L’usine du futur ira de pair avec la formation vers de nouvelles compétences

Depuis le milieu de la décennie 2010, la France réaffirme ses ambitions industrielles, en misant notamment sur des usines équipées de technologies robotiques et numériques, et en prenant la mesure des enjeux de transformation écologique et sociale. Nombre d’entreprises peinent cependant à trouver les compétences adaptées, qu’il s’agisse de filières industrielles récentes ou traditionnelles.

La Banque des Territoires agit pour combler l’écart entre l’attractivité des métiers industriels, les milliers de postes à pourvoir et les compétences à créer ou maintenir. Elle soutient les initiatives locales par le cofinancement d’études d’ingénierie et de nouveaux centres de formation, et par la fourniture de services novateurs, à l’image des cartes Dataviz Territoires d’industrie complétées par les données qualifiées de Trendeo. Analyse de ces leviers d’action.

2016 restera une année marquée d’une pierre blanche en France. Pour la première fois en quatre décennies, le pays enregistra un solde positif de l’emploi industriel. Depuis, ce renouveau s’est confirmé, porté par une vision partagée entre les pouvoirs publics, les dirigeants d’entreprise et les investisseurs français et internationaux.

Redevenant attractive et en croissance, la filière peine à trouver les compétences nécessaires. « Pôle emploi estime à plus de 70 000 les offres d’emploi en attente d’être pourvues dans l’industrie », confirme David Cousquer, fondateur-dirigeant du centre de recherche Trendeo.

L’industrie française est bien engagée dans un mouvement de mise à niveau et de montée en gamme, qui doit s’accompagner d’un effort de formation important.

David Cousquer, fondateur-dirigeant du centre de recherche Trendeo

Les compétences, un actif essentiel pour l’usine du futur

L’ensemble des technologies mises en place dans l’industrie nécessitent en effet le recrutement d’opérateurs formés, ou la mise en place de formations pour les opérateurs existants, dans la production, la maintenance, la logistique, la simulation numérique, l’impression 3D, la réalité augmentée... au travers de métiers comme celui d’architecte internet des objets, opérateur en fabrication additive ou bien chargé de recyclage en production bioplastique. La formation est bien un point de passage indispensable dans ce mouvement de modernisation de l’industrie. « Nos analystes ont étudié plus d’un millier de projets industriels annoncés depuis juin 2020, poursuit David Cousquer. Notre synthèse démontre que l’industrie française est bien engagée dans un mouvement de mise à niveau et de montée en gamme, qui doit s’accompagner d’un effort de formation important ».

Complémentaire au plan France Relance et intégrée au plan France 2030, l’action de la Banque des Territoires en faveur de l’industrie est déclinée en quatre axes.

Thomas Raulet, chef de projet Dataviz à la Banque des Territoires

Pour soutenir ce besoin crucial, la Banque des Territoires intervient aux côtés de l’État, des collectivités, de Bpifrance et de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires. « Complémentaire au plan France relance et intégrée au plan France 2030, l’action de la Banque des Territoires en faveur de l’industrie est déclinée en quatre axes, résume Thomas Raulet, chef de projet Dataviz : 

  • le développement des formations aux métiers industriels ;
  • le soutien des projets immobiliers et fonciers d’usines
  • la décarbonation des filières et des processus industriels
  • la structuration des filières locales à travers des études d’ingénierie ».

En 2021, la Banque des Territoires avait ainsi lancé un premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour les écoles de production, situées dans des communes où les industriels ont du mal à recruter. « Au terme des formations dans ces écoles, 90 % des élèves sont recrutés par les entreprises », souligne Thomas Raulet.

Ces établissements répondent à un triple enjeu social, territorial et économique : ils recrutent des élèves qui vivent à proximité et sont souvent en décrochage scolaire ; ils les forment à des métiers qualifiés en phase avec les attentes des industriels ; enfin, ces écoles vendent aux entreprises les pièces et équipements qui fabriqués par les élèves.

