Un village de montagne transforme sa forêt en futaie jardinée (04)

Village de montagne dans les Alpes-de-Haute-Provence, Saint-Geniez porte un véritable projet politique pour sa forêt communale de 1 200 hectares. Le plan d’aménagement de 20 ans, démarré en 2019 avec l’Office national des forêts, préserve la pratique de l’affouage et introduit une gestion nouvelle pour redynamiser la forêt, favoriser le sylvopastoralisme et améliorer la prévention du risque d’incendie.

Situé en zone rurale montagnarde, au nord de Sisteron et de Digne-les-Bains, Saint-Geniez vit principalement d’activités touristiques et agricoles. La forêt de feuillus et de pins couvre plus de 1 200 hectares de cette commune au relief escarpé, étendue entre 600 et 1 700 mètres d’altitude. Cinq à dix foyers se portent volontaires chaque année pour l’affouage, une pratique traditionnelle qui consiste pour la commune à attribuer des parcelles de forêt aux habitants pour qu’ils coupent les arbres marqués par les gardes forestiers et en fassent leur bois de chauffage (lire encadré). La commune loue aussi une parcelle forestière à un agriculteur pour du sylvopastoralisme. Cette économie locale, bien que faiblement monétisée, présente un intérêt majeur pour les habitants. L’autonomie énergétique, le maintien de la valeur agroécologique de la forêt et la prévention des risques (érosion, incendie, prédation par le loup) de la forêt ont guidé les élus dans une nouvelle façon d’aborder la gestion forestière.

« Jusqu’en 2019, l'ONF gérait la forêt de Saint-Geniez en taillis sous futaie », expose Maxime Fonferrier, qui était à l’époque un des garants désignés par la commune pour veiller au bon déroulement de l’affouage. En futaie régulière, on pratique des coupes d’amélioration qui consistent à récolter le taillis (les repousses) et laisser se développer les arbres adultes. Par cette méthode, qui concerne 77 % des peuplements forestiers en France, une parcelle conserve des arbres d’âges et de dimensions sensiblement identiques. « Nous avons constaté que les coupes du taillis avaient tendance à générer des discontinuités dans la canopée, laissant la pluie atteindre et décaper les sols », poursuit l’actuel élu en charge de la forêt, de l’agriculture et de l’environnement. Or sur ces zones fortement pentues, la lutte contre l’érosion est primordiale pour conserver l’humus favorisant la régénération forestière. « De plus, avec la coupe sous futaie régulière, la forêt se régénère principalement par recépage : de nouvelles tiges se développent sur une souche, la régénération ne provient pas de semis. Cela nuit à l’adaptation génétique du peuplement au fil du temps, alors que nous commençons déjà à voir les effets du changement climatique. »

Test de futaie jardinée en 2018

Fin 2017, certains affouagistes, garants et conseillers municipaux, soucieux de leur forêt, ont demandé au garde de l'époque de procéder à une coupe test en futaie jardinée, pour essayer une autre méthode, bénéfique au devenir de leur forêt. Des réunions publiques ont eu lieu lors de l'élaboration du plan d'aménagement.

« La gestion en futaie jardinée consiste à récolter du bois dans toutes les classes d’âge pour garder une forêt dynamique », reprend l’élu. En futaie jardinée, la récolte de bois n’est pas seulement une coupe d’amélioration, c’est aussi une coupe de régénération. Les parcelles conservent ainsi une structure équilibrée, respectant une certaine proportion de petits, moyens et grands arbres. C’est un régime forestier plus coûteux, car il demande au garde forestier plus d’observation et d’expérience pour définir cet état d’équilibre satisfaisant et marquer les arbres à couper.

« L’ONF réserve généralement ce mode de gestion à des arbres de haute valeur. Ici, la forêt de hêtres a une valeur économique faible, mais l’autonomie énergétique de la commune et une meilleure régénération de la forêt présentent de l’intérêt. » Le dialogue entre le service aménagement de l’ONF, le technicien forestier territorial, un garant volontaire de la forêt et un conseiller municipal aboutit à un accord sur le passage total de la hêtraie en futaie jardinée. Le nouveau plan d’aménagement forestier pour les 20 ans à venir est adopté par le conseil municipal en décembre 2018, officiellement ratifié avec l’ONF en 2019.

Des coupes pour rouvrir le milieu planté en résineux

Sur la partie plantée en résineux, la commune loue une parcelle à un agriculteur. Ses vaches s’abritent et s’alimentent sous couvert forestier. Or le pin noir d’Autriche qui compose principalement ce peuplement a tendance à fermer le milieu. « Un milieu forestier qui se referme pose plusieurs problèmes. Nous sommes en zone loup, cela peut favoriser la prédation du bétail. Cela favorise aussi la propagation des feux de forêt et complique la lutte contre l’incendie. » Le nouveau plan de gestion met ainsi en place une coupe d’éclaircissement sur la partie résineux, autant pour améliorer le sylvopastoralisme que pour prévenir le risque d’incendie. Cette coupe devrait débuter en 2023.

L’affouage, une pratique traditionnelle des communes forestières

Le code forestier prévoit la pratique de l'affouage, ou droit de coupe de bois de chauffage, qui autorise les habitants à exploiter à titre privé une partie de la forêt communale. En pratique, c’est l’ONF qui détermine les arbres à abattre, selon le mode de gestion validé par la commune. C’est ensuite aux garants communaux de définir les lots d’affouage.  « À Saint-Geniez, nous souhaitons que tout le monde s'implique dans la vie de notre commune, c'est pourquoi le rôle de garant de la forêt est proposé à des affouagistes extérieurs au conseil municipal, souligne Maxime Fonferrier. Les garants s’efforcent de définir des lots de 10 à 15 stères, correspondant à la consommation annuelle d’une habitation principale. La commune facture 90 euros la coupe à l'affouagiste ». Les garants veillent ensuite au bon déroulement de l’affouage ainsi qu’à l’état des pistes forestières. Les habitants ont un délai maximal de deux ans pour effectuer les coupes et récupérer le bois. La revente n’est pas autorisée.

En chiffres

  • Lots d’affouages : 10 à 15 stères, équivalant à la consommation annuelle d’une habitation.
  • Coût de la coupe à la commune sur chaque lot pour l’affouagiste : 90 euros
  • Superficie de la forêt communale : 1 200 hectares

Commune de Saint-Geniez

Nombre d'habitants :

105
Le Village
04 200 Saint-Geniez-de-Dromon
mairie-st-geniez@orange.fr

Maxime Fonferrier

Conseiller municipal en charge de la forêt, de l’agriculture et de l’environnement

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