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Urbanisme - Urbanisme de projet : le contenu de la réforme expliqué aux sénateurs

Devant la commission du développement durable du Sénat, Benoist Apparu s'est employé à expliquer le contenu de la réforme de l'urbanisme en cours de préparation. Sa présentation définitive aura lieu le 27 mai, à l'issue d'un séminaire réunissant l'ensemble des groupes de travail de la démarche "urbanisme de projet" lancée à l'été 2010.

Le secrétaire d'Etat chargé du Logement, Benoist Apparu, a détaillé le 26 avril, devant la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, le contenu des cinq ordonnances visant à passer d'un urbanisme de normes à un urbanisme de projet. "Nous n'avons pas le temps de bâtir une loi-cathédrale : j'avoue avoir une préférence pour les ordonnances", a déclaré le ministre à propos de cette procédure prévue par l'article 25 de la loi Grenelle 2 qui autorise ainsi le gouvernement à procéder, à droit constant, à une nouvelle rédaction des dispositions législatives du Code de l'urbanisme afin d'en clarifier la rédaction et le plan. Benoist  Apparu estime que l'enjeu est désormais "de trouver un consensus sur le contenu des ordonnances avant leur publication, d'ici la fin de l'été". Un séminaire final des groupes de travail sur l'urbanisme de projet se tiendra les 26 et 27 mai pour arrêter les décisions.

Le projet d'aménagement et de développement durable, "pierre angulaire" du PLU

La première ordonnance portera sur la recodification du code général de l'urbanisme, à droit constant, et la deuxième sur les procédures d'élaboration, d'adoption et de modification des documents d'urbanisme. "Notre objectif principal est de mieux distinguer ce qui relève de la révision des plans locaux d'urbanisme (PLU) et ce qui relève de leur simple modification", a indiqué le secrétaire d'Etat. "Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), qui constitue la première partie du plan local d'urbanisme (PLU), doit en être la pierre angulaire : c'est le lieu où le pouvoir politique local énonce son projet pour le territoire. Or, nous constatons que, trop souvent, la seconde partie, c'est-à-dire le règlement du PLU, a pris le dessus, conduisant à multiplier des règles superflues, tatillonnes et sources de retard dans les opérations, quand ce n'est pas de contentieux", a-t-il poursuivi.  Une première piste consiste donc, selon lui, à "distinguer trois ensembles, en les définissant le plus précisément possible : les règles relatives au PADD, qui seraient modifiables par la procédure de révision ; celles relatives au règlement du PLU, modifiables par la procédure plus légère de modification ; enfin, les autres dispositions, qui relèveraient de la procédure de modification simplifiée, plus souple encore". La procédure de révision simplifiée serait quant à elle supprimée.
La troisième ordonnance vise les établissements publics fonciers mais Benoist Apparu s'est dispensé d'une présentation détaillée en raison de son caractère "particulièrement technique".
Il a en revanche été plus prolixe sur la quatrième ordonnance, relative aux calculs des surfaces. "Ils sont aujourd'hui très complexes, en particulier dans le passage entre la surface hors oeuvre brute (Shob) à la surface hors oeuvre nette (Shon) et nous déplorons  que les catégories utilisées aillent à l'encontre des objectifs du développement durable - on le voit par exemple avec l'isolation dont on a calculé qu'elle fait baisser la surface de construction au sens urbanistique." "Nous envisageons de remplacer ces catégories [la Shon et la Shob] par la notion "de plancher de construction", qui aura l'avantage de ne pas pénaliser le développement durable, qui a déjà reçu le soutien de tous les professionnels consultés et qui ferait gagner 10 % de surface au sens urbanistique", a-t-il expliqué aux sénateurs.
Quant à la cinquième ordonnance, elle porte sur les permis de construire et les autorisations d'urbanisme, suite à la réforme de 2007. "Plusieurs problèmes ont été identifiés, a noté Benoist Apparu. Sur les permis de construire des lotissements, il faudra modifier les règles. Nous voulons également poursuivre l'effort engagé en 2007 pour diminuer les délais de délivrance des permis de construire : la réforme n'a pas concerné les zones atypiques, par exemple les zones classées, nous devons les y inclure." A propos du seuil de 20 mètres carrés pour le passage d'une déclaration préalable à un permis de construire, il a confirmé qu'il était souhaitable de le faire passer "à 40 mètres carrés, voire 60 mètres carrés sur décision communale en cas de PLU intercommunal".

