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Un comité interministériel du handicap placé sous le signe des droits et de la simplification

Les principales mesures présentées à l'issue du comité interministériel du handicap réuni ce 25 octobre visent à renforcer les droits des personnes handicapées et à simplifier leur vie quotidienne : citoyenneté (droit de vote, mariage…), possible attribution à vie de certaines prestations, AAEH jusqu'à 20 ans, petite enfance, gratuité des transports pour les accompagnants… La prochaine Conférence nationale du handicap donnera lieu à des chantiers plus structurants touchant notamment à la PCH et aux MDPH.

Édouard Philippe a présidé ce 25 octobre à Matignon la seconde réunion du comité interministériel du handicap (CIH) du quinquennat, après celle du 20 septembre 2017 (voir notre article ci-dessous du même jour). Cette seconde édition - légèrement décalée pour cause de remaniement ministériel - se situe, logiquement, dans le prolongement de la feuille de route adoptée un an plus tôt. Au menu : pas de revalorisation de prestations - celle de l'AAH est déjà en cours -, ni d'annonces de prestations nouvelles, mais plutôt un ensemble de mesures destinées à renforcer les droits des personnes handicapées et à simplifier leur vie quotidienne. Le tout en s'inspirant largement des préconisations du rapport Taquet-Serres remis au Premier ministre au printemps dernier (voir notre article du 29 mai 2018). Une orientation résumée dans le titre du dossier de présentation des mesures de ce CIH : "Gardons le cap, changeons le quotidien".

Des citoyens comme les autres

La plus emblématique des dix mesures principales annoncées à cette occasion est sans nul doute la reconnaissance du droit de vote inaliénable pour les personnes majeures handicapées sous mesure de protection judiciaire (environ 680.000 personnes). Aujourd'hui en effet, 310.000 personnes majeures sont privées de ce droit dans le cadre de leur mise sous tutelle. En pratique, le juge des tutelles va perdre la faculté de priver un majeur protégé de son droit de vote. La mesure annoncée par le Premier ministre - à laquelle Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, était très attachée - a une valeur symbolique très forte en termes d'inclusion des personnes handicapées dans la Cité. Dans le même esprit, le CIH a décidé que les personnes majeures sous tutelle pourront désormais se marier, se pacser ou divorcer sans recourir à l'autorisation du juge des tutelles.
Pour ces deux mesures - qui ne devraient pas manquer d'intéresser les mairies -, les modalités pratiques de mise en œuvre restent encore toutefois à préciser. Sophie Cluzel a fixé pour objectif que "tout le monde puisse voter, au plus tard, aux prochaines élections municipales de 2020". Elle a également indiqué que "le code civil sera modifié d'ici le début de l'année", afin de prendre en compte les nouveaux droits en matière de mariage.

MDPH : vers une attribution à vie des prestations

Dans le registre de la simplification, les départements relèveront avec intérêt l'engagement du gouvernement à faciliter la vie des personnes en situation de handicap, en leur permettant notamment de bénéficier de droits à vie en déclarant une seule fois leur handicap. En pratique, les principaux droits et prestations seraient désormais attribués à vie aux personnes "dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement". Cette mesure - déjà très largement engagée (voir notre article du 9 octobre 2018) - inclut en particulier l'allocation aux adultes handicapés (AAH), la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et la carte mobilité inclusion (CMI). Aujourd'hui, l'AAH est attribuée, par exemple, pour une durée moyenne de 4,5 ans (ce chiffre incluant toutefois les situations évolutives).
Outre son intérêt évident pour les personnes concernées, cette mesure doit aussi faciliter le travail des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), confrontées, depuis leur création, à une progression très soutenue de la demande.

