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Un rapport préconise que la Garantie jeunes soit érigée en "droit" pour les jeunes

La Garantie jeunes, dont l'exécutif veut doubler le nombre de bénéficiaires en 2021 pour favoriser l'insertion des plus éloignés de l'emploi, devrait être transformée en un "droit" ouvert à tous les jeunes précaires avec la crise, selon le rapport Dulin remis à Élisabeth Borne jeudi 7 janvier 2021.

La situation frise l’urgence. La pauvreté (1) touchait en 2018 22% des 18-29 ans qui ne vivaient pas chez leurs parents selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités. Et c’est justement "cette population de jeunes qui a connu la plus forte évolution depuis 2002", relève le rapport du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) consacré au dispositif "Garantie jeunes" remis le 7 janvier 2021 à Elisabeth Borne. En filigrane des 29 propositions qu'il contient, l’élargissement du dispositif à tous les jeunes précaires en supprimant notamment le critère "sans emploi, ni études, ni formation" et le souhait de voir le dispositif ériger en droit. "Il devient impératif, de fait, de revoir la manière d’appréhender la Garantie jeunes qui fonctionne aujourd’hui comme un dispositif tourné vers l’emploi et réservé à une catégorie, les NEET ("ni étudiant, ni employé, ni stagiaire") vulnérables", estime le rapport. Il considère par ailleurs que la réussite de la Garantie jeunes tient à ce modèle spécifique "contrairement aux dispositifs RMI et RSA pour lesquels la faiblesse du volet accompagnement a été relevée dans de nombreux rapports". Mardi 5 janvier, Élisabeth Borne, favorable à une "Garantie jeunes universelle" plutôt qu'un RSA jeunes, s'est engagée à "ce que chaque jeune ne soit pas empêché d'entrer dans un parcours vers l'emploi parce qu'il aurait un problème de rémunération".

Actuellement, la Garantie jeunes propose une allocation mensuelle d'un montant maximal de 497 euros et un accompagnement intensif, individuel et collectif, en mission locale pendant un an aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont "ni en emploi ni en études ni en formation" et en situation de précarité financière.
Lancée en 2013 et généralisée en 2016, la Garantie jeunes a permis d'accompagner 300.000 jeunes, dont 91.600 en 2018. 72% d'entre eux font l'objet d'une sortie positive, d'après le bilan publié ce 20 février 2019 par l'Union nationale des missions locales (UNML) (lire notre article du 20 février 2019). Même bilan positif selon la Dares : fin 2019, les trois quarts des bénéficiaires ont un niveau en dessous du bac et 43,5% d'entre eux ont accédé à un emploi, à une formation, à un contrat en alternance ou à une création d'entreprise.

Cependant le dispositif n'a concerné que 100.000 bénéficiaires en 2019 car les conditions d'entrée "excluent un certain nombre de jeunes précaires", regrette Antoine Dulin, président du COJ, une commission placée auprès du Premier ministre, et auteur du rapport. Un constat auquel se rallie l’Union nationale des missions locales (UNML). Par la voix de sa déléguée générale, Sandrine Aboubadra-Pauly, elle plaidait récemment pour un “assouplissement des règles d'entrée” (lire notre interview du 23 novembre 2020). 

"Cela passera par un renforcement des missions locales en personnel et en locaux"

Le rapport du COJ abonde en ce sens. "La Garantie jeunes doit être demain la porte d'entrée pour tous les parcours d'accompagnement des jeunes en situation de précarité puisqu'elle allie accompagnement et garantie de ressources", explique Antoine Dulin. "C'est une allocation au montant du RSA mais avec un accompagnement qui a toujours été le point faible des minimas sociaux RMI/RSA", dont les 16-25 ans ne bénéficient pas, ajoute-t-il. Cela passera par un renforcement des missions locales en personnel et en locaux. "Il est fondamental de continuer à verser aux missions locales 1.600 euros pour chaque jeune suivi car la force de la Garantie jeunes par rapport au RSA, c'est que l'accompagnement est financé", plaide Antoine Dulin.

