Un centre de soins pour la faune sauvage dans les Ardennes (08)
En 2005, la communauté de communes de l’Argonne Ardennaise invite les visiteurs à découvrir le monde des animaux de la nuit avec Nocturnia. Quatre ans plus tard, cet espace muséographique prend de l’ampleur pour devenir le parc Argonne Découverte, présentant au public une soixantaine d’espèces sauvages. Depuis 2015, une nouvelle étape est franchie, avec la création d’un centre de soins accueillant les animaux sauvages de la faune européenne, le seul dans le département.
« Dans l’offre touristique, le parc est un pôle structurant caractéristique de l’Argonne, ce massif boisé qui s’étend sur les trois départements Marne, Meuse et Ardennes et abrite une importante faune sauvage. Il est aussi emblématique de la démarche environnementale soutenue par la communauté de communes, pour un tourisme vert et durable protégeant l’eau, les sols, les forêts », explique Danielle Andrey, vice-présidente de l’Argonne Ardennaise, chargée du développement touristique et de l’environnement, également maire de la commune de Montgon. De fait, Argonne ardennaise est labellisée Territoires engagés pour la nature (TEN) et gère, par ailleurs, plusieurs zones Natura 2000. Dans cet ensemble, le parc Argonne Découverte propose au public, de février à novembre, de découvrir des espèces sauvages sur 13 ha, le long des sentiers ou en participant aux différentes animations et conférences proposées.
Partager des moments forts avec les visiteurs
Au Noctarium, l’espace le plus ancien, le visiteur découvre la vie nocturne des chauves-souris, axolotls (une sorte de salamandre), genettes, serpents, tortues, rongeurs, phasmes et autres insectes installés sur 600 m². Hors de cet espace, le parc accueille et protège une quarantaine d’animaux en extérieur : loups arctiques et d’Europe, Harfangs, Grands-Ducs, perroquets… Leur vie quotidienne est l’occasion de partages avec les visiteurs : le repas des ratons laveurs et des loups ; la présentation des oiseaux en vol libre ; le repas des animaux de la ferme ; le théâtre du Vivant. Pour cette dernière animation, les soigneurs animaliers guident les visiteurs pour observer la dextérité des furets ou les stratégies des rongeurs pour se nourrir, les techniques des phasmes pour se fondre dans le décor, le nourrissage des oisillons nés au parc. Ils expliquent également les grandes étapes de la domestication des espèces et les difficultés liées à celles-ci. « Chaque animation est le prétexte d’un échange, d’une transmission, pour faciliter la prise de conscience de l’importance de la biodiversité et du rôle de chaque être vivant », précise Anne Frézard, responsable d’exploitation du parc animalier.
Loin du tourisme de masse, le parc s’inscrit bel et bien dans l’identité nature du territoire et de sa politique touristique. L’action pédagogique accompagne cette vocation tout au long de l’année avec la visite des classes primaires (8 000 élèves chaque année) et des lycées professionnels. Dans le cadre d’un partenariat avec le parc, le Centre de recherche et de formation en éco-éthologie (CERFE) propose aussi des conférences au grand public qui apprend par exemple, le marquage des animaux ou l’importance de préserver les ornières forestières pour protéger la reproduction de certains batraciens tels que le crapaud de l’espèce « sonneur à ventre jaune ».
Un centre de soins pour la faune européenne
Le parc est géré en régie par la communauté de communes de l’Argonne Ardennaise. Parce qu’il est de la mission des parcs animaliers de contribuer à la conservation des espèces et à la protection de la biodiversité, les élus ont décidé de créer un centre de soins animaliers. Ce dernier a ouvert en 2015. Alors que souvent, les parcs financent des missions lointaines pour la conservation d’espèces exotiques, le choix du centre de sauvegarde de l’Argonne se porte sur la faune européenne, d’autant plus « qu’il n’y avait plus aucun centre de soins pour la faune sauvage dans le département ». Outre le service téléphonique pour accompagner les personnes qui trouvent un animal en détresse, le centre de sauvegarde compte une infirmerie, des box, des volières de rééducation (un oiseau qui ne pourra plus voler est euthanasié) pour soigner et suivre la convalescence des animaux. Rapaces, passereaux, petits mammifères (écureuils, hérissons, putois, chauve-souris…) évoluant sur le territoire de la communauté de communes et jusqu’à une centaine de km alentour peuvent ainsi recevoir des soins d’urgence et restent sur le site le temps de recouvrer leur santé. Lorsque leurs problèmes s’avèrent plus complexes, les animaux sont dirigés vers le centre de sauvegarde de la faune lorraine à Valleroy (54).