L'arme de la fiscalité contre la rétention foncière

En dehors du champ des ordonnances, les groupes de travail chargés de formuler des propositions sur l'urbanisme de projet ont identifié selon Benoist Apparu "d'autres réformes importantes à conduire". En matière de fiscalité foncière, en particulier, il s'agit d'inciter "davantage à mettre du foncier non-bâti sur le marché de la construction". "Actuellement, l'abattement fiscal sur la plus-value foncière est d'autant plus avantageux que la durée de conservation du bien est longue, ce qui revient à défiscaliser la spéculation puisqu'il suffit d'attendre suffisamment de temps que son bien augmente pour voir sa plus-value échapper à l'impôt. Nous proposerons que la fiscalité devienne neutre dans le temps", a expliqué le secrétaire d'Etat. Il a réitéré cette proposition le 4 mai devant la commission des finances du Sénat : "le taux d'imposition pour assurer la neutralité doit être identique, quelle que soit la durée de détention" et a déclaré que la discussion restait ouverte sur l'instauration d'une "sur-fiscalité" pour les régions tendues comme l'Ile-de-France ou Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Autre priorité à ses yeux : la révision en valeur des terrains non-bâtis. "Le mouvement de révision a été lancé pour l'urbanisme commercial, je crois qu'il faut aller plus loin ; on sait le caractère délicat de la révision du foncier bâti mais on ne peut attendre qu'elle ait eu lieu pour s'attaquer au foncier non-bâti", a-t-il justifié.  Il juge aussi nécessaire de "rationaliser et homogénéiser le partage de la plus-value lors de la vente de foncier".  "L'enrichissement du propriétaire est lié à la décision de la collectivité, qui, en rendant le terrain constructible, en augmente considérablement la valeur. Il faut rationaliser les trois régimes existants, issus de maints textes différents, et harmoniser les assiettes", a expliqué Benoist Apparu devant la commission de l'économie du Sénat.

Des "secteurs de projets" dans les PLU

L'adaptation de la partie réglementaire des documents d'urbanisme est également au menu de la réforme. "Le cas des PLU est exemplaire : le règlement prend le pas sur le PADD, les règles tatillonnes l'emportent sur la stratégie territoriale, alors que la loi n'a rendu obligatoires que deux articles du règlement : sur l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et par rapport aux voies et emprises publiques, a illustré le secrétaire d'Etat. Une première piste consiste donc à rappeler la primauté de l'énoncé stratégique des PLU". Une autre proposition des groupes de travail consisterait à créer des "secteurs de projets" au sein des PLU déjà adoptés ou en cours d'élaboration afin de privilégier le projet par rapport à l'application des règles. "Dans ces secteurs, définis par l'autorité politique locale, il s'agirait de suspendre le règlement du PLU, pour que le projet d'urbanisme génère lui-même les règles d'urbanisme, en conformité avec les énoncés du PADD", a précisé Benoist Apparu. "À condition d'un accord avec l'autorité politique locale, l'État pourrait alors lui-même suspendre certaines de ses réglementations, je pense en particulier au livre I du Code de la construction et de l'habitation, à certaines servitudes d'urbanisme, ou encore à la partie construction du Code civil, notamment les règles liées aux relations de voisinage", a-t-il ajouté en soulignant que cela vaudrait uniquement pour "les projets structurants et non pas pour la construction d'un immeuble". "L'adaptation vise par exemple l'urbanisation de berges, ou encore les zones caractérisées par la présence d'un équipement commercial de grande envergure", a-t-il détaillé. Pour être instaurés, ces "secteurs de projet" devront figurer dans un véhicule législatif adéquat.
S'agissant des plans d'occupation des sols (POS), Benoist Apparu a remarqué qu'"ils auraient dû tous être remplacés par des PLU, mais cela n'est pas toujours le cas". Il a pointé notamment "des POS dont les objectifs sont parfois très éloignés" des ambitions actuelles en matière de développement durable et de densification urbaine". "Faut-il mobiliser la loi ? Nous aurons à en débattre."
Enfin, le chantier de l'urbanisme de projet sera également l'occasion de poser la question "du contentieux de l'urbanisme qui peut concrètement retarder, voire empêcher des opérations", a souligné Benoist Apparu en visant aussi bien "les recours abusifs, dit de voisinage" que "le contentieux d'origine mafieuse, où des groupes lancent des procédures dans le seul but d'obtenir de l'argent des promoteurs, contre le renoncement à leur plainte". Ce dossier qui se caractérise par des contraintes constitutionnelles et juridiques strictes a fait l'objet d'une analyse par un "des sages" présidé par le conseiller d'État, Thierry Tuot. Ce comité de juristes suggère notamment "de faciliter les recours en annulation partielle, de limiter les cas d'annulation pour vice de forme, d'encourager la consultation, ou encore de créer un rescrit juridictionnel qui protégerait l'opération et un calendrier de procédure, par lequel le tribunal serait lié par une date d'examen du dossier". Ces dispositions devraient également être introduites par voie législative.
 

 

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