Bilan mitigé pour les politiques publiques dédiées à la jeunesse rurale
Les projets portés par le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse et destinés aux jeunes ruraux n'ont pas produit tous les effets escomptés. Le manque d'engagement des élus locaux est pointé parmi les carences constatées.
En 2019, le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ), piloté par l'Injep (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire), lançait un appel à projets dédié aux jeunes des territoires ruraux. Son but : promouvoir des initiatives afin de renforcer une image positive de la jeunesse rurale en l'impliquant dans la conception des politiques publiques qui la concernent. Pourquoi cette cible ? Car les jeunes ruraux font plus souvent que les autres jeunes face à des problématiques d'accès aux soins de santé, aux formations et à l'emploi, et rencontrent des difficultés de mobilité et de logement. Dix projets étaient sélectionnés : sept visaient à accompagner la création d'activités professionnelles, culturelles ou sociales par les jeunes ruraux, les trois autres étaient tournés vers l'accès aux droits et services de proximité. Alors qu'ils se sont déroulés de juillet 2020 à juin ou décembre 2023, l'Injep vient de publier une évaluation qui laisse apparaître quelques réussites mais aussi beaucoup de carences parmi ces expérimentations.
"Suivi social plus approfondi"
L'effet le plus positif des initiatives lancées dans le cadre de l'appel à projets du FEJ s'est fait ressentir en matière d'accompagnement à la création d'activités. L'Injep relève "une réelle plus-value pour connaître et toucher un public éloigné des structures et pour rompre l'isolement". Les dispositifs d'accompagnement ont ainsi offert "une porte d'entrée efficace et non stigmatisante pour un accompagnement social plus large" et se sont caractérisés par une grande proximité avec les jeunes. À travers un "guichet unique personnalisé", la relation de confiance instaurée a permis d'engager un suivi social plus approfondi mais aussi de rompre l'isolement de certains jeunes par des actions collectives. In fine, "les évaluateurs observent une connaissance renforcée des ressources locales pour une majorité de jeunes".
L'évaluation souligne toutefois que les projets les plus prometteurs économiquement semblent généralement "le fait de jeunes les plus outillés initialement" alors que "tous les jeunes ne présentent pas les mêmes dispositions à l'engagement". D'autre part, se pose la question de "la structuration de partenariats et de réseaux solides et diversifiés". Ainsi, dans le cas du "réseau régional de campus ruraux de projets" du Grand Est, il est souligné que "les relations partenariales restent fortement 'personnes dépendantes', ce qui interroge la capacité à les pérenniser au-delà des expérimentations".
Plusieurs dispositifs se sont appuyés sur des services itinérants, notamment pour traiter les questions de santé. Ici, l'évaluation est plus nuancée : si ces services ont apporté "une meilleure connaissance des droits et des services par les jeunes", notamment les publics scolaires, cette sensibilisation "n'est pas forcément suivie d'un recours effectif aux droits et services", notamment en raison d'une offre locale médicopsychologique "qui s'est parfois avérée insuffisante". Par ailleurs, l'exemple du bus itinérant pour l'accès aux soins du Vercors montre que si "les partenaires institutionnels expriment un avis positif quant à l'idée de renforcer le traitement des questions de santé sur le territoire auprès des jeunes, ils ne s'engagent que peu dans la mise en place de nouvelles actions conjointes avec l'équipe du bus".
"Absence de volonté politique des collectivités"
Parmi les projets retenus, cinq visaient "un effet sur les politiques de jeunesse au niveau local". Mais si les approches intersectorielles mises en place "se sont souvent avérées positives pour les jeunes", les projets eux-mêmes "ne semblent pas faire apparaître de réels effets leviers pour une collaboration plus durable et étendue entre les différents acteurs". L'évaluation pointe en particulier "l'absence de volonté politique marquée de la part des collectivités locales" et une implication des élus dans les projets qui est demeurée "ponctuelle".
À propos des projets portant sur les modalités d'échanges entre jeunes et élus à l'échelle locale et départementale, les évaluateurs notent "un temps long" de mise en place des instances et parfois "une difficulté à transformer les constats partagés en mesures concrètes à destination des jeunes". Les modalités d'échanges entre jeunes et élus restent donc "à approfondir".
Manque d'anticipation des coûts
In fine, deux difficultés communes majeures caractérisent la majorité des projets. La première est la capacité à diversifier le public ou à toucher le public initialement visé. Ainsi, la surreprésentation des scolaires dans le cadre des services itinérants témoigne de la difficulté "à tisser des partenariats plus diversifiés". Tandis que pour les campus ruraux et les pépinières d'initiatives, la première difficulté a été d'atteindre un public qui n'était pas initialement connu des structures porteuses.
La seconde difficulté majeure tient au "manque d'anticipation des compétences attendues et des moyens requis pour les accompagnateurs, professionnels ou bénévoles". En effet, en milieu rural, la diversité des situations et la limite des ressources du territoire amènent les professionnels de la jeunesse à "dépasser leur métier de manière à développer des projets utiles". Dans le même temps, les porteurs de projets font preuve d'un manque d'anticipation concernant les coûts de l'accompagnement global, par exemple dans le projet visant, sur différents territoires, à développer des solutions de logement abordables sous la forme de sous-colocations.
"Formaliser les engagements des élus"
Pour faciliter des politiques de jeunesse intégrées localement, les évaluateurs identifient donc plusieurs prérequis : une volonté politique marquée et une association pérenne des élus aux projets, mais encore des partenariats consolidés et formalisés, le développement d'une culture et de référentiels communs entre professionnels, et enfin une forte intégration des jeunes dès la conception des projets et des politiques locales.
De manière plus concrète, parmi les recommandations des évaluateurs, on note la nécessité de "favoriser des rencontres entre jeunes et élus sous divers formats", mais aussi de "préparer les jeunes et les élus à ces rencontres et [d'en] clarifier les objectifs". De même, il convient de "formaliser les engagements pris par les élus et/ou les professionnels" et de "prévoir une médiation des échanges par des personnes chargées d'assurer l'égalité du temps de parole entre jeunes, professionnels et élus".