Antoine Dulin estime qu’il y a "une fenêtre de tir" avec la volonté du gouvernement de financer en 2021 au moins 200.000 Garanties jeunes. "De plus, les jeunes en fin d’études et entrant sur le marché du travail bénéficieront d’un accompagnement par Pôle emploi - l'accompagnement intensif des jeunes - ou l’Apec, avec une possibilité d’accéder à l’allocation Pacea (2) pendant leur recherche d’emploi", rappelle le rapport en préambule. "Il est également prévu de doubler le montant du plafond de l’allocation Pacea qui passe de trois fois le RSA sur douze mois à six fois".

Lever le critère de détachement du foyer fiscal

Dans son rapport, Antoine Dulin, également membre du Conseil, économique, social et environnemental, émet donc 29 propositions. Toutes vont dans le sens d’un élargissement du public jeune et d’une facilitation d’accès au dispositif. Parmi elles, la troisième vise à "assouplir le critère d’évaluation des ressources du jeune pour son entrée en Garantie jeunes en relevant le plafond des ressources des trois derniers mois ou en l’étendant aux six derniers mois avec le même plafond". 
La quatrième propose de permettre l’entrée d’un jeune rattaché à un foyer fiscal imposable - celui des parents - en Garantie jeunes lorsqu’il justifie auprès du conseiller de la mission locale son autonomie résidentielle ou une rupture familiale, grâce à une attestation sur l’honneur. La proposition numéro 6 suggère de lever le critère de détachement du foyer fiscal tant que la Garantie jeunes ne s’inscrit pas dans une durée illimitée et la numéro 7 propose de simplifier la transmission des pièces administratives exigées en engageant un processus de la dématérialisation grâce à la numérisation des signatures des jeunes dès 2021. La neuvième cible particulièrement les mineurs isolés et propose de réviser les critères administratifs qui empêchent la prise en charge de certains jeunes, notamment ceux qui sont en rupture ou isolés et les jeunes en situation administrative complexe. "Un travail spécifique pourrait être lancé dans ce sens, avec la direction générale des étrangers en France, en vue d’instructions aux préfectures", précise le rapport. La proposition n°13 s’intéresse à la définition de la quotité de travail acceptable pour les jeunes travailleurs occasionnels (temps très partiels, intérim, petits boulots…). Le COJ estime qu’un jeune travaillant 10 heures par semaine pourrait ainsi intégrer la Garantie jeunes. Il souhaite également, dans sa quatorzième proposition, que soit "accordé, dès le début du parcours, le cumul de l’allocation Garantie jeunes (modulable) avec les revenus de l’activité du jeune afin de ne pas compromettre la reprise d’emploi". La proposition n°15 suggère d’ouvrir la Garantie jeunes aux jeunes en situation d’handicap jusqu’à l’âge de 30 ans.

Lier la Garantie jeunes au logement

La proposition n°24 suggère d'assouplir les normes d’accueil physique dans les structures accueillant du public et mobiliser rapidement des locaux publics pour atteindre l’objectif fixé à 200 000 jeunes en 2021. Une vingt-sixième proposition s’intéresse à l’accès au logement des jeunes et émet l’idée de faciliter l’accès des jeunes connaissant des difficultés liées au logement à la Garantie jeunes en accompagnant les jeunes vers une solution de logement en amont. "Cela passerait notamment par une aide à l’accès à un logement de transition ou autonome, l’ouverture de droits (APL, FSL), et le versement d’un 'bonus logement' anticipé en plus de l’allocation", préconise le rapport. 
Enfin, la question des transports en commun se pose aussi pour les jeunes en Garantie jeunes qui ne bénéficient pas des tarifs sociaux contrairement aux jeunes bénéficiaires du RSA et des jeunes en formation. Si "sur certains territoires, des missions locales ont mis en place, en accord avec leurs collectivités locales, des facilités de paiement ou des réductions de titres de transports pour leurs jeunes", rappelle-t-on dans le rapport, "cela ne se fait pas de manière systématique pour tous les jeunes en Garantie jeunes" et cela serait souhaitable selon le COJ, de même que la mise en place de tarifs sociaux pour la culture, par exemple, peut-on lire dans une vingt-neuvième proposition qui nous projette résolument vers l’avenir meilleur.

 
(1) Sachant qu’un individu est considéré comme pauvre en France quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 1.015 euros soit à 60% du niveau de vie médian de la population selon les données 2018 de l’Insee.

(2) Pacea : parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie