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Innovation urbaine - Villes numériques intelligentes, c'est déjà maintenant !

La table ronde consacrée aux "villes intelligentes" dans le cadre des Assises du numérique, le 30 novembre à Paris, donne un aperçu des changements déjà amorcés et de ceux qui se préparent pour rendre nos cités plus vivables, accueillantes et connectées... Les expériences de plusieurs villes européennes montrent des voies possibles.

Les villes, devenues le moteur de la compétitivité mondiale, polarisent l'activité économique, concentrent un nombre croissant d'habitants et doivent faire face à des défis logistiques et organisationnels complexes. Dans cette effervescence qu'il convient d'organiser et de consolider, le numérique devient stratégique, en améliorant la performance et l'intelligence ambiantes. La table ronde consacrée aux "villes intelligentes", programmée lors des Assises du numérique, le 30 novembre à Paris, a donné un aperçu des changements déjà amorcés et de ceux qui se préparent pour rendre nos cités plus accueillantes (sur ces Assises du numérique et le plan France Numérique 2020 qui y a été présenté par le gouvernement, lire aussi notre article du 1er décembre).
Les villes se transforment en mode accéléré. Une projection sur les prochaines décennies laisse entrevoir des révisions profondes. Plusieurs raisons à cela : la démographie poursuit son envolée. On estime que plus de 70% de l'humanité sera urbaine en 2030. Nos cités et agglomérations, qui accueillent déjà 3,5 milliards d'habitants, consomment 75% de l'énergie mondiale et génèrent 80% des gaz à effet de serre, devront trouver plus d'espace, plus d'énergie et plus de capacités de transports. Cette évolution fragilise les grandes concentrations urbaines, dépendantes de leurs approvisionnements en eau, en énergie, en produits frais. Elle confronte les gestionnaires à une complexité des infrastructures, de la logistique, de la mobilité, de la sécurité, du logement et de l'éducation. Dans cet environnement en mutation, le numérique apparaît comme l'un des moyens de relever la plupart de ces défis.

"Passer de 400 objets connectés à 13.000 au km2"

"La ville numérique va consommer et générer énormément de données", explique Gabrielle Gauthey, vice-présidente en charge des affaires publiques et gouvernementales chez Alcatel Lucent : "Dans les cinq prochaines années, nous allons passer de 400 objets connectés à internet à 13.000 au km2, et la vidéo sur internet devrait multiplier par 30 les besoins de bande passante. Cette évolution impose, dès aujourd'hui, une vision stratégique sur la gestion du spectre des fréquences qui va devenir une denrée rare." Ainsi, la ville numérique impose déjà "une adaptation au rythme accéléré des transformations technologiques ainsi qu'une révision des politiques publiques et de la gouvernance locale", conclut-elle.

Les Smart Work Center d'Amsterdam captent 15% des salariés

Parmi les grands défis, le développement durable est sans doute un des plus sensibles, à commencer par les fonctions liées à la mobilité, au travail, aux déplacements. Certaines villes sont déjà engagées dans des réformes structurelles, à l'image d'Amsterdam qui figurait encore en 2008 dans le peloton des villes les plus congestionnées d'Europe. Depuis, elle a créé, avec le concours de Cisco, un réseau d'une cinquantaine de télécentres (Smart Work Centers) afin de réduire le volume des déplacements pendulaires. Ces centres, qui proposent des bureaux, des espaces de réunion, des moyens de connexion, de téléprésence et aussi des services afin que leurs usagers ne soient pas socialement isolés (boutiques, bars, services), drainent déjà près de 15% des salariés de l'agglomération. "La ville annonce une économie de 40% sur les espaces de bureaux et on estime que sur une heure gagnée dans les transports, 40% des bénéfices vont au salarié qui accroît son temps de loisir et 60% représente un gain de productivité des entreprises", explique Robert Vassoyan, directeur de Cisco France. De tels équipements font également leur apparition en France. Lille et Strasbourg sont déjà engagées et la région Ile-de-France s'y prépare.

Objectif zéro énergie fossile à Stockholm

L'apport des "smart grid", ces réseaux intelligents permettant à la fois d'optimiser l'énergie consommée dans les bâtiments et de gérer l'énergie qu'ils produisent eux-mêmes (à partir, par exemple, de panneaux solaires), commencent à révolutionner la construction. "Dans cet esprit, la ville de Stockholm s'est donnée l'immense ambition de fonctionner en 2050 avec zéro énergie fossile", explique Franck Bouetard, directeur d'Ericsson France. "Le nouveau quartier Royal Seaport, où 10.000 logements et espaces de bureau à énergie positive sont en construction, sert déjà de terrain d'expérimentation."
S'il est difficile d'imaginer ce que sera réellement la ville de demain, tel que l'ont unanimement souligné les participants de la table ronde, Thierry Delarbre, directeur du pôle de compétitivité Advancity, retient le mot clé d'autonomie pour expliquer ce qui se prépare : "Les villes vont devoir réduire radicalement leur dépendance à travers l'organisation de circuits courts pour les produits frais, avec la construction de bâtiments à énergie positive. Elles vont aussi devoir compter aussi sur leurs propres ressources tout en limitant les externalités, c'est-à-dire les rejets et les pollutions. L'apport du numérique dans l'optimisation des systèmes sera déterminant."

Santé et télédiagnostic

La sphère des services urbains engendre aussi des pratiques inédites. Le shopping à partir des mobiles se répand avec la diffusion des smartphones. "On voit aussi apparaître depuis peu des communautés d'usagers connectés, sur certaines lignes du métro parisien. Elles permettent aux membres de s'échanger, sur le parcours qu'ils empruntent quotidiennement, les bonnes adresses de restaurants et de commerces", explique Jean Pierre Rémy directeur général du groupe Pages Jaunes.
Les systèmes de santé évoluent également, dans certains pays, pour proposer par exemple une utilisation plus raisonnée des médicaments. Les Suédois, par exemple, ne se rendent plus chez leur médecin directement. S'ils sont malades, ils appellent un call center qui leur fait un télédiagnostic. "Si l'affection est bénigne, on attend un ou deux jours pour analyser l'évolution de l'état du patient et c'est le call center qui prend le rendez-vous avec le médecin", indique Franck Bouetard. Ce système n'est sans doute pas transposable partout, mais en Suède, l'assurance maladie a enregistré une baisse de 50 à 60% des coûts de fonctionnement sur les affections bénignes.
Mobilité et travail, développement durable, autonomie... les villes sont déjà entrées en phase de mutation. Mais plus que par le passé, devant l'ampleur de ce qui attend les usagers, les citoyens, ces transformations doivent être préparées, accompagnées, et associer fortement tous les acteurs - et notamment ceux dont la vie quotidienne est impactée. On peut à ce titre supposer que les outils d'échange, de co-participation et de e-démocratie vont eux aussi se multiplier et connaître de nouveaux développements pour assurer un certain consensus face au changement.

 

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