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Tourisme / Loisirs - Un livre blanc pour inventer "les nuits du futur"... mais sans déranger les riverains

Les bars de nuit, restaurants à ambiance musicale, discothèques… seraient facteur d'"attractivité touristique", de "dynamisme économique", de "diffusion de la culture", de "lien social" et même de "mixité". Bref, "un levier de croissance pour les territoires, à prendre compte dans l'élaboration des politiques publiques", défendent plusieurs fédérations professionnels dans un livre blanc remis, le 23 octobre 2018, au secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne.

L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) - qui représente également les bars et discothèques - et l'EuroCouncil of the Night (ECN), ont remis à Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères en charge du tourisme, leur livre blanc, intitulé "Les nuits du futur, livre blanc des professionnels européens de la nuit". Ce document doit ensuite être adressé aux maires des principales villes françaises et européennes. Il est le résultat d'un travail entamé, il y a dix mois, avec les "Rencontres européennes de la nuit", co-organisées par l'UMIH et l'ECN à Lyon, en février 2018, autour de trois thématiques principales : territoires, usagers et gouvernance.

Un facteur d'attractivité touristique

Le livre blanc met en avant le rôle de la nuit comme facteur d'attractivité touristique et de dynamisme économique, mais aussi de mixité, de lien social et de diffusion de la culture. Aussi la nuit est-elle "un levier de croissance pour les territoires, à prendre compte dans l'élaboration des politiques publiques". Une dimension qu'ont parfaitement saisie certaines grandes villes comme Berlin ou Londres, mais qui peinerait à émerger à Paris.
Le document rappelle que la France compte pourtant environ 6.500 établissements de nuit - 2.500 discothèques et 4.000 BAM (bars ou restaurants à ambiance musicale) -, employant environ 50.000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires de l'ordre de deux milliards d'euros.
Ce secteur a été confronté à d'importantes mutations et a été touché par la crise économique. Il a dû aussi s'adapter à la nouvelle demande des consommateurs : extensions des horaires de la nuit, nouvelles ambiances, nouveaux types d'établissements... Selon les auteurs, il existe ainsi, depuis une dizaine d'année, "un renouveau de la fête en France avec une montée en puissance de la qualité de l'offre nocturne".

"La question du vivre ensemble est aussi nocturne"

Lors de la remise du document à Jean-Baptiste Lemoyne, Roland Héguy, le président de l'Umih, s'est dit "très heureux de présenter ce livre [...] car, pour accompagner la mue du secteur de l'activité nocturne en France, nous avons besoin de l'appui du gouvernement et des élus locaux. Avec ce livre, nous avons voulu rappeler aux pouvoirs publics, mais aussi aux citoyens, l'importance de la nuit dans la vie de la cité. Ce constat, la majorité de grandes villes européennes le partagent et agissent aussi pour inclure la nuit dans les politiques territoriales. La question du vivre ensemble n'est pas seulement diurne, mais aussi nocturne".
Le livre blanc formule plusieurs propositions sur les trois grands thèmes abordés. Sur la question des territoires, il préconise notamment de se doter d'outils de mesure pour évaluer les "espaces créatifs d'une ville" et d'aider à définir les endroits propices à l'installation de lieux de vie nocturne, mais aussi d'organiser des consultations publiques entre les usagers d'un territoire festif et ses résidents. Pour faire du tourisme nocturne un élément d'attractivité des territoires, le livre blanc recommande, entre autres, d'étendre les horaires d'ouverture des métros dans les grandes villes (ce qui éviterait "la stagnation sur la voie publique, cause souvent de tensions avec les riverains") et d'adapter les horaires de fermeture des établissements (ne pas les fermer en même temps, rotation des horaires afin de diffuser les flux...).

Développer les coopérations locales

Vis-à-vis des usagers de la nuit, le livre blanc propose de développer des coopérations locales incluant les riverains et les établissements afin de réduire les risques de conflit (en formalisant les engagements par des chartes locales, comme à Lyon), de mieux former les professionnels à la question des nuisances sonores ou encore de rédiger un standard européen des bonnes pratiques pour les établissements et les évènements. Il recommande aussi de travailler sur la question des femmes et de la nuit en assurant "l'accès libre et égal à la nuit", en déployant des actions de sensibilisation et en organisant des marches exploratoires de nuit.
Enfin, en matière de gouvernance, le livre blanc suggère notamment de co-construire les politiques publiques de la nuit, en encourageant la création de conseils la nuit dans les villes qui n'en disposent pas encore et en instaurant des échanges réguliers entre les acteurs, avec la mise en place de médiations. De même, les organisations professionnelles représentatives des activités nocturnes devraient être intégrées dans les structures de développement touristique (office de tourisme, ADT, CRT). Dans un plaidoyer pro domo, le livre blanc demande aussi de "sécuriser" les autorisations des horaires de fermetures, de revoir la responsabilité de plein droit des exploitants et de repenser les fermetures administratives afin de rétablir la confiance des investisseurs et des banques.