tracée, plus ou moins courte selon l'échelle sociale : les jeunes moins favorisés sont davantage disposés à se diriger vers les BTS par exemple. L'étude de l'évolution du poids des principales filières d'enseignement (université, STS, IUT, CPGE..), ainsi que leur composition en termes de publics, permet de constater que la croissance des effectifs "n'est pas toujours synonyme de démocratisation", mais que la segmentation des filières "en fonction de l'origine sociale reste forte". Ainsi, nous apprenons que les STS (sections de techniciens supérieurs) attirent plus les bacheliers de milieux favorisés mais elles recrutent davantage les enfants d'ouvriers pour qui elles sont la voie d'accès à l'enseignement supérieur la plus fréquente. La part des inscriptions en DUT demeure stable et varie peu d'une catégorie sociale à l'autre. Mais l'accès aux CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) est nettement moins égalitaire : une proportion importante (mais sans chiffre concret) des enfants de milieux favorisés s'inscrivent dans ces filières "particulièrement sélectives", relève l'étude.
L'institut souligne malgré ces inégalités que c'est dans les milieux sociaux les moins favorisés que l'accès à l'enseignement supérieur s'est le plus développé. Mais cette bonne nouvelle est ternie par le phénomène du décrochage. Trop d'élèves sortent du système éducatif sans diplômes surtout s'ils sont issus de milieux défavorisés. Ainsi 21% des enfants d'ouvriers et d'employés ayant quitté l'école en 2008-2010 sortent sans diplôme contre 7% d'enfants de cadres ou professions intermédiaires. Or, comme on le sait, l'insertion professionnelle des jeunes qui viennent de terminer leurs études est plus difficile pour les non-diplômés (1 sur 2 est au chômage), que pour les diplômés. L'écart entre les deux catégories est conséquent (20 points depuis 1981) et ne devrait pas se résorber dans le contexte de crise.