Utiliser les marchés publics pour l'insertion professionnelle

En choisissant d'introduire une clause d'insertion sociale dans ses marchés publics, la communauté d'agglomération du Grand Tarbes mise sur son rôle de donneur d'ordres pour promouvoir l'insertion de personnes exclues de l'emploi dans les entreprises. La clause prend d'année en année de plus en plus d'importance.

La clause d'insertion sociale permet d'utiliser la commande publique pour favoriser l'insertion de personnes sans emploi : chômeurs longue durée, allocataire du RMI, de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), travailleurs reconnus handicapés, jeunes en parcours d'insertion. Le donneur d'ordres impose à l'entreprise attributaire du lot d'embaucher du personnel dit en insertion. Cette obligation prend la forme d'un nombre d'heures du marché réservées à l'insertion, calculées par lot, en fonction de sa technicité, son importance, etc. (en général de 5 à 10% des heures).

 

La clause est mise en oeuvre selon l'ampleur des lots et leur technicité

La communauté d'agglomération du Grand Tarbes a introduit la clause d'insertion comme clause d'exécution, autrement dit toutes les entreprises qui répondent à un marché doivent correspondre à la norme sociale fixée (embauche de personnes en insertion). Depuis quatre ans qu'elle a décidé d'appliquer cette clause autant que possible dans ses marchés publics, la communauté constate une réelle montée en puissance, qui augure tant de l'intérêt de la clause que de sa faisabilité. "Nous avons au départ limité les marchés concernés pour être certains d'y aller posément mais sûrement", précise Agnès Lazarévitch, directrice des services techniques de la communauté d'agglomération du Grand Tarbes. "L'application de la clause est systématiquement examinée pour chaque chantier depuis 2004, mais elle n'est pas systématiquement appliquée." Les marchés ou lots visés sont choisis de telle sorte que la mise en oeuvre de la clause d'insertion ne soit pas trop contraignante... et ne risque pas de démotiver les candidats aux appels d'offres. "Nous avons mis de côté les lots trop faibles financièrement (le nombre d'heures d'insertion serait alors trop faible et le résultat non satisfaisant pour la personne en insertion), de même que ceux requérant une certaine technique ou portant sur des travaux lourds : charpente, ascenseurs, réhabilitation de logements..." Reste donc le gros oeuvre, la menuiserie extérieure, la peinture, les sols, etc.

 

Les entreprises optent pour l'intérim d'insertion ou s'adressent au plan local pour l'insertion et l'emploi

L'effet dissuasif redouté par certains semble relever davantage de la crainte que du réel obstacle. "Parce que les entrepreneurs ne connaissent pas les modalités de mises en oeuvre. De même, il y a certainement des préjugés à dépasser concernant le public en insertion", assure Agnès Lazarévitch.
Qui embaucher ? Comment ? Les réponses ne vont pas de soi pour une entreprise dont le métier n'est pas l'insertion. "Nous expliquons ces modalités dans un guide pratique qui est remis à chaque entreprise", précise Agnès Lazarévitch. Le donneur d'ordres, en l'occurrence la collectivité, donne une contrainte de résultat et non de moyens. A l'entreprise de choisir l'option qu'elle préfère : recrutement direct d'un chômeur, achat d'heures d'intérim, adhésion à un groupement d'employeurs, etc. "Une majorité d'entreprises optent pour l'intérim ou l'intérim d'insertion (via l'entreprise de travail temporaire d'insertion Bigorre Intérim Insertion)", note Agnès Lazarévitch. Certaines s'adressent au plan local pour l'insertion et l'emploi. "C'est un marchepied intéressant pour des personnes que nous accompagnons, à condition que le lot s'y prête. Par exemple, nous ne mettons pas de clause d'insertion sur les lots charpente-couverture ou ascenseurs. Nous avons de multiples exemples de personnes qui par ce biais ont remis un pied dans une entreprise et ont ensuite pu enchaîner des intérims, voire pour quelques-uns signer un CDI", relève Mélanie Réale, chargée de mission à Appuie, association chargée de conduire le PLIE de l'agglomération tarbaise.

 

L'effet Anru

La clause d'insertion relève d'un choix politique sur les marchés passés par l'EPCI puis par l'ensemble de ses partenaires opérateurs pour l'opération de renouvellement urbain (communes de Tarbes, Aureilhan, Séméac, conseil général, OPH, Semi-Tarbes...), avant même qu'elle ait été rendue obligatoire par l'Anru. Le Grand Tarbes l'a donc développée plus largement dans ce cadre. "En fait, lorsque nous avons signé (parmi les premiers) notre convention avec l'Anru, la clause d'insertion n'était pas encore obligatoire. Mais nous l'avons appliquée parce nous avions déjà commencés à le faire", reprend Agnès Lazarévitch. Le Grand Tarbes avait en effet participé dès 2004 au travail mené par la direction départementale de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle (DDETFP) pour promouvoir cet outil. 
Sur l'opération de renouvellement urbain du quartier Nord de Tarbes, cela représente au total près de 41.000 heures dédiées à la clause d'insertion, réparties entre les différents opérateurs, dont le plus gros contingent pour l'Opac 65 (23.000 heures). Sur les seuls marchés du Grand Tarbes, le volume d'heures est bien moins important, mais il progresse : 330 heures en 2004, 1.032 en 2006, 4.184 en 2007 et déjà 3.240 à la mi-2008.

 

Impact à affiner

Mettre en relation des entreprises avec des personnes qu'elles n'auraient pas été chercher et qui au final peuvent s'avérer des recrues intéressantes : l'idée est séduisante car toute la collectivité y gagne, notamment dans les secteurs des travaux publics ou du bâtiment où la main d'œuvre est difficile à trouver. "Nous manquons de données vraiment pertinentes sur le parcours des bénéficiaires", reconnaît toutefois Agnès Lazarévitch. Communauté et Appuie y travaillent. Cela permettrait sans doute de cerner les effets pervers possibles de la clause (multiplication des contrats courts et CDD) et donc d'en modifier les règles pour les entreprises ayant déjà parfaitement joué le jeu (embauche en CDI d'une personne en insertion)...


Emmanuelle Stroesser, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Communauté d'agglomération du Grand Tarbes

Nombre d'habitants :

79800

Nombre de communes :

12
30, av. Saint Exupery
65000 Tarbes

Agnès Lazarévitch

Directrice des services techniques et chef de projet ORU

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