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Habitat - Aides à l'accession : l'Assemblée dit blanc quand la Cour des comptes dit noir

Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale a adopté, le 21 février, le rapport d'information d'Audrey Linkenheld, députée (PS) du Nord, et de Michel Piron, député (UDI) du Maine-et-Loire, sur l'évaluation des aides à l'accession à la propriété. Ce document s'appuie sur les travaux d'un autre rapport - commandé à la Cour des comptes par le CEC - sur les aides de l'Etat à l'accession à la propriété (voir notre article ci-dessous du 2 décembre 2016). A la lecture de ces deux documents, on reste perplexe sur l'intérêt d'une telle commande préalable, tant les deux rapports diffèrent et même divergent radicalement...

Réforme en profondeur versus maintien en l'état

Le rapport de la Cour des comptes pointe en effet "un ensemble complexe et mal articulé" qui "se révèle de moins en moins efficace" et conclut à la nécessité d'une réforme en profondeur, là où le rapport d'information du CEC voit un dispositif tout à fait satisfaisant et préconise son maintien en l'état sous quelques aménagements ponctuels.
Les points de convergence entre la Cour et le CEC se comptent sur les doigts d'une main. Mais, entre la publication des deux documents, la CEC a procédé à une série de tables rondes avec les acteurs du logement sur les conclusions de la Cour. On retrouve donc, dans le rapport d'information, l'écho des positions - et des réserves - des uns et des autres sur une éventuelle évolution du système.

Un PTZ plus à maintenir au moins jusqu'au 31 décembre 2018

Sur le nouveau PTZ+ (prêt à taux zéro) par exemple, la Cour des comptes recommandait de "réorganiser" le dispositif en le ciblant sur les ménages plus modestes et en fixant un seuil de quotité de l'aide. Mais le CEC voit au contraire dans le PTZ+ un "dispositif qui a atteint son point d'équilibre", avec "un prêt bien calibré", des "équilibres sociaux satisfaisants" et un "bilan économique positif". L'exercice vire même à la critique - inhabituelle - des travaux de la Cour, accusée de mettre en avant des effets pervers "peu démontrés". Dans ces conditions, "les propositions de réforme de la Cour des comptes remettraient en cause les équilibres du PTZ", qu'il convient au contraire de "conforter".
Même la suggestion d'un recentrage social est écartée car "le recentrage sur les revenus modestes dénaturerait l'outil" et ferait du PTZ+ un "produit de niche". Le rapport du CEC propose donc de "stabiliser les règles d'octroi du PTZ+ au moins jusqu'au 31 décembre 2018". Autre recommandation du rapport : autoriser, dès l’acquisition du logement, le cumul entre le PTZ+ et les aides de l'Anah dans les centres-ville dégradés.

Maintenir le PAS et élargir le PSLA à l'ancien

Même divergence sur le prêt d'accession sociale (PAS) que la Cour des comptes propose de supprimer - en cohérence avec le recentrage proposé pour le PTZ+ -, alors que les deux rapporteurs du CEC préconisent au contraire de le maintenir, tout en portant de 50% à 80% la part garantie par l'Etat, "afin de permettre l'octroi de PAS à des personnes présentant des profils atypiques", et en diminuant le coût de la prise d'hypothèque.
Les avis se rapprochent davantage sur le dispositif du prêt social location accession (PSLA), jugé par la Cour des comptes efficace mais assez marginal (8.085 logements concernés en 2015). Les rapporteurs du CEC jugent donc nécessaire de renforcer son attractivité, en élargissant le cumul entre PLSA et PTZ, en réduisant la durée de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et en ouvrant le financement en PSLA - aujourd'hui réservé aux logements neufs - aux opérations d'accession à la propriété d'un logement ancien en centre-ville dégradé ou en centre-bourg.
Enfin, sur les aides personnelles au logement "accession" (APL accession) – dont le nombre ne cesse de diminuer depuis deux décennies (1.200.000 bénéficiaires en 1995 contre 460.000 en 2015) -, la Cour des comptes suggérait de fusionner les barèmes et de relever les plafonds, afin d'accroître la complémentarité avec le PTZ+. De son côté, le CEC propose au contraire de "sanctuariser les APL accession pour garantir leur rôle de sanctuarisation des ménages aux revenus modestes".

Expérimenter avant de déconcentrer

Même sur la gestion du dispositif des aides à l'accession, les deux rapports ne se rejoignent pas. Il y a certes un accord sur le constat d'une "appétence croissante" des collectivités territoriales pour le soutien à l'accession à la propriété (322 collectivités finançant des aides directes locales à l'accession) et d'un manque de coordination entre ces aides locales et les dispositifs nationaux.
Mais le CEC juge "peu opportune" la recommandation de la Cour des comptes de déconcentrer les aides nationales sous la forme d'une enveloppe budgétaire. Son rapport se prononce en effet pour une simple expérimentation de deux dispositifs de décentralisation des prêts bonifiés dans les EPCI dotés d'un programme local de l'habitat (PLH), reposant sur la délégation de la compétence d’attribution des prêts - sur le modèle de la délégation des aides à la pierre - et sur la fixation d’un zonage infra-communal pour l’attribution de ces prêts.
 

 

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