Au parc Argonne Découverte, huit employés animaliers s’occupent du diagnostic et des soins spécifiques des individus reçus au centre, tandis qu’une personne en service civique assure la relation avec les usagers, le transfert des animaux, les tâches administratives. « Il est impossible d’ouvrir le centre de soins au public car les animaux, ont besoin de calme, mais nous préparons un film afin de partager notre quotidien », précise Anne Frézard. Les images réalisées par un élu de la communauté de communes sont en cours de montage. Un film d’une vingtaine de minutes devrait voir le jour en 2023. Il présentera aux visiteurs les coulisses du travail des soigneurs et, en particulier, celui des soins aux animaux. Pour la responsable d’exploitation, il ne fait pas de doute que « le centre de soins change des choses. On observe une différence de plus en plus nette entre les visiteurs de la pleine saison pour lesquels le parc est une source de distraction parmi d’autres ; et ceux qui viennent tout au long de l’année, motivés par un intérêt pour la biodiversité en général et à la recherche de connaissances plus précises ». Une observation confirmée par l’élue au Tourisme : « la fréquentation en moyenne saison est grandissante, tout au long des petites vacances scolaires et des fins de semaines de printemps ».
Acculturer à l’animal
Autre preuve de cet intérêt pour la vie animale et pour ceux qui s’en occupent, le succès du concept « Animalier d’un jour » qui propose chaque jour à un petit groupe de 4 à 5 personnes de partager la matinée d’un soigneur. Une façon là encore de faire de la pédagogie en matière de faune sauvage, mais aussi de partager un métier et une passion. Ce souci de la pédagogie qui anime l’ensemble des professionnels du parc s’inscrit aussi dans l’avenir : « nous souhaitons développer une signalétique aux abords du parc ». D’autres projets pourraient voir le jour, comme utiliser l’espace encore disponible dans le vallon pour créer une autre volière accueillant de nouvelles espèces d’oiseaux. Enfin, une exposition est en cours de préparation sur les nouveaux animaux de compagnie : le public découvrira les animaux exotiques (boas, iguanes, tortues, serpents…) arrivés au parc par de multiples voies. Ainsi de ces sept perroquets, issus d’un trafic d’animaux élevés pour la reproduction dans des conditions sanitaires désastreuses. L’exposition, là encore, sera l’occasion de sensibiliser aux mauvais traitements dont sont victimes certains animaux. Le grand nombre d’appels téléphoniques reçus par le centre de soins confirme l’évolution des mentalités : « on passe de la notion de gibier à celle d’animal sensible, en particulier chez les jeunes », précise Danielle Andrey. Autre signe des temps, la coopération constructive avec la Fédération de chasse des Ardennes : « Au-delà du tourisme, le parc est un levier pour acculturer la population locale au respect de la nature vivante, à l’animal sensible ».
À des élus qui souhaiteraient développer un parc de telle nature, les acteurs ardennais feraient deux recommandations : conserver à la collectivité locale le rôle de porteuse de la ligne éthique en matière de tourisme et d’environnement, et déléguer à un opérateur privé la gestion du parc pour une souplesse et une réactivité mieux adaptées aux besoins d’un tel lieu. Les élus recommandent enfin d’être à l’écoute des futurs visiteurs pour concevoir des espaces vastes et fonctionnels, avec en particulier, des bâtiments induisant des coûts d’entretien maîtrisés.
Le parc Argonne Découverte en chiffres :
40 animaux environ en extérieur
700 000 € de budget annuel
57 000 entrées en 2019
50 000 entrées projetées en 2022
8 000 élèves de classes primaires par an
Communauté de communes de l'Argonne ardennaise
Nombre d'habitants :
Nombre de communes :
Danielle Andrey
Voir aussi
Découvrez nos newsletters
-
Localtis :
Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. -
Territoires Conseils :
Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.