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Scolarité - Un rapport sénatorial recommande les jardins d'éveil pour les enfants de deux ans

Dans leur rapport sur "la scolarisation des jeunes enfants", rendu public le 4 novembre, les sénateurs Monique Papon et Pierre Martin proposent "la création d'un lieu d'éducation et d'éveil destiné aux enfants de deux à trois ans, conçu comme structure intermédiaire originale". Ce lieu, qui précéderait l'entrée à l'école maternelle, "pourrait prendre la dénomination de jardin d'éveil et s'inscrirait dans le cadre de la politique familiale comme un nouveau service public" expliquent les sénateurs. Rien de nouveau, cette proposition reprend l'une des conclusions du rapport de Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes, influencées par les orientations de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) (lire ci-contre " Les communes doivent être les garantes du droit de garde opposable").

 

De fortes disparités locales

Les sénateurs dressent un constat particulièrement éloquent : "Les taux de scolarisation des deux-trois ans présentent de fortes disparités territoriales." Ainsi, par exemple, la scolarisation de ces enfants est forte en Bretagne, dans le Nord, dans le Massif central et les Pays-de-la-Loire, par contre elle est beaucoup plus faible en Ile-de-France, en Alsace et dans le Sud-Est. A la rentrée 2007, toujours selon les données du rapport, les taux de scolarisation à deux ans les plus élevés sont détenus respectivement par l'académie de Lille : 53,1% et par celle de Rennes : 50,4 %. A contrario, en France métropolitaine, l'académie de Paris ne scolarise que 5,8% des enfants de moins de trois ans, celle de Créteil et de Strasbourg 7,8%. "L'accueil préscolaire est plus développé dans les bassins industriels comme le nord de la France pour des raisons d'ordre historique et culturel." D'autres chiffres retiennent également l'attention : si certaines académies présentent une homogénéité entre départements (à l'exemple de l'académie de Rennes où les pourcentages vont de 34,6% en Ille-et-Vilaine à 62,1% dans le Finistère), d'autres académies connaissent "des contrastes extraordinaires entre départements". C'est le cas dans l'académie de Grenoble ou l'on compte, en Haute-Savoie, 2,5% d'enfants de deux ans scolarisés et jusqu'à 40,1% en Ardèche. "Si on considère les contrastes entre départements, le Finistère avec un taux de 62,1% et la Haute-Loire (60,9%) se situent en pointe en matière de scolarisation à deux ans, tandis que cette composante est quasi-inexistante en Haute-Savoie (2,5%), dans le Haut-Rhin (4,4%) ou en Guyane (1,2%)" détaillent les rapporteurs.
Ces disparités territoriales n'ont pas d'explication satisfaisante, reconnaît le groupe de travail sénatorial. Elles peuvent être liées "à la concurrence exercée par l'enseignement privé, comme dans l'académie de Rennes, à des effets de rétention dans certains milieux moins intégrés. Elles sont majoritairement le fait de données locales inscrites sur le long terme qui conjuguent plusieurs facteurs". Et c'est en général dans les départements ruraux ou en recul démographique que les enfants de deux ans sont le plus souvent scolarisés. "En fait, la politique de scolarisation précoce, reflet d'une France disparate, semble d'abord dépendre de contraintes liées aux variations démographiques."

 

Quelques préconisations autour du jardin d'éveil

Estimant que la tranche d'âge deux-trois ans nécessite un autre mode de prise en charge que l'école maternelle, dans "ce contexte de pénurie", les sénateurs proposent la piste du jardin d'éveil pour offrir un accueil "approprié" à ces enfants. Les conditions de succès d'un tel lieu repose sur l'existence d'un partenariat et d'un réel ancrage local affirme le groupe de travail : "La volonté des trois partenaires, à savoir l'Education nationale, la Caisse nationale d'allocations familiales et les collectivités territoriales, est un passage obligé pour créer ce projet de niveau intermédiaire entre la crèche et l'école." Les auteurs n'abordent pas le problème du financement mais émettent  en particulier deux préconisations : le recensement des locaux disponibles et le développement de l'emploi dans le secteur de la petite enfance. Estimant que les jardins d'éveil devraient être en priorité adossés aux écoles maternelles, Monique Papon et Pierre Martin proposent "de définir un schéma départemental de l'offre pour recenser les locaux disponibles qui servirait de base à l'établissement d'une carte de développement des jardins d'éveil". Seconde suggestion, celle-ci en termes de ressources humaines : "Le développement de l'emploi des éducateurs de jeunes enfants [...] pourrait être l'axe central de ce nouveau dispositif."
Le rapport fait état de l'opposition des groupes socialiste, communiste, républicain et citoyen. Ceux-ci craignent la fin de l'égalité d'accès des familles et de la gratuité d'accueil, des perspectives de fortes inégalités territoriales (si cela devait reposer sur les collectivités territoriales ou des initiatives aléatoires de partenariat), le risque de coût transféré aux communes ou encore la non-garantie de couverture exhaustive du territoire national. De son côté, le syndicat SE-Unsa estime que la scolarisation précoce doit rester une option. Il déplore que les enfants soient "ravalés à une simple marge de manoeuvre budgétaire" servant à "justifier les suppressions de postes".

 

Catherine Ficat