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Politique de la ville - Anru 2 : des financements tout en modulation

Le nouveau règlement général de l'Anru modifie quelque peu les règles de financement des projets de renouvellement urbain (PRU) deuxième génération. La capacité financière des collectivités et celle des organismes HLM seront prises en compte. Mais le financement pourra aussi être modulé en fonction du "niveau d'excellence" que vise le projet. Et beaucoup d'autres choses encore...

Les modalités d'intervention et de financement des futurs projets de renouvellement urbain ont fait l'objet d'une publication au Journal officiel cet été. Il s'agit de l'arrêté du 7 août 2015 portant approbation du règlement général de l'Anru relatif au Nouveau Programme national pour le renouvellement urbain (NPNRU), lequel arrêté avait été adopté le 16 juillet par le conseil d'administration de l'agence.
Les concours financiers de l'Anru prennent deux formes : les subventions distribuées par l'agence et les prêts bonifiés mobilisables et distribués par Action Logement. Comme le prévoit la loi Lamy (art.3), l'aide accordée par l'agence est modulable. La modulation peut concerner le taux de subvention ou le montant de l'aide forfaitaire attribuée.

La modulation des aides aux EPCI

Les aides attribuées aux maîtres d'ouvrage publics EPCI (et communes, le cas échéant) tiennent compte de leur situation financière, de leur effort fiscal et de la richesse de leurs territoires. Il en ressort un classement des EPCI en six catégories. Pour la catégorie 1, le taux maximum de subvention est de 10% de l'assiette et il monte à 70% maximum pour la catégorie 6.
Le comité d'engagement de l'Anru peut encore accorder une modulation du taux de subvention à la hausse dans la limite de 15 points, en tenant compte de la soutenabilité financière de l'investissement pour l'EPCI ou de la solidarité fiscale et financière à l'échelle intercommunale.
Il est aussi précisé que "ces taux peuvent être adaptés, notamment dans le cadre de complémentarités qui s'instaureront entre les financements de l'agence et ceux d'autres financeurs éventuels (conseils départementaux et régionaux, etc.)".

La modulation des aides aux organismes HLM

Les aides accordées par l'agence peuvent être modulées à la hausse lorsque l'opération de démolition de logements locatifs sociaux, de requalification de logements locatifs sociaux, ou de résidentialisation de logements locatifs sociaux est conduite sous la maîtrise d'ouvrage d'un organisme HLM présentant des signes de fragilité financière et qui en fait la demande.
L'organisme HLM ne pourra en bénéficier que si l'analyse "approfondie" de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) conclut à cette fragilité.
Alors, l'agence peut accorder une majoration du taux de financement de 10 points maximum lorsque l'organisme HLM s'engage dans un plan de consolidation avec la CGLLS et de 20 points maximum lorsque l'organisme HLM s'engage dans un plan de rétablissement de l'équilibre avec la CGLLS.
A signaler également que l'Anru peut accorder une "indemnité pour minoration de loyer" à l'organisme HLM accueillant des ménages à reloger suite à une démolition. Cette indemnité varie selon la typologie du logement : elle est de 1.500 euros pour les T1 et T2, de 4.000 euros pour les T3 et T4 et de 5.000 euros pour les logements plus grands.

La modulation des aides au regard du niveau d'ambition et d'excellence

Que les choses soient claires : "Seuls les projets qui visent une transformation du quartier grâce à un impact global, urbain, économique, social et environnemental seront financés par l'agence et parmi ceux-ci, ceux qui s'inscriront dans une logique d'excellence sur le maximum de thématiques bénéficieront de financements plus importants", est-il répété dans le règlement. C'est-à-dire que tout projet doit "dépasser la simple rénovation relevant de l'entretien normal du patrimoine".
Les aides de l'agence peuvent être majorées, sur chacune des familles d'opérations, dans la limite de 15% du financement accordé à l'opération dès lors que "le caractère d'excellence, qu'il soit social, économique, environnemental ou encore organisationnel" est "démontré" par le porteur de projet. De plus "le versement de la majoration d'aides est conditionné à l'atteinte des objectifs fixés dans la convention pluriannuelle".

La marque d'Action Logement

Les réhabilitations doivent "contribuer à la diversification de l'offre et accompagner la mutation urbaine". L'objectif devra être de "réussir la transformation globale du quartier et le développement de son attractivité". Le NPNRU doit par exemple "permettre le maintien et le retour de salariés dans les quartiers rénovés, grâce à une attractivité restaurée et à la diversification des formes d'habitat et l'élargissement de la gamme des produits". Cela vaut surtout pour les quartiers "à fort potentiel de mutation, bien desservis en transports collectifs, en marché tendu".
Dès lors, le règlement indique : "Les apports d'Action Logement en termes de droits à construire et de réservation de logements sociaux doivent être des accélérateurs de mixité sociale, tout comme la nécessaire stratégie intercommunale et interbailleurs." Le règlement arrête ainsi les contreparties accordées à Action Logement en échange du financement du programme, à hauteur, pour rappel, de plus de 4,5 milliards d'euros (450 millions d'euros étant abondés par la CGLLS).

"Amener une population nouvelle de salariés"

L'octroi et le versement, par Action Logement, des prêts bonifiés avaient été cadrés dans la convention tripartite Etat-Anru-UESL Action Logement portant sur le NPNRU (voir notre article ci-contre). Les contreparties en faveur d'Action Logement sont mises en œuvre dans toutes les conventions Anru. Elles "visent à favoriser la diversité de l'habitat en amenant une population nouvelle de salariés et ainsi réduire les inégalités", indique clairement le règlement. Une autre manière de parler de "mixité sociale"...
Ces contreparties sont de deux types : des contreparties foncières (terrains ou droits à construire) issus de l'aménagement foncier des quartiers Anru ; des contreparties en droits de réservation de logements locatifs sociaux dans, mais aussi "hors" quartiers Anru.
Les conventions Anru doivent en détailler la localisation, la typologie et le calendrier de libération et de mobilisation des contreparties.

