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Trois ans de prison ferme : la justice sévère avec les recours abusifs contre des permis de construire

L'article L.600-7 du code de l'urbanisme prévoit que "lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts". C'est pourtant la sixième chambre du tribunal correctionnel de Marseille, et non pas le tribunal administratif, qui vient de condamner, dans un jugement en date du 26 octobre, un marchand de biens à trois ans de prison ferme pour des recours abusifs contre des permis de construire. Ce type de recours abusif – particulièrement redouté des promoteurs immobiliers – est en effet considéré comme l'un des principaux freins à la construction de logements dans les zones urbaines et explique les délais anormalement élevés de mise en œuvre de certains permis de construire.

Ce n'est cependant pas la première fois qu'une condamnation intervient pour ce motif. En 2016, le tribunal administratif de Lyon avait ainsi condamné plusieurs requérants à verser 82.700 euros de dommages et intérêts au titulaire d'un permis de construire portant sur l'édification de deux bâtiments comptant au total sept logements locatifs (voir notre article du 30 mars 2016). Mais dans l'affaire de Marseille, deux frères avaient poussé le bouchon très loin, ce qui explique l'intervention du tribunal correctionnel. Entre 2010 et 2015, ils ont effet déposé de très nombreux recours contre des permis de construire accordés à des promoteurs, avant de négocier ou de tenter de négocier leur retrait contre des sommes importantes. Le dossier d'instruction recense ainsi 19 protocoles d'accord qui auraient rapporté aux deux frères (dont l'un est décédé avant le procès) plus de 2,2 millions d'euros. Certains promoteurs préfèrent en effet céder plutôt que de subir les coûts d'un retard du chantier. Car si un recours n'entraîne pas nécessairement en lui-même l'arrêt du chantier, il compromet fortement les financements bancaires indispensables à la poursuite de la construction. Peu convaincue par la défense de l'accusé consistant à se présenter comme une sorte de "Robin des bois" défenseur de Marseille, la présidente du tribunal a expliqué que "ces faits sont vraiment graves car ils troublent l'équilibre économique. Ils ne sont plus supportables dans cette cité où il y a des règles qui s'appliquent pour tous. En d'autres circonstances, cela s'appelle du racket".

Outre la condamnation à trois ans fermes – avec exécution provisoire du jugement et une possibilité d'appel non suspensive –, le tribunal a prononcé une peine d’amende de 45.000 euros, une interdiction définitive d'exercer toute profession commerciale ou industrielle, une interdiction définitive de gérer, ainsi que celle d'exercer l'activité de marchand de biens. Le tribunal a aussi prononcé la confiscation de l'ensemble des biens saisis dans la procédure. Le condamné devra également verser d'importants dommages et intérêts, pour un total de près de 3,4 millions d'euros, à une douzaine de promoteurs immobiliers, au titre de l'indemnisation de leur préjudice financier.

 

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