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Culture - Politiques culturelles des régions : quelles priorités actuelles pour quel avenir ?

En dépit d'un poids financier limité, l'action culturelle des régions joue un rôle important dans certains domaines tels que le spectacle vivant et les industries culturelles et sert, plus globalement, le développement du territoire. En prévision des évolutions de l'architecture locale, un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles a récemment fait le point.

Sur demande du ministère de la Culture, l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) a réalisé en 2014 une "Analyse des interventions financières et des politiques culturelles en région". Alors que le premier volet, publié en avril, répertorie les dépenses par région du ministère et de ses opérateurs, le second volet sorti en juin s'intéresse aux politiques et aux dépenses culturelles des conseils régionaux en 2013. Ce second rapport a fait l'objet d'une note de commentaires, diffusée fin septembre par la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC).

Les régions dépensent 730 millions, l'Etat en région 3,3 milliards  

En 2013, les régions ont dépensé pour leurs politiques culturelles 730,4 millions d'euros, estime l'Igac qui se fonde sur les budgets primitifs 2013 amputés de 12% - ce taux correspondant en 2012 à la part de non-exécution des budgets initialement prévus. Bien que cette dépense ne représente que 9% de l'effort culturel de l'ensemble des collectivités (7,6 milliards d'euros), les régions sont "en mesure", selon la FNCC, "de faire des choix, car elles sont politiquement dégagées d’obligation (excepté l’Inventaire du patrimoine) et, de surcroît, moins paralysées par les frais de fonctionnement que, par exemple, les communes, lesquelles gèrent un très grand nombre d’équipements".
La dépense régionale n'en demeure pas moins relativement modeste, également au regard des 3,3 milliards d'euros que l'Etat consacre à la culture en région, dont 2,2 milliards à la seule région Ile-de-France. "Un poids considérable", considère l'Igac qui appelle à un rééquilibrage dans le cadre de l'application de la loi Maptam du 27 janvier 2014. Pour éviter que le ministère de la Culture "ne devienne le ministère des franciliens, voire des parisiens", "il apparaît essentiel que le ministère veille à conserver les leviers nécessaires à une politique nationale en capacité de se déployer sur l’ensemble du territoire". 

Le spectacle vivant, premier domaine d'intervention  

Outre la compilation de données par région, l'intérêt du travail de l'Igac réside dans la mise en perspective entre les priorités données par les régions en matière culturelle et celles fixées par l'Etat. Bénéficiant de près de 267 millions d'euros, soit 37% de leur enveloppe culturelle globale, le spectacle vivant est le premier domaine d'intervention des régions. Alors que le montant attribué par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) au spectacle vivant est à peu près équivalent (296 milliards), l'étude considère qu'il s'agit d'un "domaine partagé", avec des "stratégies différenciées". D'un côté, les régions "réservent plus de la moitié de leurs dépenses pour accompagner les équipes artistiques, assurer une desserte fine de leurs territoires ou soutenir certaines opérations attirant un large public, comme les festivals par exemple" ; les Drac, de leur côté, consacrent les deux tiers de ce budget au soutien des réseaux labellisés du spectacle vivant.
La deuxième dépense culturelle des régions est destinée aux patrimoines et s'élève à 125 millions d'euros. "Acteurs essentiels à la fois par les moyens financiers qu’elles lui affectent mais aussi par les missions de contrôle scientifique et technique", les Drac y consacrent plus de deux fois plus de moyens (287,3 millions d'euros). 

Les régions "en pointe" sur les industries culturelles  

Viennent ensuite, pour les régions, le cinéma et l'audiovisuel (80 millions), les arts plastiques (43 millions), le livre et la lecture (33 millions). Concernant les arts plastiques, l'étude note une "montée en puissance des régions", avec une participation supérieure de 13 millions à celle des Drac. Quant aux "industries culturelles" (cinéma, audiovisuel, livre), avec un total de 113 millions d'euros, les régions sont dites "en pointe", au regard des moyens dispensés par les Drac (18,2 millions, dont 12,9 millions pour le livre). Il faut toutefois ajouter à cela les financements que le ministère de la Culture attribue via ses deux établissements publics, le Centre national du cinéma (CNC) et le Centre national du livre (CNL) dont le total… dépasserait les 364 millions d'euros, dont 233 millions au bénéfice de l'Ile-de-France.
Parmi les autres domaines d'intervention des régions, l'étude recense l'enseignement, la formation professionnelle et les aides à l'emploi (un "effort significatif" de 34 millions d'euros),  le soutien aux langues régionales (23 millions) et les "politiques transversales" (71 millions) regroupant notamment l'éducation artistique, les pratiques amateurs, les actions dirigées vers les "publics éloignés ou empêchés" et l'aménagement du territoire.

La culture, un atout pour les autres politiques des régions

Dans un courrier du 24 février 2014 au président de l'Association des régions de France (signalé en annexe du rapport), la ministre de la Culture d'alors, Aurélie Filippetti, présente ce rapport de l'Igac comme un bilan visant à préparer le terrain à d'éventuelles délégations de compétences de l'Etat aux collectivités dans le domaine culturel, selon les possibilités ouvertes par la loi Maptam. En matière de bilan, les politiques des régions sont "essentiellement arrimées à leurs compétences d’attribution", estime l'Inspection. Pour cette dernière, "la culture est considérée comme un véritable atout par les régions pour la réalisation de leurs missions". Les régions abordent ainsi majoritairement leur action culturelle en lien avec leurs autres domaines de compétences, "autour d'objectifs transversaux" que sont l'aménagement équilibré de l'espace régional, le développement économique et l'attractivité des territoires, la formation et l'enseignement professionnel, le tourisme, l'accès des jeunes à la culture (se rattachant à la compétence sur les lycées).
En termes de perspectives, l'Igac suggère d'attribuer clairement aux régions et aux agences régionales une responsabilité dans l'économie de la culture – valorisation et promotion des sites patrimoniaux et des manifestations régionales de diffusion de la création – et dans l'aménagement culturel de proximité – avec un rôle élargi aux équipements, manifestations et patrimoines de proximité.

Clarifier, mais pas au détriment de l'Etat

De façon plus globale, l'Igac réaffirme la nécessité de "fonctions régaliennes de l'Etat" dans le domaine des patrimoines et appelle à préserver un certain équilibre en ce qui concerne la création, "un secteur fragile". "Si des mesures de clarification apparaissent nécessaires, notamment au regard des responsabilités des différents niveaux de collectivités territoriales et de l’émergence des grandes métropoles, les contingences propres au domaine de la création et l’importance pour le ministère de disposer des leviers suffisants à l’exercice de ses missions au plan national devraient être prises en compte dans les perspectives d’évolution des réseaux labellisés dédiés à la création et à sa diffusion."
Il y a donc une contradiction, soulevée par la FNCC. Alors que cette étude vise apparemment à anticiper ce qui est annoncé comme un renforcement probable du rôle des régions dans le domaine culturel, "la réalité décrite montre que cet objectif est encore lointain, tant en homogénéité et en complétude de l’action des régions qu’en termes financiers". 

 

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