François-Noël Buffet lève le voile sur le futur projet de loi Polices municipales

Auditionné ce 21 mai par le Sénat, le ministre François-Noël Buffet a levé le voile sur les contours de son futur projet de loi relatif aux polices municipales. S’il devrait bien être prêt en juin, il ne pourra vraisemblablement n’être débattu au Parlement qu’à l’automne, au mieux en septembre, en cas de session extraordinaire.

Après les avoir présentés le 13 mai dernier aux associations d'élus, le ministre François-Noël Buffet a dévoilé ce 21 mai les contours de son futur projet de loi sur les polices municipales, à l'occasion de son audition par la commission des Lois du Sénat. Une audition qui s'est tenue devant plusieurs membres de la mission d'information sénatoriale sur les polices municipales (lire notre article du 28 avril), laquelle devrait rendre son rapport sous peu. Première information : le calendrier initialement envisagé est revu. "L'idée était d'aller vite pour avoir un texte à la fin du mois de juin. Ce ne sera probablement pas le cas. Il sera prêt […] mais ne pourra être soumis au Parlement qu'à la session d'automne", a prévenu le ministre. Ce projet s'articulera autour de "cinq axes principaux", calqués peu ou prou sur les différentes sessions du Beauvau.

• Premier axe, "accroître les prérogatives tout en confortant les polices dans le rôle de proximité", indique le ministre. "L'idée c'est de donner au maire une boite à outils dont il pourra disposer", laquelle pourrait singulièrement comprendre le recours aux désormais incontournables amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Ce qui suppose de passer "sous le contrôle du procureur de la République, en l'état de notre droit positif, on ne peut pas y échapper", souligne le ministre, en rappelant la jurisprudence du Conseil constitutionnel (lire notre article du 21 mai 2021). François-Noël Buffet ayant insisté au préalable sur le fait que la future loi ne remettrait pas en cause le principe selon lequel "la police municipale reste la police du maire, elle ne rentre pas sous l'autorité ni du préfet, ni de personne d'autre", il faut dès lors "trouver un chemin de crête qui permette malgré tout d'avancer". Selon lui, une telle "voie de passage" paraît possible à condition "d'identifier précisément dans la loi les compétences judiciaires qui pourraient être attribuées aux policiers municipaux […]. C'est parce qu'on avait un caractère de pouvoir général donné aux policiers municipaux" que les précédentes tentatives ont été censurées, estime-t-il. Cette voie, qui nécessite dans tous les cas de "rester sous le contrôle du procureur", pourrait prendre selon lui deux chemins : d'une part, celui de l'article 15 du code de procédure pénale, "qui définit les personnes en capacité de concourir à la police judiciaire" ; d'autre part, celui de l'article 16 du même code (celui qui attribue la qualité d'OPJ aux maires et leurs adjoints), "qui vise des compétences, peut-être la piste la plus intéressante sur le plan juridique". Le ministre précise en outre qu'il ne s'agirait "pas de permettre à tous les policiers municipaux de pouvoir délivrer ces amendes. Il faut qu'ils soient agréés, avec toutes les formations possibles et imaginables".

Sur le fond, et sans vouloir "faire la liste à la Prévert" des délits que les policiers municipaux pourraient sanctionner via le recours à l'AFD, le ministre indique que "font partie des pistes sur lesquelles nous travaillons actuellement […] la vente à la sauvette, la mendicité agressive en réunion, l'installation sans titre en réunion sur le terrain d'autrui, les destructions/détérioration, le port d'arme de catégorie D (poignard, matraque…), la conduite en état d'alcoolémie, sans permis ou sans assurance, le rodéo motorisé, l'usage des stupéfiants…". Il indique également qu'une "extension optionnelle des compétences en matière de police de l'urbanisme ou de fourrière animale" est également envisagée, ou encore "l'alignement des prérogatives des gardes champêtres et des policiers municipaux".

