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Enfance - Agnès Buzyn : des financements de crèches plus orientés, une protection de l'enfance moins étatisée

Agnès Buzyn s'est récemment exprimée à deux reprises sur la politique en faveur de l'enfance, apportant ou confirmant ainsi plusieurs informations sur ses orientations et celles du gouvernement en la matière. La première intervention a eu lieu devant l'assemblée générale de l'Unaf (Union nationale des associations familiales), le 23 juin à Rennes. La seconde devant les Assises nationales de la protection de l'enfance, le 29 juin à Paris, en compagnie de Nicole Belloubet, la garde des Sceaux.

Vers un "parcours santé-éducation de la naissance à six ans"

Devant l'Unaf, la ministre des Solidarités et de la Santé a rappelé que "la politique familiale, à laquelle nous consacrons 55 milliards d'euros chaque année, fait partie du modèle social français" et que ce montant "place la France au-dessus de la moyenne européenne". Elle a également souligné le contexte : le débat engagé sur "la préservation et la nécessaire transformation" de notre modèle social, mais aussi la perspective, en 2019, de la révision des lois sur la bioéthique.
Dans l'immédiat, Agnès Buzyn a confirmé que l'intervention précoce auprès des familles "est un levier clé et majeur de toutes les politiques de prévention" et sera également au cœur de la stratégie de lutte contre la pauvreté, dont Emmanuel Macron devrait présenter les grandes lignes le 9 juillet dans son intervention devant le Congrès à Versailles. Dans le cadre de la stratégie nationale de santé adoptée à la fin de l'an dernier, elle a annoncé le lancement prochain, avec le ministère de l'Education nationale, d'un travail de concertation pour élaborer un "parcours santé-éducation de la naissance à six ans". Celui-ci "devra également intégrer le rôle spécifique et essentiel que jouent les parents sur cette question".
Sur l'accueil de la petite enfance, Agnès Buzyn a confirmé que "la précédente convention entre l'État et la branche Famille n'a pas atteint ses objectifs de création de places. Nous devons en tirer tous les enseignements et procéder autrement" (voir notre article ci-dessous du 16 avril 2018).

Un financement des places de crèches adossé aux moyens des communes et des familles

La nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 - dont on attend toujours la finalisation - devrait donc se traduire par "une rénovation complète des financements apportés par les CAF aux communes pour la création des places", ces financement étant aujourd'hui "illisibles et surtout inéquitables", car "issus d'une sédimentation historique et de dispositifs épars qui n'ont plus de sens". Du coup, ces financements "ne permettent pas d'aider les communes de manière adaptée au niveau de leurs ressources et à celle des familles qui y résident".
La ministre annonce donc la mise en place progressive d'un "nouveau mécanisme de financement des places en crèches adossé au niveau de richesse de la commune et de ses habitants". Comme déjà annoncé par Emmanuel Macron, ce nouveau dispositif s'accompagnera d'un "bonus" systématique de 1.000 euros attribué au financement des places de crèches dans les quartiers prioritaires de le politique de la ville.
En outre, un financement supplémentaire - dont les modalités et le montant restent à préciser - sera proposé aux communes créant des places permettant d'accueillir des enfants issus de familles pauvres ou en situation de handicap. Sur ce dernier point, Sophie Cluzel avait déjà annoncé le principe lors de son intervention, il y a quelques jours, devant le conseil d'administration de la Cnaf (voir notre article ci-dessous du 15 juin 2018). Le fonds "Publics et territoire" de la Cnaf sera toutefois conservé, afin de "financer des projets particuliers, issus des territoires et qui méritent un appui particulier".

Un choc de simplification pour les Eaje ?

Cette relance de la création de places d'accueil de la petite enfance, après l'échec patent de la COG 2013-2017 de la Cnaf, passera aussi par un "un environnement administratif plus simple, à même de réduire les délais et les coûts de création et de gestion de modes d'accueil, en vue de faciliter leur ouverture, leur fonctionnement, et donc d'accroître l'offre".
Les démarches des porteurs de projets devraient également être facilitées, avec l'expérimentation du traitement coordonné des demandes de création de modes d'accueil grâce à la mise en place de guichets uniques. Agnès Buzyn compte mettre à profit l'habilitation à prendre des ordonnances dans le champ de la petite enfance, afin de réaliser cette "reprise approfondie du cadre normatif", qu'elle entend conduire d'ici au début de 2019.

Changement de ton sur la protection de l'enfance

Devant les Assises nationales de la protection de l'enfance, Agnès Buzyn n'a pas annoncé de mesures nouvelles. Elle s'est plutôt inscrite dans la poursuite du déploiement des mesures prévues par les lois sur la protection de l'enfance de 2007 et de 2016, qui "ont abouti à un équilibre qu'il faut consolider et à des avancées qui doivent à présent trouver leur pleine application". Si la ministre estime ainsi que "la satisfaction des besoins de l'enfant est au cœur de la réforme de 2016, qui se concrétise petit à petit" et que "les progrès sont réels et déjà tangibles", la différence réside surtout dans le changement de discours.
Alors que le précédent gouvernement n'hésitait pas à s'en prendre ouvertement aux conditions de mise en œuvre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par les départements, pour mieux justifier une reprise en main par l'État (voir nos articles ci-dessous du 18 mai 2015 et du 27 janvier 2016), Agnès Buzyn prend bien soin de préciser que "le gouvernement s'engagera pour la protection de l'enfance en respectant le rôle et les attributions de chacun".
Pour autant, la ministre des Solidarités et de la Santé souhaite "que l'effort engagé pour la mise en œuvre de la réforme de 2016 soit poursuivi". L'État prendra donc sa place "aux côtés de départements de deux manières : en diffusant des outils d'accompagnement à destination des professionnels et des associations et en mettant en œuvre les politiques publiques de son ressort : justice, logement, emploi, santé".

Des questionnements et des priorités

En attendant, Agnès Buzyn pointe un certain nombre de questionnements, qui sont autant de points d'amélioration potentiels : les difficultés multiples de certains enfants (parcours chaotique, scolarité émaillée de ruptures...), la difficulté de décloisonner les approches entre le social et le médicosocial pour les enfants porteurs de handicaps (nombreux à être pris en charge par l'ASE), les écueils qu'ils rencontrent à l'âge adulte comme le soulignent différents rapports, notamment celui tout récent du Cese, ou encore les difficultés du métier d'assistante familiale sur lequel elle estime "nécessaire de mener une réflexion nationale".
Agnès Buzyn entend également défendre plusieurs priorités, comme la lutte contre toutes les violences faites aux enfants et un meilleur repérage de ces dernières (avec en particulier la présence fréquente, dans de nombreux dossiers, de troubles psychiatriques, d'addictions, mais aussi de la monoparentalité), l'amélioration de la prévention pour éviter une aggravation des difficultés familiales et éducatives pouvant mettre l'enfant en danger, l'accès aux soins des enfants pris en charge par l'ASE, mais aussi l'accompagnement des jeunes adultes à la sortie des dispositifs de protection de l'enfance.
Des points d'attention et des priorités qui devraient être au cœur des échanges avec les différents acteurs de la protection de l'enfance, qu'Agnès Buzyn souhaite engager dès ce mois de juillet.

 

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