 

« Challenge compétences » : un AMI sur qui compter

Fin 2021, un second AMI, « 4.0 : anticiper les compétences de demain », a été lancé par la Banque des Territoires, à l’issue duquel une cinquantaine de projets de formations industrielles a été sélectionnée. Les lauréats bénéficieront d’un accompagnement sur mesure et dans la durée, sous différentes formes.

  • En phase d’ingénierie, 20 projets recevront jusqu’à 50 000 € en cofinancement des études nécessaires à la définition du modèle économique et du programme pédagogique.
  • Pour les projets dotés d’un modèle économique viable, la Banque des Territoires investira en fonds propres ou quasi-fonds propres, avec d’autres financeurs, pour des projets d’un montant minimum de 200 000 € et à hauteur de 50 % maximum du besoin d’investissement.
  • Les projets n’ayant pas trouvé leur modèle économique à court terme pourront être subventionnés en amorçage pour créer des centres de formation, à hauteur de 100 000 € maximum, qu’il s’agisse d’investissements immatériels ou de besoins en fonds de roulement. 
  • Enfin, les centres de formation industrielle déjà ouverts pourront solliciter des subventions pour des équipements, des plateaux techniques, des outils immatériels, à hauteur de 50 % du montant total et dans une limite de 800 000 € d’aide. « Cette subvention sera notamment engagée via le fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires concernés par le plan France Relance », précise Thomas Raulet.

Un outil pour amplifier et accélérer l’ouverture de centre de formation

La Banque des Territoires met également à disposition son outil Dataviz Territoires d’industrie. Celui-ci permet de dresser un portrait territorialisé de la réalité du marché du travail, mais aussi de la formation grâce au croisement de plusieurs données.

« Créé en 2020, Dataviz Territoires d’industrie propose une version librement accessible et une version premium, enrichie par les données de Trendeo, avec des informations sur le foncier industriel, les bâtiments et les sites, les compétences », indique Thomas Raulet.

« Les informations que nous collectons sur l’usine du futur servent à la fois comme base de données exhaustive et outil d’aide à la décision. Ces informations sont localisées et visualisées à la demande grâce aux cartes interactives de Dataviz. Ainsi, les décideurs économiques et politiques identifient mieux les freins et moteurs propres à un territoire, l’évolution des entreprises, des écoles et des métiers industriels, les signaux faibles ou forts », complète David Cousquer. 

Concrètement, la Dataviz Territoires d’industrie est utilisée pour détecter les besoins des territoires, notamment ceux qui n’auraient pas forcément exprimé de besoin. C’est également un point d’entrée pour des porteurs de projets/collectivités qui veulent mettre des chiffres sur une réalité exprimée par les industriels. Cette analyse fonctionne plutôt bien sur des métiers « traditionnels » comme les soudeurs, chaudronniers. 

Elle est désormais complétée par les données Trendéo sur le 4.0 qui permettent de noter chaque création d’emplois et connaitre la bascule des territoires vers l’Usine du Futur. Nous détectons ainsi plusieurs signaux forts (avec des compétences associées) qui permettent d’avoir une vision fine des besoins qui émergent (et mettent du temps à se refléter dans les bases de données traditionnelles comme celle de Pôle Emploi). De même, un territoire sur lequel nous détectons peu de projets vers le 4.0 pourrait également être accompagné car cela témoigne d’une moindre prise en main de ce sujet, pourtant indispensable.

Enfin, dernier atout et non des moindres, Dataviz sert aussi de levier à La Banque des Territoires pour inciter des collectivités et des entreprises à créer ou renforcer des filières de formation adaptées à la dynamique locale. Avec déjà 40 centres de formation accompagnés, l’usinage des nouvelles compétences industrielles se profile donc au mieux pour les années à venir.

