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Social / Santé - "Un chez-soi d'abord" : des premiers résultats encourageants

Expérimenté à Paris, Marseille, Toulouse et dans l'agglomération lilloise, le programme "Un chez-soi d'abord" propose à des personnes sans-abri aux situations particulièrement complexes, notamment celles qui rencontrent des problèmes de santé mentale, un accès direct à un logement ordinaire, assorti d'un accompagnement social et sanitaire intensif. Les premiers enseignements, en France mais aussi ailleurs en Europe, sont encourageants.

Les premiers enseignements du programme "Un chez-soi d'abord", expérimenté en France depuis trois ans, ont été présentés à l'occasion d'un colloque européen tenu à la mi-octobre à Paris. Pilotée par la Dihal (délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement), l'expérimentation à Paris, Marseille, Toulouse et dans l'agglomération lilloise est menée dans un contexte où des programmes de type "Housing First" se développent partout en Europe (Belgique, Danemark, Finlande, Hongrie, Irlande, Portugal, Pays-Bas, Suède…), après avoir fait leurs preuves aux Etats-Unis et au Canada (voir notre article du 13 mai 2014).
"Ce programme cible les personnes sans-abri les plus fragiles, celles qui souffrent de troubles psychiques et cumulent les plus grandes difficultés", explique la Dihal dans un communiqué du 7 novembre. "Il fait le pari de les orienter directement vers un logement ordinaire, en leur assurant un accompagnement soutenu par une équipe pluridisciplinaire médicosociale, cassant ainsi les frontières traditionnelles de l'action sociale, de la psychiatrie, de l'addictologie, et de l'accès au logement pour ces publics." L'originalité du programme est de permettre aux personnes d'accéder directement à un logement ordinaire, sans passer au préalable par différentes étapes d'hébergement ou de prise en charge en établissement. Pour cela, le dispositif garantit au bailleur que les loyers seront payés, le locataire accompagné de façon intensive et l'appartement remis en état si nécessaire.

Un maintien dans le logement à 86% après 2 ans

Et, de l'avis de Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge de la lutte contre l'exclusion, "les résultats sont extrêmement encourageants". Depuis 3 ans, 350 personnes ont été logées et accompagnées, soit la moitié des 700 personnes ayant rejoint le programme de recherche "Un chez-soi d'abord" - la seconde moitié constituant un groupe témoin bénéficiant des services traditionnels. "On constate qu'après deux ans de suivi par le programme, 86% des personnes logées sont encore dans leur logement", précise la Dihal. En outre, les recherches menées en santé publique mettent en évidence une "amélioration significative de la qualité de vie, du rétablissement, mais aussi un impact sur les parcours de soin des personnes ayant intégré le programme".
L'impact est a priori aussi positif pour les finances publiques, puisque "on note une réduction de 50% des durées de séjour hospitalier pour les personnes du groupe expérimental, en comparaison avec les personnes suivies par les services habituels".

Une coordination des acteurs décisive

Ces premiers résultats semblent plaider pour, si ce n'est la généralisation du dispositif, au moins l'essaimage d'une approche transversale et partenariale de cette problématique complexe. "Des solutions sont possibles lorsque tout le monde est mobilisé et remplit son rôle. Je suis convaincue qu'au terme de cette expérimentation, nous pourrons utiliser les résultats pour faire évoluer les structures déjà existantes", estime Ségolène Neuville. En effet, sur les quatre territoires expérimentateurs, nombreux sont les acteurs impliqués : "Le programme est mis en œuvre par des porteurs associatifs et hospitaliers, en lien très étroit avec les préfectures, les directions départementales de la cohésion sociale et les agences régionales de santé. Les collectivités locales, les acteurs du logement et le tissu associatif sont également associés", énumère la Dihal (voir, à partir du lien ci-contre, la plaquette de présentation).
Pour que de tels programmes réussissent, la mobilisation et la coordination de tous les acteurs concernés sont donc décisives, ce que démontrent d'autres projets associatifs, aux principes un peu différents, tels que Infirmiers de Rue. En Belgique, cette association part de l'hygiène et du soin pour aider les personnes sans-abri à amorcer un parcours de réinsertion. Elle forme ainsi toute une panoplie d'acteurs constituant l'entourage de la personne vivant dans la rue (du médecin au travail social en passant par l'agent de sécurité de gare) pour que chacun puisse, de sa place et en lien avec les autres, contribuer à accompagner cette personne dans son parcours de réinsertion.

De bons résultats aussi à Amsterdam, Copenhague, Glasgow et Lisbonne

Plaidant également pour la diffusion du modèle "Un chez-soi d'abord", le projet Housing First Europe (HFE) mené entre 2011 et 2013 dans cinq villes européennes (Amsterdam, Budapest, Copenhague, Glasgow et Lisbonne) a donné lieu à un rapport en juin 2013 aux conclusions encourageantes. Ainsi, dans quatre des cinq sites, les auteurs du rapport ont observé "des taux de maintien des logements élevés" ; les résultats moins positifs ayant été mesurés à Budapest "qui, à bien des égards, s'était écarté des principes (*) de l'approche de Housing First". L'évaluation de l'expérimentation a également mis en évidence "des résultats mitigés, mais globalement positifs sur le changement de la qualité de vie". Dans ce domaine, les progrès sont plus notables en ce qui concerne la santé mentale des personnes que leur insertion sociale et professionnelle.
Quant au type de logement nécessaire pour une réinsertion plus durable des personnes, "les habitats diffus seraient préférables pour la plupart des sans-abri ayant des besoins complexes". Selon le rapport, "les logements collectifs avec assistance sur place seraient adéquats pour les petits sous-groupes", notamment pour les personnes qui n'ont pas réussi à vivre dans des logements diffus en dépit de l'accompagnement intensif.
Enfin, sur l'impact en termes de finances publiques, "tout semble indiquer que les projets HFE sont moins coûteux que la fourniture des logements provisoires sur la même période, mais d'autres études de rentabilité sont nécessaires". Sur ce terrain, les auteurs du rapport restent toutefois prudents, soulignant que "l'accompagnement intensif, tel que celui fourni dans le cadre des projets de Housing First, nécessite des fonds considérables et l'itinérance des personnes ayant des besoins complexes ne peut être résolue par la fourniture d'un 'logement uniquement' ou grâce à un accompagnement peu important."

Caroline Megglé

(*) Selon ce rapport, les huit principes du "modèle pionnier Pathways to Housing", "qui se focalise sur les personnes sans-abri souffrant de problèmes concomitants de maladie mentale et de toxicomanie", mis au point et d'abord expérimenté à New York, sont : "le logement est un droit fondamental de l'homme ; le respect, la chaleur et la compassion à l'égard de tous les clients ; un engagement à travailler avec les clients aussi longtemps que nécessaire ; des logements diffus dans des appartements indépendants ; une séparation entre les logements et les services ; le choix et l'autodétermination des clients ; une orientation axée sur le rétablissement ; et une réduction des méfaits."

 

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