Contre le mal logement, des solutions politiques, sociales… et bancaires

Le mal logement, problème majeur en France, touche un nombre grandissant de la population. Quelles mesures existent aujourd’hui pour garantir l’accès à l’hébergement ou à un logement accompagné ? Comment les acteurs bancaires peuvent-il agir à leur échelle pour améliorer la situation ?

Le mal logement, un constat alarmant…

 

Selon le dernier rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre1, plus de 4 millions de personnes souffrent du mal logement en France, parmi lesquelles 2,9 millions de personnes vivent dans des conditions de logements difficile (surpopulation, privation de confort, précarité énergétique, etc.). En outre, 1,1 millions de personnes sont privées de logement personnel, dont 330 000 sont sans domicile (contre 143 000 en 2012).

Les dispositifs d’hébergement et de logement accompagné qui visent les publics les plus éloignés du logement sont aujourd’hui saturés malgré l’augmentation de leurs capacités. Cette situation s’explique, d’une part, par une raréfaction de l’offre de logements en sortie et, d’autre part, par le développement de la précarité. Dans un contexte inflationniste et d’augmentation des taux d’intérêts, la construction de logements neufs ralentit, le pouvoir d’achat immobilier des ménages les plus modestes diminue, le marché locatif se rétracte et les loyers augmentent. Concernant le logement social, 93 000 logements sociaux ont été financés en 2023 (contre 125 000 en 2016), alors que 2,4 millions de ménages sont en attente d’une attribution (sachant que 64 % des communes soumises à la loi SRU, qui impose un nombre minimum de logements sociaux, n’ont pas atteint leurs objectifs 2020-2022). Parallèlement à cette raréfaction de l’offre, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté, pour atteindre 9,1 millions en 2021 (contre 8,5 millions en 2020). Parmi les publics qui pâtissent le plus du mal logement : les chômeurs, les migrants, les familles nombreuses ou monoparentales (en majorité à la charge des femmes) et, de plus en plus, les étudiants.

 

Politiques gouvernementales en matière d’hébergement et de logement accompagné  

Le premier acteur contre le mal logement est l’État, qui définit et impulse les politiques publiques en la matière, notamment à destination des plus fragiles. En 2018, il a notamment lancé le plan quinquennal pour le Logement d’Abord avec comme objectif de dégripper et de raccourcir le parcours résidentiel des plus précaires. Il entend ainsi diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile en les orientant vers un logement durable et adapté et désengorger les centres d’hébergement d’urgence pour qu’ils retrouvent leur vocation initiale : offrir un accueil inconditionnel aux personnes en grande détresse.

Malgré les 440 000 personnes sans domicile qui ont pu accéder à un logement accompagné ou social ordinaire dans le cadre de ce premier plan, la situation de l’hébergement reste préoccupante. En 2023, 203 000 places d’hébergement d’urgence généraliste ont été financées en fonctionnement par l’État, contre 93 000 en 2013. Outre le financement du logement très social, le développement du logement accompagné par l’octroi d’agréments PLAI et PLAI adapté reste un objectif du second plan Logement d’abord (2023-2027) pour permettre un accès rapide au logement des publics les plus fragiles et fluidifier les dispositifs d’hébergement.

En filigrane, le phénomène de saturation pourrait prendre de l’ampleur dans le cadre de la transition écologique, avec la fin programmée de la location des « passoires thermiques » ou encore l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols d’ici 2050. Le défi consiste ainsi à proposer une offre suffisamment importante de logements abordables sans pour autant sacrifier l’environnement ! Or, dans le contexte actuel, il est fort probable que les bailleurs sociaux soient contraints de réaliser des arbitrages entre constructions neuves et réhabilitation1 afin de conserver un niveau d’endettement soutenable.

