L’AMF préconise un statut de "policier municipal à fonction judiciaire"

Alors que la présentation du projet de loi issu du Beauvau des polices municipales devient imminente, l'Association des maires de France affirme sa position. Pour sortir par le haut du débat sur les nouvelles prérogatives de police judiciaire qui pourraient être accordées aux policiers municipaux, elle propose de créer un statut de "policier municipal à fonction judiciaire", inspiré du modèle du garde champêtre et laissé au libre choix des maires.

Le mois de juin touche à sa fin et le projet de loi découlant du "Beauvau des polices municipales" n’a toujours pas été dévoilé. L’occasion pour l’Association des maires de France (AMF) de rappeler ses attentes, comme l’ont fait avant elle Villes de France ou France urbaine. Alors que le ministre François-Noël Buffet a restitué aux associations d’élus, le 13 mai, les résultats de cette vaste concertation, le bureau de l’AMF a rappelé, le 17 juin, son attachement au principe de "libre administration" des communes, que ce soit pour l’armement, l’équipement ou l’adoption de nouvelles prérogatives. L’association insiste aussi, dans un communiqué du 27 juin, sur la "complémentarité" des différentes forces de sécurité : en clair, les policiers municipaux n’ont pas vocation à se substituer aux policiers et gendarmes nationaux. Une inquiétude récurrente chez les élus mais qui s’est exacerbée avec la publication, en début d’année, d’un rapport de la Cour des comptes invitant à revoir la carte des effectifs de police et gendarmerie en tenant compte de la "montée en puissance" de la troisième force de sécurité (voir notre article du 13 janvier). 

Mais le sujet clivant chez les maires est celui de la judiciarisation des prérogatives des policiers municipaux : d’aucuns voudraient une extension la plus large possible de ces prérogatives quand d’autres dénoncent une "OPJisation" (voir notre article du 17 mai 2024). C’est un peu la position de l’AMF qui se montre très prudente sur ce terrain, comme le ministre d'ailleurs (voir notre article du 23 mai). La proximité et la tranquillité publique doivent demeurer le cœur des missions des polices municipales, souligne-t-elle, dénonçant au passage un "désengagement de l’État" en matière de sécurité qui pourrait s’aggraver avec l’arrivée de nouvelles prérogatives. Et de brandir le risque d’un accroissement des inégalités entre les communes "qui pourront assumer financièrement" de nouveaux transferts de charge, et "les autres, plus modestes, qui ne le pourront pas".

Une judiciarisation "limitée et encadrée"

Elle plaide donc pour un modèle optionnel de judiciarisation et d’une subordination "limitée et encadrée" des policiers municipaux à l’autorité judiciaire.  Une proposition de loi élargissant les compétences judiciaires des polices municipales est déjà sur le bureau de l’Assemblée nationale depuis plusieurs mois. Elle vise à contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, en 2021, avait censuré les dispositions de la loi Sécurité globale qui prévoyait déjà  d'expérimenter de nouvelles prérogatives judiciaires de la police municipale pour lutter contre les incivilités et la petite délinquance du quotidien (voir notre article du 21 mai 2021). Son auteur, le député des Alpes-Maritimes Éric Pauget (Droite républicaine), propose de créer "un statut expérimental d’OPJ aux compétences limitées dans le temps, par la loi et à certains directeurs ou chefs de services de police municipale". Si le président de l’AMF, David Lisnard, est expressément cité dans l’exposé des motifs du texte, l’association se montre très réservée et avance "un risque de subordination accentuée de l’OPJ municipal à l’autorité judiciaire". D’où l’idée d’envisager une autre voie : le "policier municipal à fonction judiciaire", inspiré du modèle du garde champêtre. Ce dernier peut accomplir des actes judiciaires normalement réservés aux OPJ (auditions, saisies et perquisitions, enquêtes), rappelle l’AMF. Le policier municipal à fonction judiciaire pourrait être compétent pour constater et verbaliser une liste de délits forfaitisés (tags, conduite sans permis, sans assurance, occupation des halls d’immeubles, vente à la sauvette, vols à l’étalage, entrave à la circulation, intrusion dans les enceintes sportives, outrage sexiste aggravé…). Cette proposition ne peut "s’entendre que comme une simple faculté, laissée au libre-choix du maire", souligne l’AMF.

Elle en profite pour relancer une ancienne revendication : que le produit des amendes appliquées par les polices municipales soit reversé aux collectivités concernées et non au budget général de l’État. Elle souhaite aussi "consolider" le métier de garde champêtre en lui conférant des prérogatives manquantes (mise en fourrière de véhicules, accès aux images de vidéoprotection).

 

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