Extension de l'AEEH et plus grande ouverture des modes de garde

En matière d'enfance handicapée, deux mesures principales sont prévues ou déjà actées. C'est le cas de l'extension de l'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) jusqu'aux 20 ans de l'enfant - lorsque le handicap n'est pas susceptible d'évolution favorable - ou pour la durée des cycles scolaires. Aujourd'hui, les familles sont en effet confrontées à un renouvellement des droits pour leur enfant handicapé - toutes prestations ou prises en charge confondues - tous les douze à dix-huit mois.
Autre mesure, qui figure déjà dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 de la Caisse nationale des allocations familiales (voir notre article ci-dessous du 21 septembre 2018) : l'amélioration des modes de garde pour les enfants handicapés, grâce à la création d'un "bonus inclusion handicap" dans les crèches et à la majoration du complément mode de garde pour les assistantes maternelles.

Un meilleur accès à la santé

Parmi les dix mesures principales pour faciliter l'accès aux droits et la vie quotidienne des personnes handicapées, on trouve aussi deux dispositions liées à la santé. C'est le cas de l'amélioration de la couverture santé, permise par la fusion programmée de la CMU-C et de l'aide à la complémentaire santé (ACS). Même si elle bénéficie notamment aux personnes handicapées, il s'agit toutefois d'une mesure de portée générale, visant les personnes à revenus modestes dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté (voir notre article du 21 septembre 2018).
L'autre mesure touchant la santé concerne aussi la facilitation de l'accès aux soins, mais cette fois-ci par la révision de la liste des produits et prestations remboursables et par la clarification des modalités de prise en charge des soins en ville au sein des établissements médicosociaux.

Logement, transports et nouvelles technologies

Sur le sujet délicat du logement - après les polémiques autour de la loi Elan (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) et du concept de "logement évolutif -, l'obligation d'installation d'un ascenseur dans les immeubles collectifs neufs dès lors qu'ils comptent au moins trois étages, peut apparaître comme une compensation. Elle a, au demeurant, déjà été annoncée par le Premier ministre (voir notre article du 26 septembre 2018).
Du coté des transports, le CIH a décidé d'instaurer - selon des modalités qui restent à préciser - la gratuité des transports publics ou l'accès aux tarifs sociaux pour les accompagnants de personnes handicapées. Sur ce point, la décision finale devrait toutefois rester aux autorités organisatrices de transports.
Enfin, comme en matière de politique en faveur des personnes âgées, le CIH a annoncé un "soutien renforcé" aux nouvelles technologies au service de l'autonomie et de la communication des personnes handicapées.

Lancement de la Conférence nationale du handicap et réforme de la PCH

Ces dix mesures phares n'épuisent pas le contenu du CIH du 25 octobre. Le document publié à l'issue du comité ministériel contient en effet une longue liste de "cibles à cinq ans", dans les différents domaines concernés par le handicap. Une bonne partie d'entre elles figurent d'ailleurs dans la "feuille de route" adoptée en septembre dernier, à l'occasion du premier CIH du quinquennat (voir notre article du 20 septembre 2017).
Nombre de ces cibles devraient se concrétiser au mois de juin prochain. La réunion du CIH a en effet été aussi l'occasion de lancer la Conférence nationale du handicap. Celle-ci va se dérouler de novembre 2018 à mai 2019. Un comité de pilotage sera très prochainement mis en place. Il devrait notamment coordonner "cinq grands chantiers de travail [...] pour améliorer le quotidien des personnes et fluidifier les parcours". Ces chantiers porteront sur la mise en œuvre d'une "meilleure compensation du handicap par une prestation de compensation du handicap rénovée afin de mieux prendre en compte les besoins des personnes" - autrement dit une réforme de la PCH versée par les départements - et par une meilleure prise en charge des besoins de compensation des enfants "en revisitant les dispositifs actuels".
Les autres chantiers devront trouver des alternatives au départ non souhaité de personnes handicapées en Belgique, "interroger le statut et la gouvernance des MDPH pour un pilotage plus efficient de la réponse aux personnes" et, enfin, assurer "une pleine représentation" des personnes handicapées dans la construction des politiques publiques.
Cette Conférence nationale du handicap sera clôturée, comme il est de coutume, par le président de la République, lors d'une réunion qui devrait se tenir en juin 2019 et donner lieu à l'annonce d'un certain nombre de mesures nouvelles.

 

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