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APA et prise en charge de la dépendance : 700 millions d'heures, mais de forts écarts entre départements

Un travail de recherche publié par la Drees sur l'"accompagnement professionnel de la dépendance des personnes âgées" vient notamment mesurer "l'équité de l'accompagnement dans les territoires", aussi bien à domicile qu'en Ehpad. La part des besoins reconnus couverts par l'intervention de professionnels (auxiliaires de vie, aides à domicile, infirmiers...) est en moyenne de 58%, mais varie entre 37 et 95% selon les départements.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie les résultats d'une étude d'une soixantaine de pages – issue d'un travail de thèse de doctorat financé par la direction – sur l'"accompagnement professionnel de la dépendance des personnes âgées". Ce document – publié avant la crise sanitaire... et avant l'annonce d'une réforme à venir de la dépendance – entend "quantifier, à l'échelle départementale, l'activité des aides à domicile, infirmiers libéraux et aides-soignants des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), ainsi que des professionnels des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)". L'objectif est à la fois d'apprécier l'adéquation de l'offre aux besoins et de mesurer "l'équité de l'accompagnement dans les territoires".

L'équivalent de 440.000 emplois à temps plein

L'enjeu est de taille, puisque l'étude évalue à 708 millions le nombre d'heures passées par des professionnels directement auprès de personnes âgées dépendantes, ce qui représente l'équivalent de 440.000 emplois à temps plein en France métropolitaine (hors Corse). Soit en moyenne 11 heures par semaine et 50 heures par mois, pour les 1,2 million de bénéficiaires de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie). Ces heures se répartissent pour moitié entre le domicile et les Ehpad. À domicile, deux tiers des heures sont couvertes par l'APA et un tiers par l'assurance maladie (via l'intervention d'infirmiers libéraux ou Ssiad).

Seul bémol, mais de taille : tous les chiffres cités remontent à 2011. La Drees reconnaît d'ailleurs que "des transformations ont marqué le secteur étudié depuis 2011, du fait notamment de la mise en application de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement [...]. Cependant, les principaux résultats obtenus donnent à voir des tendances et des écarts structurels entre territoires, qui sont encore d'actualité".

Au niveau national, et en croisant l'ensemble des sources et données disponibles, l'étude estime ainsi que "58% des besoins administrativement reconnus seraient couverts par l'intervention des professionnels, auxiliaires de vie, aides à domicile, Ssiad, infirmiers libéraux et Ehpad". Au final, la répartition de l'aide humaine apportée aux personnes âgées dépendantes en fonction du lieu de vie (domicile ou Ehpad) est similaire à celle attendue après prise en compte des points de GIR (groupes iso-ressources). Ainsi, les personnes âgées dépendantes en Ehpad auraient besoin de 49% de l'aide humaine et, en 2011, elles recevaient effectivement 47% des heures réalisées.

La part des besoins couverts varie de 37% à 95% selon les départements

En termes géographiques, la répartition par départements du nombre d'heures d'accompagnement professionnel ne reflète pas seulement les écarts de population. Par exemple, des départements qui possèdent des populations très voisines, comme le Rhône et le Bouches-du-Rhône ou le Var et la Moselle, présentent de forts écarts dans le nombre total d'heures (en faveur des deux départements de Paca). De façon plus large, la part des besoins couverts par l'intervention de tous les types de professionnels varie entre 37 et 95% selon les départements. Les zones les mieux couvertes se situent autour de la Méditerranée et dans le grand Ouest, les moins bien couvertes autour de l'Île-de-France. Et trois départements présentent une activité des professionnels inférieure ou égale à 40% des besoins tels qu'ainsi définis : la Seine-Saint-Denis, les Ardennes et l'Aisne.

Au-delà des cette évaluation globale, l'étude propose aussi des cartes montrant l'adéquation entre l'activité réalisée et les besoins recensés, selon le type de professionnels (aides à domicile, infirmiers libéraux et Ssiad, Ehpad). Une carte montre notamment l'existence d'un très net clivage ouest/est sur le recours des ménages aux services d'aide à la personne (malheureusement en 2006), au bénéfice de l'ouest. Sur les infirmiers et les Ssiad, le littoral méditerranéen est en revanche clairement privilégié.

Équité territoriale : une notion complexe à mesurer

L'étude pose également la question de l'équité territoriale, qui "consiste à répondre aux besoins qui se posent sur les territoires, dans leur diversité et dans leurs spécificités". S'appuyant sur l'exemple des soins personnels à domicile (comprenant la toilette, l'habillage et les repas), l'étude pointe des inégalités d'ordre administratif (entre les Ssiad, pour lesquels une simple prescription médicale suffit, et l'intervention via l'APA), d'ordre technique (aides à domicile et auxiliaires de vie sociale n'ayant pas les mêmes formations que les aides-soignantes et infirmières concernant les toilettes) et d'ordre temporel (lorsque les toilettes sont assurées par des aides à domicile, c'est autant de temps en moins consacré à l'aide aux actes de la vie courant : ménage, courses, cuisine...).

Les écarts territoriaux posent également des questions d'équité. Si les écarts dans les dépenses par habitant en matière d'aide aux personnes âgées sont déjà bien documentés, l'étude relève aussi que "si, au niveau national, deux tiers des financements publics reposent sur la sécurité sociale, cette part varie selon les départements, questionnant l'équilibre entre la solidarité nationale et les solidarités locales sur les territoires".

Les départements ne sont pas les premiers responsables des écarts

Un variabilité qui n'est pas sans conséquences pour les départements et peut expliquer, pour une part, les écarts entre eux. La part des dépenses de sécurité sociale dans le total des dépenses d'accompagnement professionnel de la dépendance des personnes âgées est en effet supérieure à 72% dans quatre départements qui disposent d'une offre importante en infirmiers libéraux (Bouches-du-Rhône, Var, Lozère et Hautes-Alpes), alors qu'elle est inférieure à 50% dans les Ardennes, la Seine-Saint-Denis et le Pas-de-Calais. L'étude précise toutefois que la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) pilote le dispositif financier visant à rétablir l'équité territoriale. Mise en œuvre notamment par le biais de la participation au financement de l'APA (et de la PCH), cette péréquation reste toutefois limitée.

L'étude est cependant très loin de constituer un réquisitoire contre les départements et les inégalités territoriales dont ils seraient seuls responsables. Elle observe en effet que "l'offre la plus inégalement répartie, celle des infirmiers libéraux, est la seule à avoir un financement national, et un pilotage seulement récemment délégué aux agences régionales de santé" (en 2010, ndlr). De même, "les heures financées par les conseils départementaux, quel que soit le lieu de vie, sont plus également réparties, compte tenu des besoins administrativement reconnus, que l'ensemble des heures".

Conclusion : "Malgré une répartition de l'offre professionnelle plutôt équilibrée par rapport aux besoins administrativement reconnus, il existe des substitutions entre les acteurs qui ne sont pas sans conséquence sur les accompagnements, et dessinant des systèmes spatialement différenciés de prise en charge professionnelle de la dépendance. Au-delà, certains recourent à une offre plus importante en termes de nombre d'heures ou de dépense publique."

 

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