Culture - "Bilan mitigé" pour la décentralisation aux régions de l'inventaire général du patrimoine
L'Inspection générale de l'administration (IGA) met en ligne un rapport, réalisé avec le concours de l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac), consacré au "Bilan de la décentralisation de l'inventaire général du patrimoine culturel". Le document est daté de janvier 2015, mais il vient seulement d'être rendu public. Il conclut à un bilan "mitigé" du transfert aux régions de cette compétence, opéré par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'Etat conservant la définition et contrôle des normes scientifiques et techniques régissant les opérations d'inventaire*.
Des moyens humains en baisse
A la lecture du rapport, l'adjectif "limité" tient davantage des précautions oratoires que du reflet de la réalité. Peu de choses en effet trouvent grâce aux yeux de l'IGA et de l'Igac. A la décharge des régions, il est vrai que seul un quart du territoire national était couvert par l'inventaire en 2004.
Côté positif, le rapport relève la valorisation des travaux des services régionaux de l'inventaire, qui "constitue un enjeu clairement identifié par les régions" et dont "certaines font une priorité dans le cadre de leur action patrimoniale" (sites internet dédiés au patrimoine, publication d'ouvrages...).
Côté nettement moins positif, les rapporteurs observent que si les moyens matériels "ont le plus souvent significativement augmenté", il n'en va pas de même pour les moyens humains affectés, qui sont "souvent inférieurs dans certaines régions à ce qu'ils étaient dans les Drac". De même, le nombre d'opérations d'inventaire culturel a eu tendance à diminuer dans le temps, même si les raisons de cette évolution ne sont pas évidentes, d'autant plus que la tendance varie selon les régions. Ces écarts entre régions concernent également la part d'opérations d'inventaire réalisées dans le cadre de partenariats.
Enfin, le rapport souligne que les régions et départements d'outre-mer ont hérité d'une situation très dégradée, compte tenu des "très faibles moyens" affectés par l'Etat dans les années précédentes. La situation ne s'est pas améliorée depuis, puisque les deux inspections constatent qu'"aucun service n'est opérationnel dans quatre des cinq collectivités en charge de l'inventaire aujourd'hui", seule la Guyane constituant "une exception exemplaire".
L'Etat aussi s'est montré défaillant
Si le rapport se montre ainsi critique sur le bilan des régions dix ans après la décentralisation de l'inventaire, il se garde bien d'exonérer l'Etat de toute responsabilité en la matière. Les rapporteurs observent ainsi que "le bilan de la mise en oeuvre du contrôle scientifique et technique de l'Etat révèle la limite inhérente à l'exercice d'un contrôle étatique sur une compétence décentralisée s'exerçant dans le cadre de la libre administration des collectivités".
L'édiction des normes en matière d'inventaire et le contrôle de leur application relèvent de la mission de l'inventaire général du patrimoine culturel (MIGPC), au sein de la direction des patrimoines. Or les services du patrimoine ont fait l'objet de plusieurs réformes successives et les emplois relevant de cette compétence ont diminué de 70% entre 2005 et 2013 (ce qui n'est pas forcément illogique compte tenu du transfert d'une bonne part de la compétence).
Pour les rapporteurs, il apparaît aussi que "l'Etat n'a pas rempli son rôle de garantie d'interopérabilité des systèmes documentaires". Les régions ont toutefois pour partie pallié cette lacune en développant "Gertrude", un outil de production et de diffusion des données de l'inventaire, désormais commun à 24 régions.
L'échec du Conseil national de l'inventaire général
Enfin, le rapport observe que "le partenariat entre l'Etat et les régions - qu'implique le modèle de décentralisation de l'inventaire - n'a pas trouvé de cadre institutionnel nécessaire à son bon exercice". Cette remarque vise notamment le Conseil national de l'inventaire général du patrimoine culturel (CNIGPC), qui "n'est pas, en raison de l'inadéquation entre les missions qui lui sont assignées et sa composition, l'instance de dialogue partenarial qu'il aurait pu être".
La situation n'est pas forcément plus satisfaisante au niveau local, puisque les rapporteurs considèrent que les relations entre les services patrimoniaux de l'Etat et ceux des régions reposent essentiellement sur la qualité des relations personnelles tissées entre les intéressés.
Jean-Noël Escudié / PCA
* L'Inventaire général du patrimoine culturel recense, étudie et fait connaître les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique. Sans préjudice des opérations réalisées par l'Etat au plan national, la région et la collectivité territoriale de Corse sont chargées, dans leur ressort, de l'inventaire général du patrimoine culturel (...). Elles confient aux collectivités territoriales ou aux groupements de collectivités qui en font la demande la conduite, dans leur ressort, des opérations d'inventaire général." (art. 95 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004).