Contreparties foncières en faveur d'Action Logement

Les contreparties foncières correspondent en moyenne à 25% des droits à construire produits par l'ensemble des projets du NPNRU. Ces droits prennent la forme de terrains donnés à titre gratuit et transférés en pleine propriété à Action Logement ou à un opérateur qu'il aura désigné dès leur libération.
Les volumes sont modulés selon trois grandes "catégories de dynamiques territoriales". Quand la dynamique est "forte", le taux pivot sera de 30% ; quand le territoire est "globalement dynamique", le taux pivot sera de 25% ; quand le territoire est "faiblement dynamique voire en décroissance", le taux pivot sera de 20%. Chaque fois, une marge de négociation de 10 points est possible.
Si des promoteurs ou investisseurs privés non aidés peuvent réaliser "les objectifs de diversification de l'habitat favorisant la mixité", l'ensemble des contreparties foncières pourra "être mis en œuvre exclusivement par ces opérateurs". Dans ce cas, le programme devra comprendre au minimum 30% de logement locatifs en loyer libre.

Contreparties en droits de réservation de logements locatifs sociaux

Les contreparties en termes de logements locatifs sociaux représentent au maximum 12,5% du nombre total de logements construits et de logements requalifiés, financés par l'Anru. Les réservations sont accordées pour une durée de 30 ans.
C'est l'EPCI, en lien avec les organismes HLM du territoire, qui est responsable de l'identification des logements réservés. Au stade de la signature de la convention Anru, les droits de réservation devront a minima être ventilés par organisme HLM et organisme réservataire contributaire, indiquant pour chacun le volume de logements, un principe de localisation (au sein du quartier Anru, en dehors du quartier Anru mais en QPV, en dehors du quartier Anru hors QPV), des critères qualitatifs sur le logement et un calendrier prévisionnel de mise à disposition.

Le pilotage intercommunal

Le règlement a cru bon de rappeler que l'Anru apportera son concours financier aux PRU qui mettront en place des interventions "de manière coordonnée et pertinente au regard du contexte local", et qui s'inscriront dans un projet global élaboré à l'échelle intercommunale. Et que le président de l'EPCI est "porteur de la stratégie globale et de sa déclinaison dans chaque PRU". Il fédère autour de lui un partenariat composé des maîtres d'ouvrage "et notamment les organismes HLM", les représentants des habitants et de la société civile, les collectivités territoriales (conseil régional, conseil départemental), Action Logement via ses délégations régionales, la Caisse des Dépôts, et si possible "les acteurs du monde économique (notamment les chambres consulaires), les autorités organisatrices de la mobilité, etc.". Sachant que "la mobilisation des acteurs privés et notamment des investisseurs privés doit constituer un atout supplémentaire".

Les cinq types d'interventions

Les cinq grands types d'interventions n'ont pas bougé. Il s'agit de : la démolition d'immeubles, la construction ("le développement d'une offre immobilière nouvelle"), la restructuration - réhabilitation du patrimoine, l'aménagement des espaces publics, l'amélioration du cadre de vie (équipements publics de proximité). Le règlement précise que "la part des opérations relevant de l'habitat doit représenter au moins 50% des concours financiers de l'agence". Et de citer : "démolition de logements locatifs sociaux, recyclage de copropriétés dégradées, recyclage de l'habitat ancien dégradé, reconstitution de l'offre, requalification de logements locatifs sociaux, résidentialisation de logements, accession à la propriété".
Le texte prévoit que "si la requalification des quartiers prioritaires le nécessite, l'agence peut financer des interventions conduites à proximité de ces quartiers".
En revanche, il ne prévoit rien sur "le désenclavement par la desserte en transport collectif" ni sur les sujets relatifs à la sécurité des biens et personnes (considéré comme relevant du droit commun).
 

La règle du 1 pour 1 n'est plus

Parmi les nouvelles règles, notons en matière de démolition-reconstruction, la fin de la règle du 1 pour 1 (1 logement détruit = 1 logement reconstruit). "La reconstitution ne se fera pas dans le même volume que les démolitions dans les territoires caractérisés par une faible tension sur le marché du logement, qui peut se caractériser par une forte vacance et des niveaux de loyer des logements privés comparables à ceux de logements locatifs sociaux", dit exactement le règlement.
Quand le contexte invite à ne pas reconstruire toute l'offre démolie, le taux visé de reconstitution de l'offre en PLAI doit être au moins de 60% pour compenser l'offre à bas loyer supprimée dans le cadre du projet urbain, et "concourir au rééquilibrage" du logement social à bas loyer sur le territoire de l'agglomération.

En zone tendue, la reconstruction se fera hors quartier prioritaire

Pour ce qui est des zones tendues, la reconstruction de logements sociaux devra être hors du quartier d'intervention et d'ailleurs hors de tout quartier prioritaire de l'agglomération. Il pourra y avoir des exceptions mais elles devront être "limitées et justifiées par le contexte local".
Ce principe était déjà affiché dans le PNRU version Borloo, mais il n'avait pas été suivi des faits. Cette fois-ci, avec la pression politique suite aux attentats de janvier 2015 et les déclarations du Premier ministre qui ont suivi sur les "ghettos" et où régnerait "l'apartheid", et aussi suite au comité interministériel du 6 mars 2015, il est fort probable que l'Etat soit plus regardant.
Selon le CGET, un seul protocole Anru a été signé à ce jour (celui de Rennes, voir notre article ci-contre), et 12 sont dans les tuyaux.