Archives

APA à domicile : les raisons des disparités entre départements à la loupe

Une étude de la Drees montre que c'est bien la prévalence départementale de la dépendance, fortement liée au profil démographique du territoire considéré, qui explique pour une très large part les disparités d'APA à domicile entre départements. Les facteurs sociodémographiques (niveau de vie notamment) et l'importance de l'offre de soins influent finalement assez peu.

La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux consacre le numéro de juillet de ses "Cahiers" aux résultats d'une étude sur "Les disparités d'APA à domicile entre départements". La Drees et l'Insee avaient déjà effleuré la question dans une étude, plus large, portant sur l'impact de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 (voir notre article ci-dessous du 19 décembre 2016) ou, plus anciennement, dans un travail de 2011 (voir notre article ci-dessous du 3 novembre 2011). Cette nouvelle étude d'une quarantaine de pages exploite les résultats de l'enquête "Vie quotidienne et santé" (VQS), menée en 2014 auprès d'un échantillon de 160.000 personnes de 60 ans et plus et qui "a permis de mesurer pour la première fois la prévalence de la dépendance à domicile, au niveau départemental".

La dépendance, vous dis-je...

En disposant ainsi d'éléments précis sur la prévalence de la dépendance à domicile, l'étude de la Drees explique une partie importante des écarts constatés entre départements. Elle montre en effet – de façon logique – que "les départements où la part de seniors en perte d'autonomie est élevée sont globalement les départements où davantage de seniors bénéficient de l'APA (tous GIR confondus). Ce résultat reste vrai quel que soit l'indicateur de dépendance considéré".

En métropole, les allocataires de l'APA à domicile représentent près de 5% (4,9%) des personnes de 60 ans et plus. Ce taux varie toutefois entre 2,6% (Yvelines) et 9,4% (Haute-Corse). Le taux médian est de 4,8% et plus de la moitié des départements se situent dans une fourchette de plus ou moins un point autour de cette médiane. Une douzaine de départements affichent un faible taux d'APA à domicile, entre 2,5% et 3,9% : ceux d'Ile-de-France (sauf la Seine-Saint-Denis) et quelques départements de l'Ouest, en Pays de la Loire (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Vendée) et en Bretagne (Morbihan et Côtes d'Armor).

A l'inverse, les taux les plus élevés se rencontrent dans le Nord de la France (Ardennes : 8,3%, Pas-de-Calais : 8%, et Aisne : 6,8%), en Occitanie (Aveyron : 7,2%, Gers : 7,4% et Hérault : 7,8%), en Haute-Corse et en Corse-du-Sud (respectivement 9,4% et 8,5%). La Gironde et la Seine-Maritime affichent également un taux d'allocataires élevé. Ce "déterminisme géographique" connaît toutefois quelques contre-exemples. Ainsi, L'Aude et le Vaucluse sont les seuls départements du Sud de la France à compter moins de 4% d'allocataires.

Facteurs sociodémographiques et importance de l'offre de soins : un impact limité

La première explication à ces écarts est donc bien la prévalence départementale de la dépendance, fortement liée au profil démographique du territoire considéré. Le taux moyen de seniors dont le score VQS est supérieur à 30 (autrement dit en perte d'autonomie) est de 5,9% en France métropolitaine. Il varie de 3,6% (Essonne) à 9,3% (Gers). Et la répartition, sur le territoire, des seniors en perte d'autonomie au sens du score VQS recouvre celle des bénéficiaires de l'APA, tous GIR confondus.

L'étude de la Drees ne s'arrête toutefois pas là. Elle examine l'impact de deux autres déterminants : les facteurs sociodémographiques et l'importance de l'offre de soins. Le modèle prend en compte plusieurs indicateurs sociodémographiques et d'offres : catégories socioprofessionnelles, isolement des personnes, taux de pauvreté, proportion d'infirmiers libéraux, taux d'équipement en places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et en places d'hébergement pour personnes âgées...

Sans entrer dans le détail de calculs de régression complexes, il en ressort que les facteurs sociodémographiques et l'importance de l'offre de soins "n'expliquent qu'une faible partie du taux de bénéficiaires de l'APA à domicile". Pour la Drees, il s'agissait jusqu'à présent d'"un sujet récurrent dans le débat sur l'APA, sans conclusion claire faute de données sur la prévalence de la dépendance au niveau départemental". Les résultats obtenus sont par ailleurs identiques sur les 60 ans ou plus et sur les 75 ans ou plus.

Les politiques départementales lavées de – presque – tout soupçon

Au final, pour la Drees, "ces analyses, si elles restent encore assez frustres et demanderaient à être développées, montrent bien que les études précédentes sur les disparités d'APA entre départements, faute de données sur la prévalence de la dépendance, pouvaient conclure à l'influence d'autres facteurs sur le taux d'APA à domicile, mais ces facteurs captaient en fait, par corrélation, une partie de l'effet de la prévalence de la dépendance".

Dernière précision importante : "Il importe de souligner, pour finir, que les 40 à 50% de la variabilité entre départements des taux de bénéficiaires de l'APA à domicile qui ne sont pas expliqués par les modèles testés ici ne doivent pas être interprétés comme des différences de politique en direction des personnes âgées ou de pratiques d'attribution de l'APA entre départements : les analyses présentées ici ne sont qu'une première étape, la disponibilité de données à l'échelle départementale n'étant que très récente. D'autres travaux devront donc être menés pour mieux comprendre les disparités d'APA sur le territoire". A l'heure où s'installe de plus en plus un discours mettant en cause les disparités dans les prestations servies par les départements – comme on l'a vu sur l'insertion ou, plus récemment, sur l'aide sociale à l'enfance –, l'étude de la Drees devrait mettre du baume au cœur des départements...

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis