Fiscalité locale - Versement transport : des efforts restent à faire pour mieux connaître l'assiette
Les Urssaf sont chargées du recouvrement du versement transport (*) pour le compte des autorités organisatrices de transports urbains (AOT), c'est-à-dire les agglomérations, départements et régions. Chaque mois, elles leur transmettent un tableau de synthèse faisant apparaître plusieurs informations : d'une part, le montant du versement transport (VT) pour chaque commune ; d'autre part, les effectifs des entreprises cotisantes et leur secteur d'activité ; enfin, le montant global du VT.
Les autorités organisatrices de transports ne disposent de ces informations que depuis 1990, alors que le VT - dont l'assiette est constituée des salaires - a été créé dès 1973 pour financer le développement des transports publics en France.
Un groupe de travail interministériel
L'avancée découle d'un protocole d'accord entre le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss). Mais les Urssaf n'ont pas toujours suivi les recommandations du protocole. "Le Gart n'a pas de pouvoir réglementaire, explique Delphine Racine, du pôle juridique de cette association qui regroupe 252 collectivités territoriales. Si le protocole n'a pas été décliné par les AOT, il n'engage pas les Urssaf."
Au contraire, d'autres Urssaf, encore peu nombreuses, prennent l'initiative d'aller plus loin que le protocole en transmettant aux AOT le montant précis des cotisations au VT acquittées par chaque entreprise de plus de neuf salariés. Avec le Gart, les collectivités territoriales militent pour une généralisation à l'ensemble des Urssaf de la transmission de ces données. Des discussions ont été engagées au sein d'un groupe de travail piloté par le ministère de l'Equipement et des Transports, dont la dernière réunion remonte à juin 2006. Les services de l'Etat sont partagés sur cette question : si le ministère des Transports ne semble pas opposé à la demande des collectivités, il n'en irait pas de même du ministère de la Santé (direction de la Sécurité sociale), lequel oppose le secret professionnel à cette évolution. "La collectivité sait exactement combien chaque entreprise verse à la taxe professionnelle, objecte Claude Arnathau, directeur de la prospective financière à la communauté urbaine de Bordeaux et membre du groupe de travail. Pourquoi ne serait-il pas possible de savoir ce que chacune verse pour le versement transport ?", poursuit-il.
Un système à deux vitesses
En réalité, les collectivités ont déjà accès aux renseignements qu'elles sollicitent, mais seulement pour une catégorie d'entreprises bien spécifique : celles qui logent du personnel (par exemple un gardien) ou qui ont organisé un service de transport privé pour leur personnel. Et ce, afin de pouvoir les rembourser si nécessaire. A la communauté urbaine de Bordeaux, une centaine d'entreprises sont concernées pour moins d'1% du montant total du VT. "Pourquoi y aurait-il deux types d'entreprises, celles dont on connaît le VT acquitté et les autres ?", s'interroge Claude Arnathau.
En connaissant précisément le montant des cotisations des entreprises au VT, les autorités organisatrices de transports, tout au moins les plus importantes, pourraient établir des prévisions financières très fines. En effet, l'évolution de l'activité économique, qu'il s'agisse d'implantations, de fermetures, ou encore de la réduction et de la croissance de la taille des entreprises, a des effets directs sur la masse salariale, sur laquelle est assis le VT.
A Bordeaux, un observatoire optimise les recettes du versement transport
La communauté urbaine de Bordeaux est l'une des premières AOT en France à avoir créé un véritable observatoire du VT. Grâce à un suivi quotidien, elle sait si les Urssaf ont versé en temps et en heure le VT qui lui est dû. C'est une mesure de bonne gestion : le VT représentera en 2006 une ressource de 113 millions d'euros pour la communauté urbaine. "Nous détectons la moindre anomalie, déclare Claude Arnathau, responsable de l'observatoire. Dernièrement, une Urssaf a versé par erreur à une autre agglomération 35.000 euros qui auraient dû pourtant rejoindre les comptes de la communauté urbaine, poursuit-il. Les services de cette agglomération ne se sont rendu compte de rien. Heureusement, les nôtres s'en sont aperçus." Même si des collectivités comme Lyon, Rouen ou Toulouse se sont dotées d'observatoires similaires à celui de Bordeaux, ce type de structure ne s'est pas généralisé. "Parce qu'elles n'ont pas toujours les moyens de mettre en place un observatoire, beaucoup de collectivités se contentent encore d'encaisser le versement transport sans se demander d'où proviennent les cotisations", indique Claude Arnathau.
Par ailleurs, la communauté urbaine de Bordeaux demeure la seule AOT en France à procéder à des contrôles en matière de versement transport. Un agent vérifie sur place si les effectifs déclarés par les entreprises concernant le personnel qu'elles logent ou qui bénéficie d'une navette privée domicile-travail correspondent bien à la réalité. Il arrive en effet que des salariés se soient inscrits pour ce service, mais qu'ils aient finalement décidé de prendre leur voiture.
Thomas Beurey / Evs Conseil
(*) Le versement transport est prélevé sur la masse salariale des établissements publics et privés de plus de neuf employés situés dans les périmètres de transport urbain dont la population est supérieure à 10.000 habitants. Il est exclusivement destiné à financer les transports collectifs urbains.