Aménagement numérique, une ouverture des données perfectible

Si des données ouvertes existent dans le domaine des télécoms, elles sont loin d'embrasser tout le secteur de l'aménagement numérique, restent disséminées et difficilement exploitables.

Le 16 octobre 2019, le gouvernement révélait la liste des 408 zones couvertes en 4G fixe (notre article). Une liste réduite de moitié par rapport au 755 sites initialement proposés par direction générale des entreprises. Pourquoi ? "Tout simplement parce que les données sur lesquelles s'est fondé Bercy étaient très incomplètes. Les zones couvertes par de la montée en débit sur ADSL – statistique qui n'est pas centralisée par l'État – ou encore d'extension de réseaux RIP/ FTTH ont été, par exemple, oubliées" explique l'Avicca. Or le principe même de la 4G fixe est d'ouvrir cette offre là où il n'existe aucune solution en dehors du mobile pour atteindre les 8 Mbits du "bon débit" promis par le gouvernement.

Une donnée dispersée

Il manque en fait au secteur des télécoms l'équivalent d'un transport.data.gouv.fr pour la mobilité, portail sur lequel seraient centralisées toutes les données, quelle que soit la technologie, qu'elles concernent l'internet fixe ou la téléphonie mobile. Car aujourd'hui ces données sont disséminées et/ou peu facilement exploitables. Pour le FTTH il faut aller sur cartefibre.arcep.fr, pour le mobile sur mon réseau mobile, tous les deux gérés par l'Arcep ou sur le site de l'ANFR, qui gère les données sur les antennes mobiles (localisation, puissance…). Certes ces données sont également sur data.gouv.fr mais elles sont mises à disposition sous forme d'un seul fichier de plusieurs gigaoctets et il n'y a pas de connecteur (API) pour les récupérer automatiquement. "Or ces connecteurs facilitent les croisements pour construire des cartes et des visualisations qui rendent la donnée intelligible", explique Nicolas Bonnel de la société Koumoul, une entreprise  de  fourniture de services web d’accès simplifié aux données. Par ailleurs, il n'y aucune donnée sur les technologies autres que la fibre (ADSL, Wimax…) alors même que ces informations étaient proposées – sous forme de carte – par la mission THD dans le cadre de (feu) l'agence du numérique.

Des données manquantes

Une situation d'autant plus paradoxale que l'Arcep met en avant depuis de nombreux mois sa stratégie de "régulation par la data". Une stratégie que l'Arcep est venue préciser lors d'un atelier qui était consacré à la data lors du Trip de l'Avicca du 6 novembre. "Toutes les données que nous collectons ont vocation à être mises à disposition en open data à partir du moment où il n'y a pas d'obstacle juridique (Cnil, secret commercial)" a assuré Guillaume Garnier, chef de l'unité Couverture fixe et déploiements à l'Arcep. Une stratégie où l'open data n'est cependant pas centrale car l'autorité est focalisée le contrôle des engagements des opérateurs en matière de fibre et de couverture mobile plus que sur le fait de favoriser l'utilisation des données. C'est ce qui explique qu'en dehors du mobile et du Ftth, on dispose de peu de données. "C'est bien dommage car, la connaissance des infrastructures est utile pour de nombreux métiers – énergie, eau, IOT…- bien au-delà du monde des opérateurs télécom", fait valoir Francois Lacombe, contributeur à la plateforme OpenStreetMap. La plateforme libre mobilise du reste sa communauté pour répertorier pylônes, poteaux et autres chambres. Côté collectivités enfin, dont les RIP sont soumis à des obligations open data, "les données télécom restent rares, rarement à jour et avec des formats très hétérogènes" a souligné Jean-Marie Bourgogne d'Open data France..

Un hackathon pour accompagner l'ouverture

Du côté des réutilisateurs,  on souhaiterait des informations plus compréhensibles. "Nous proposons un portrait data de chaque commune pour aider entreprises et particuliers à s'y implanter. La donnée télécom est très importante – internet haut débit fait partie des cinq premiers critères d'implantation – mais elle est pas toujours très explicite"  note Olivier Dasse-Hartaut de la société eTerritoire, spécialisée dans le secteur d'activité des portails internet. Même son de cloche du côté du site d'information Nextinpact qui a montré dans une enquête récente le manque de transparence des serveurs d'éligibilité, qui fournissent les offres disponibles à une adresse déterminée : ils sont rarement neutres et exhaustifs. Face à ces lacunes, l'Avicca a décidé de s'emparer du sujet. L'association organisera fin janvier 2020 un hackathon, ouvert à toutes les collectivités, pour réfléchir à l'ouverture des données télécoms en commençant par les réseaux Wi-Fi, le crowdsourcing dans le domaine du mobile et la fibre professionnelle. Objectif : bâtir avec tous les acteurs concernés des recommandations partagées pour ouvrir les données et favoriser leur diffusion.