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Bâtiment : rebond incertain pour les artisans en 2021 après une perte de 7 milliards d’euros

Le rebond de fin 2020 et la création nette de 15.000 postes ne compensent qu’en partie la baisse historique de 9% de l’activité des petites entreprises du bâtiment l’an dernier, a révélé la Capeb le 20 janvier. Si le plan de relance et notamment MaPrimeRénov devraient générer des chantiers en 2021, les artisans ne tablent que sur une stabilité en ce début d’année.

Bien qu’elle se soit redressée en fin d’année (+ 1,5% au quatrième trimestre contre + 0,5% au troisième, - 24 % au deuxième et – 12% au premier), l’activité des artisans du bâtiment a flanché de 9% en 2020, soit un chiffre d’affaires de 71 milliards d’euros contre 78 milliards en 2019. "Cette fin d’année a bénéficié d’un effet de rattrapage suite au premier confinement et a compensé l’impact négatif du reconfinement", a analysé Jean-Christophe Repon, le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), lors de la présentation du bilan 2020 de l’activité le 20 janvier. En revanche, il est encore trop tôt pour mesurer un éventuel impact du plan de relance sur l’activité du secteur, d’autant que Jean-Christophe Repon appelle à la "vigilance" concernant les rénovation énergétique des bâtiments publics, un marché qu’il considère "un peu éloigné des entreprises artisanales".

Alors que plus de la moitié de l’activité (52%) provient de la rénovation, le rebond de fin 2020 est davantage dû à la construction neuve (+ 2,5% au quatrième trimestre et – 8,5% sur l’année) qu’à l’entretien-amélioration (+ 1% et - 9%) dont la moitié est réalisé par les travaux de performance énergétique. "Ils devraient s’accroître avec la montée en puissance de MaPrimeRénov dans les mois à venir", souligne Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques. Le gouvernement avait annoncé en décembre 170.000 dossiers soumis à l’Anah. "La Capeb s’est engagée, avec les autres fédérations professionnelles, en signant la Charte le 5 janvier 2021 à simplifier les procédures (RGE – reconnu garant de l’environnement- et CEE – Certificats d’économie d’énergie) pour les artisans", a rappelé Jean-Christophe Repon.

L’incohérence des chiffres du chômage

Comme dans l’ensemble de l’économie française, les défaillances d’entreprises artisanales sont en chute libre (-36% au troisième trimestre) tandis que les créations ont bondi de près de 12% (+ 23.000). Mais "ces chiffres sont en trompe-l’œil", a prévenu Alain Chouguiat, rappelant les effets conjugués du contexte de crise modifiant les délais de déclaration de cessation de paiement et les aides de l’État dont le PGE (prêt garanti par l’État) auquel 30% des artisans ont eu recours.

Pour autant, les TPE/PME du bâtiment ont non seulement maintenu leurs effectifs en 2020, mais recruté. Ainsi, la Capeb annonce la création nette de 15.000 postes (+ 1,7%) dont plus de 6.000 en apprentissage (+ 12%) du fait notamment des aides à l’embauche dans le cadre du plan 1jeune, 1solution. Cependant, l’emploi reste "très volatile" dans le bâtiment et reste très sensible à l’évolution de l’activité. L’enjeu pour les professionnels du bâtiment est d’attirer vers leurs métiers des salariés dont les entreprises sont en difficulté. "Il est incohérent de constater que l’on dénombre 420.000 demandeurs d’emploi dans le bâtiment et que les artisans peinent à recruter", a déploré Jean-Christophe Repon qui compte sur un travail plus approfondi avec Pôle emploi sur cet aspect pour mettre en adéquation les listes des deux institutions.

Disparités régionales

La Capeb constate également d’importantes disparités régionales. Ainsi, si la reprise s’est accélérée dans la plupart des régions fin 2020, elle a poursuivi sa dégradation en Île-de-France (- 0,5%), en Auvergne-Rhône-Alpes (- 1%) et en Bourgogne-France-Comté (- 1,5%). Pour Alain Chouguiat, ces baisses tiennent surtout à "des raisons mécaniques" dans ces régions où l’activité avait beaucoup progressé les années précédentes. Mais "on ne peut écarter le risque d’effets systémiques des difficultés rencontrées par certains secteurs d’activité (hébergement, restauration, etc.) sur le bâtiment", admet-il.

Dans ce contexte troublé par les incertitudes liées à la crise sanitaire, les carnets de commandes reprennent malgré tout des couleurs avec 72 jours de travail assurés contre 65 en juillet dernier et 75 en janvier 2020. En revanche, les trésoreries se dégradent "légèrement", plus d’un quart des professionnels faisant état d’une détérioration de leur situation financière (contre 23% lors du troisième trimestre).

Retour au niveau d’activité de 2017

Même si la moitié des adhérents de la Capeb prévoient une stabilité de leur activité au cours du premier trimestre de 2021 et 11% une hausse, "ce dynamisme (Ndlr : du quatrième trimestre 2020) devrait fléchir dans les prochains mois en raison d’une baisse des autorisations et des permis de construire", redoute la Capeb. Entre décembre 2019 et décembre 2020, 389.000 logements ont été autorisés, soit 51.000 de moins qu’au cours des 12 mois précédents (- 11,7%) et 381.800 logements ont été mis en chantier, soit 24.200 en moins (- 6%).

"L’environnement économique reste à ce stade incertain", annonce prudemment la Capeb, alors que les mesures gouvernementales devraient se réduire, et que les évolutions concernant le pouvoir d’achat des ménages et le chômage restent dans le flou.

Cependant, la Capeb table sur une croissance entre 5% et 6% de l’activité des artisans en 2021, mais il devrait s’agir plus "d’un rebond technique [que d']une véritable reprise de l’économie", prévient la confédération de l’artisanat. Si celui-ci se confirme, il permettrait à la profession de retrouver son niveau d’activité de 2017, soit 75 milliards d’euros.

L’activité pour le secteur public local en berne

Au quatrième trimestre de 2020, 15% des entreprises ont réalisé des travaux pour le compte des collectivités locales contre près de 30% un an plus tôt, soit le plus faible taux enregistré depuis 4 ans par la Capeb. Ainsi, le quart (23%) des entreprises artisanales enregistrent une baisse de leur chiffre d’affaires réalisé pour ces dernières et 4% constatent une hausse. Fin 2019, la hausse frôlait les 20%.