• Deuxième axe, "renforcer la capacité d'agir sur le terrain". Singulièrement en élargissant l'accès aux fichiers, à l'exclusion "des fichiers de type renseignement", précise le ministre. François-Noël Buffet évoque les fichiers "des assurances, des cartes grises, des voitures volées" ou encore "les systèmes d'information des fourrières". "Avec un aspect technique qui est essentiel : la possibilité de les consulter en mobilité", ajoute-t-il. Mais aussi "en renforçant la traçabilité des actions", visiblement en recourant à la solution du "numéro Rio", numéro d'identification individuel que doivent porter de manière visible policiers et gendarmes. Autres pistes évoquées par le ministre, "les contrôles d'identité" ou l'utilisation des "drones", pour lesquels "il faudra bien trouver une solution" – entendre, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a retoqué à deux reprises leur recours par les polices municipales (lire nos articles des 21 mai 2021et 21 janvier 2022), au grand dam de la ville de Nice, notamment (lire notre article du 25 avril 2023). Le ministre a également indiqué qu'il entendait profiter du texte sur les Jeux olympiques de 2030 (lire notre article du 20 mai) pour proroger l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique, après la tentative, infructueuse, de passer par la loi Sûreté dans les transports (lire notre article du 25 avril). Autre expérimentation qu'il entend "pérenniser", celle relative au port de caméra individuelle par les gardes champêtres (lire notre article du 22 septembre 2022), laquelle a pris fin le 24 novembre dernier. Le ministre a en revanche déclaré n'être "à ce stade pas enthousiaste" à l'idée de doter les policiers municipaux de grenades de désencerclement, comme suggéré par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio.

• Troisième axe, "mieux reconnaître la montée en compétence et l'engagement". "C'est une affaire sonnante et trébuchante, mais pas seulement", prévient François-Noël Buffet. Pour renforcer cette reconnaissance, il évoque ainsi "la création d'une médaille". "C'est symbolique, mais c'est important. Cette médaille a existé par le passé, mais a été préemptée très fortement par la police nationale." Autre mesure proposée, associer les policiers municipaux "aux différentes cérémonies républicaines". Avant de convenir : "Et puis, surtout, la revalorisation salariale, et notamment une discussion sur le régime indemnitaire". Lequel a déjà été revu il y a peu (lire notre article du 28 juin 2024), en théorie du moins. Au cours des échanges, Jacqueline Eustache-Brinio a en effet souligné que "tout le monde ne l'applique a priori pas pour l'instant", évoquant "des maires qui n'auraient pas eu connaissance de ce décret", pourtant applicable depuis le 1er janvier dernier. "Il faut en faire le bilan", invite-t-elle.

Sur cette question du régime indemnitaire, François-Noël Buffet renvoie la balle vers son collègue de la fonction publique, en soulignant que "la discussion sera ouverte avec une particulière prudence, parce que toute décision qui serait prise impacte immédiatement bien sûr les budgets municipaux". A fortiori si le régime indiciaire devrait être concerné, comme l'espèrent les organisations syndicales.

Autre piste évoquée, la révision du statut des gardes champêtres afin de pouvoir accéder à la catégorie B.

• Quatrième axe, renforcer "la coordination entre les forces de sécurité intérieure et les communes". Le ministre entend ici "rénover les conventions de coordination", "de façon à ce que chacun soit bien déterminé dans le rôle qu'il doit avoir, dans les missions qu'il doit mener, dans les actions qu'il doit engager". Le ministre l'a assuré, le gouvernement n'entend dans tous les cas pas que les polices municipales se substituent aux forces de l'ordre et "ne viennent remplacer la police nationale". Et de souligner que si "l'inquiétude est toujours là, personne ne veut cela, et le gouvernement ne veut pas cela".

• Cinquième axe, "le renforcement des formations et des exigences déontologiques". Côté formation, "sujet majeur", le ministre évoque d'abord son organisation, en indiquant que "le choix qui est fait actuellement par le gouvernement est de garder le dispositif actuel du CNFPT, avec une organisation territoriale qui globalement fonctionne", écartant par conséquent la piste d'une "académie nationale" proposée un temps. "La remise en cause, elle ne porte pas tellement sur le CNFPT en tant que tel", mais sur "les délais" et "la durée" de ces formations, argue le ministre. Pour y remédier, il propose "d'adapter cette formation aux personnels qui arrivent : quand un maire recrute un gendarme ou un policier qui a déjà de l'expérience, on peut imaginer qu'il y a un certain nombre de modules qu'il n'a pas besoin de faire", indique-t-il. Une piste qui ne devrait guère ravir les policiers municipaux (lire notre article du 6 juillet 2020).

Le ministre a également indiqué que le projet prévoit "un tronc commun police municipale – garde champêtre avec l'alignement de la durée de formation initiale à six mois et une formation continue obligatoire des gardes champêtres alignée sur celle des policiers municipaux".

 

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