Pour le secteur du logement accompagné, une des nouveautés du second plan Logement d’abord est la production de résidences sociales généralistes et de foyers de jeunes travailleurs qui apparaissent désormais dans les dispositifs à mobiliser pour lutter contre le sans-abrisme.

Nicolas Bouquet, Chef de projet développement Habitat Spécifique

Financement de l’hébergement et du logement accompagné sur fonds d’épargne  

Au cœur de sa mission historique qu’est le financement de l’habitat social, la Caisse des Dépôts dispose des prêts sur ressources de l’épargne réglementée pour accompagner les politiques publiques dans la prise en charge des personnes les éloignées du logement autonome de droit commun. Les prêts de la Banque des Territoires financent ainsi tous les maillons de la chaîne, de l’hébergement au logement accompagné au taux du PLAI (actuellement bonifié).

Le PLU (prêt logement d’urgence) va notamment permettre de financer les dispositifs d’hébergement, d’urgence ou d’insertion, en présence de la subvention Etat « produit spécifique hébergement » ou de la subvention ANAH pour les travaux de rénovation et d’humanisation. Ces dispositifs permettent une mise à l’abri pour un temps déterminé, qui ne donne pas accès au statut de locataire.

On distingue au sein de ce parc une grande hétérogénéité de publics et de statuts : on peut citer les centres d’hébergement d’urgence, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les centres provisoires d’hébergement, les lits haltes soins santé, les lits d’accueil médicalisés et les hôtels sociaux.

Concernant le logement accompagné, qui se situe au carrefour de l’hébergement et du logement ordinaire, et répond aux besoins des personnes rencontrant des difficultés particulières pour se loger, on peut distinguer le financement des structures collectives de type logement-foyer du logement adapté autonome. Parmi les premières figurent les pensions de famille, les résidences accueil, les résidences sociales, les foyers de travailleurs migrants et les foyers de jeunes travailleurs. Le Fonds d’Epargne finance ces dispositifs avec le prêt PLAI pour les constructions et acquisition et le prêt PAM pour les réhabilitations classiques, lourdes ou thermiques.  

Du côté du logement accompagné autonome, le PRHVS permet, sous réserve d’agréments pour l’opération et l’opérateur, de financer les résidences hôtelières à vocations sociales. Ces dernières représentent une alternative au recours à des hôtels meublés parfois chers et de mauvaise qualité. Par ailleurs, le prêt habitat privé (PHP) finance la construction de logements dans le parc privé (hors copropriétés dégradées) faisant l’objet d’une convention ANAH à loyer très social en milieu banalisé. Cette initiative est accompagnée par les bénévoles des réseaux associatifs qui portent le projet (SOLIHA, Habitat et Humanisme, etc.).

Dans la lutte contre le mal logement, la Banque des Territoires est ainsi engagée auprès de l’Etat et des différents opérateurs. Rappelons enfin que l’INSEE a récemment lancé l’Enquête Sans domicile 2025 qui permettra d’actualiser les données et potentiellement d’affiner les politiques publiques. 

Au-delà du logement social ordinaire, nous agissons pour soutenir les centres d’hébergement qui dépendent de subventions publiques parfois fluctuantes. Construction, réhabilitation… nous proposons aux associations des prêts dédiés comme le PREL (préfinancement) et le prêt logement d’urgence (PLU). Ce dernier a par exemple permis de financer, en complément de la subvention « humanisation » de l’ANAH, la réhabilitation lourde du centre d’hébergement La Boulangerie, géré par ADOMA, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, et qui accueille plus de 400 personnes.

Nicolas Bouquet, Chef de projet développement Habitat Spécifique

1.https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/29e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2024

Nicolas Bouquet

Chef de projet développement

Après des missions au ministère de l’Intérieur puis à la Préfecture d’Île-de-France, Nicolas Bouquet occupe les fonctions de Chef de projet dans le secteur du logement social. Entré à la Caisse des Dépôts en 2023, il a la charge du développement de projets liés à l’Habitat Spécifique.