Vues du Québec : les coopératives jeunesse de services, école de l'entrepreneuriat

Depuis 25 ans, chaque été, près de 2.000 jeunes de 12 à 17 ans s’organisent sous la houlette d’animateurs, par groupe d’une quinzaine environ, pour créer des coopératives temporaires proposant leurs services à la communauté locale. Le dispositif vise à donner le goût de l’action collective aux jeunes, qui seront demain peut-être les futurs créateurs d’entreprises coopératives !

Mairieconseils.net publie un ensemble d’articles pour illustrer l’expérience québécoise (lire encadré Vues du Québec).

Initiées en 1988 par Réseau, fédération québécoise qui regroupe les coopératives de travail, les coopératives jeunesse de services (CJS) du Québec ont connu un large essor dans les années 90. Bénéficiant d’un financement pérenne et d’une bonne promotion durant les années 2000 (voir encadré), le dispositif permet chaque année à 150 coopératives de jeunes de proposer leurs services pendant les vacances : tonte de pelouse, nettoyage, peinture, services à domicile …

Une initiative pilotée par un comité de partenaires locaux

Dans chacune des régions québécoises, des Agents de promotion à l’entrepreneuriat collectif jeunes (APECJ) informent et accompagnent les initiatives de création de CJS. "Cette démarche de promotion est un levier important, puisque l’initiative d’un projet de CJS émane toujours d’une envie du terrain", souligne Katerine Roy, coordinatrice du dispositif CJS à Réseau. Un comité local constitué d’élus locaux, de partenaires associatifs (type maisons des jeunes), d’entreprises coopératives locales a la charge de lever sur son territoire 50% du financement total du projet (qui s’élève à 15.000 euros en moyenne). Au sein de chaque comité local, l’une des instances sera désignée comme porteur légal de la coopérative. Dans certaines régions en déprise démographique, les coopératives de jeunesse ont aussi un objectif de développement local : "Il s’agit d’intéresser les jeunes à leur milieu de vie et de les motiver pour qu’ils reviennent dans la communauté après leurs études."

Des animateurs formés par le Réseau

Au sein de chaque CJS, la quinzaine de jeunes créent leur propre coopérative pour une durée de six semaines. Ils sont encadrés par deux animateurs recrutés par le comité local et formés par Réseau, (à raison de sessions représentant au total 52 heures). Ce sont notamment des étudiants en sciences de l’éducation et des femmes à plus de 70%. Ce sont les animateurs qui présentent et expliquent la démarche CJS dans les établissements secondaires, afin de sélectionner des candidats à l’aventure, puis soutiennent le travail du groupe tout au long de l’été. Ils fixent ainsi les balises, notamment en termes de sécurité pour les jeunes. "Très présents au début, les animateurs s’effacent au fur et à mesure du développement de l’autonomie des jeunes", précise la coordinatrice.

Apprentissage de l’autonomie et du travail collectif

"Nous partons du principe que toute personne se forme toujours dans l’action et apprend beaucoup de l’erreur, indique la coordinatrice. L’objectif est de faire en sorte que chaque jeune prenne conscience de ses propres capacités, tout en apprenant à prendre des décisions avec d’autres. Une manière de développer sa fibre entrepreneuriale." Les jeunes sont plongés dans la réalité d’une vraie entreprise coopérative : il leur faudra décider d’un nom d’entreprise, ouvrir un compte en banque, signer un bail, organiser leur assemblée générale, réaliser une étude de marché, se faire connaitre dans le quartier, signer des contrats puis facturer le service aux clients... Chaque jeune coopérateur donne des heures, non payées, pour assurer le fonctionnement collectif de la coopérative. A chaque contrat signé avec un client, un ou plusieurs jeunes réalisent la mission chacun à tour de rôle : ils sont alors payés comme travailleurs indépendants.

Un modèle qui commence à faire école en France

Une première expérimentation en 2011 d’une durée d’un mois a été testée en région Poitou Charentes en 2011. En Bretagne, le réseau Coopérer pour entreprendre Grand Ouest, qui regroupe l'ensemble des coopératives d’activités et d’emploi (CAE) de l'Ouest, s’intéresse également au dispositif CJS. Si les financements des partenaires sont au rendez-vous, l’été 2013 devrait ainsi permettre l’expérimentation de 3 ou 4 coopératives dans cette région : les jeunes seront âgés de plus de 16 ans et ils s’associeront dansle cadre de coopératives d’activités et d’emploi.


Claire Lelong pour la rubrique Expériences des sites www.mairieconseils.net et www.localtis.info

 

Coopératives Jeunesse de services au Québec : après les années de développement, quelles perspectives ?
Nées en Ontario au milieu des années 80, le modèle s’implante en 1988 au Québec grâce au réseau coopératif. Le dispositif était alors géré de manière centralisée depuis Montréal par Réseau et chaque projet réalisé permettait de structurer petit à petit un cadre formel unique. Au début des années 2000, le dispositif acquiert ses titres de noblesse : le recrutement d’agents de promotion à l’entrepreneuriat collectif jeunes (APECJ) au sein des coopératives de développement régional nouvellement crées (équivalent des chambres régionales d’économie sociale en France) permet désormais de soutenir les initiatives au plus près des besoins. Par ailleurs le gouvernement du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ, une centrale syndicale) décident de placer pendant 10 ans un fonds doté de 20 millions de $ canadiens (environ 15 millions d’euros) dont les intérêts seront affectés au dispositif des coopératives jeunesses de services. Ce fonds a été confirmé pour 10 nouvelles années en 2010.
Malgré 25 années de réussite incontestée de ce dispositif, le succès des coopératives jeunesse de service pourrait bien être freiné dans les années à venir par la chute des financements alloués au dispositif. Basés sur des rendements boursiers, ils se sont en effet effondrés de 30% l’année dernière et ne permettent plus de monter toutes les coopératives souhaitées par les communautés locales.

Vues du Québec
Fondations, organismes sans but lucratif (OSBL), coopératives, acteurs communautaires… une multitude de structures assurent les services et projets d’intérêt collectif au Québec. Plusieurs d’entre eux bénéficient de subventions publiques gouvernementales ou municipales.
A la croisée de ces multiples acteurs, le Québec a développé une capacité à articuler acteurs publics ou d’intérêt collectif et citoyens dans une démocratie participative portée par la notion d’empowerment (pouvoir d’agir), très présente sur le continent américain. L’aspect communautaire n’est jamais bien loin non plus, les personnes se regroupant par intérêt commun pour porter une cause sur le devant de la scène.
Mairieconseils.net publie un ensemble d’articles pour illustrer l’expérience québécoise. Quels que soient les sujets - jeunesse, école, culture, logement, personnes âgées ou funéraire - ces expériences peuvent être sources d’inspiration pour le développement local en France.

Réseau de la coopération du travail au Québec

6955, avenue Christophe Colomb
H2S 2H4 Montréal, Québec, Canada

Katerine Roy

Coordinatrice du dispositif CJS

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