 

Dataviz Territoires d'industrie en action

Destinées aux industriels, aux porteurs de projets et au réseau de La Banque des Territoires, ces cartes interactives rendent plusieurs services :

  • constituer un point d’entrée pour des porteurs de projets ou des collectivités souhaitant mettre des chiffres sur une réalité exprimée par les industriels et permettant de juger la solidité d’un projet ;
  • trouver de potentiels industriels promoteurs d’une école de production et qui pourraient en acheter les produits. Dataviz permet, dans ce cas, de boucler un tour de table ;
  • connaître la bascule des territoires vers l’usine du futur, offrant une vision fine des besoins émergents grâce aux données qualifiées de Trendeo ;
  • repérer des territoires à accompagner vers l’usine du futur, par le cofinancement d’une étude d’ingénierie par exemple ;
  • identifier des collectivités qui n’auraient pas forcément exprimé de besoin.

Cartographie des projets industriels « Usine du Futur » de Trendeo

Cartographie des projets industriels ayant reçu au moins un point avec la notation « Usine du Futur » de Trendeo. Couleur par secteur d’activité et taille du cercle en fonction du score.

L’Usine du Futur en six critères

Sur la base de 23 000 investissements industriels recensés dans le monde depuis 2016, Trendeo et ses partenaires (EDF, Fives, l’Institut de la réindustrialisation) ont identifié six axes reflétant la transformation de l’industrie mondiale :

  • Flexibilité : pouvoir passer d'un produit à un autre, fabriquer sur mesure, personnaliser la production…
  • Numérisation : Internet des objets, robotique et cobotique, automatisation, 5G, personnalisation en ligne…
  • Empreinte énergétique : efficacité et réduction de la consommation.
  • Empreinte écologique : décarbonation, moindre pollution et nuisances (fumées, eaux, bruits), préservation des ressources...
  • Empreinte sociale : conditions de travail, santé et sécurité, formation initiale et continue, rémunérations...
  • Empreinte territoriale : favoriser les fournisseurs locaux, financer les écoles, contribuer aux projets sociaux...

 

Notre guide sur l'Usine du Futur

Découvrez dans cette étude les 6 critères de l’Usine du Futur et des exemples de mesures de mise en œuvre des caractéristiques de l’Usine du Futur.

Télécharger l'étude

Initiatives emblématiques

  • À Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence, Sanofi investit 60 M€ dans un centre de recherche où la formation à la « chimie du futur » tiendra une place importante, avec un large éventail de partenariats (fournisseurs, sociétés d’ingénierie, universités, R&D interne…).
  • À Saint-Amarin, dans le Haut-Rhin, Velcorex prévoit d’investir 12 M€ pour la fabrication de matériaux composites biosourcés (dont 2 M€ consacrés à la formation, en partenariat avec deux écoles d’ingénieur locales, Ensisa et Enscmu). 
  • À Fontaine dans l’Isère, le producteur d’hydrogène Symbio va créer une académie pour former 300 personnes. L’entreprise prévoit de créer un millier d’emplois directs et indirects dans les prochaines années.
  • À Jonage, dans le Rhône, RTE va investir 74 M€ dans la création d’un Campus transfo, présenté comme le plus grand centre européen de formation dédié au transport du courant électrique. 

David Cousquer

Fondateur-dirigeant du centre de recherche Trendeo

Économiste de formation, David Cousquer a commencé sa carrière à la Banque de France, avant de contribuer à l’animation du réseau de l’Agence française pour les investissements internationaux. Devenu directeur des études et du marketing, il a ensuite créé Trendeo en 2007, qui fournit des données sur l’emploi et l’investissement en France.

Son profil Linkedin

Thomas Raulet

Chef de projet Dataviz - visualisation de données, Banque des Territoires

Diplômé de Sciences-Po Aix-en-Provence et de l’université de Copenhague, Thomas Raulet a été rédacteur économique pour le média Modern paper avant d’intégrer en 2019 la Banque des Territoires comme analyste de données puis chef de projet Dataviz Territoires d’industrie au sein de la direction de l’investissement.

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