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Tourisme - Cathédrales payantes pour les touristes : et les collectivités ?

Le projet, révélé par le Figaro, serait parti d'une réunion entre le ministère de la Culture, le Centre des monuments nationaux et les responsables du patrimoine. Lors de cette réunion, l'idée a en effet été lancée de faire payer les touristes pour financer l'entretien - coûteux - des cathédrales. En revanche, les fidèles seraient bien sûr dispensés de tout droit d'entrée. Une solution qui est déjà mise en œuvre pour de nombreux monuments historiques ou autres éléments du patrimoine. De même, pourquoi ne pas considérer une cathédrale comme un musée, dont nul touriste ne conteste devoir payer l'entrée. L'enjeu est considérable, puisque Notre-Dame de Paris accueille près de quatorze millions de touristes et que plusieurs autres cathédrales françaises (Saint-Denis, Reims, Strasbourg, Beauvais...) dépassent le million de visiteurs.

Une idée pas si nouvelle et déjà mise en œuvre à l'étranger

Au-delà de la réaction de l'Eglise - qui n'accepte pas l'idée que ces lieux ouverts à tous par nature puissent être soumis à droit d'entrée et considère qu'une telle mesure serait contraire à la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat - la mesure, qui reste pour l'instant à l'état d'une idée parmi d'autres pour financer le patrimoine religieux, pose néanmoins des questions pratiques. Comment distinguer, par exemple, un fidèle qui vient prier ou se recueillir hors office d'un touriste correctement habillé et sans appareil photo autour du cou ?
L'idée n'est pourtant pas vraiment nouvelle. En mars 2011, le Conseil d'analyse économique (CAE) avait ainsi publié un rapport intitulé "Valoriser le patrimoine culturel français". Sans évoquer spécifiquement le cas des cathédrales, il recommandait fortement de mettre davantage à contribution les touristes pour financer l'entretien du patrimoine. Dans la mesure où "le tourisme est le premier bénéficiaire du patrimoine", le rapport du CAE proposait aussi "de faire participer davantage les acteurs du tourisme à son financement", en particulier par le biais de la taxe de séjour.
Mieux, certains pays sont déjà passés à l'acte. C'est le cas des Etats du Sud de l'Europe confrontés à de sévères restrictions budgétaires (Espagne, Italie et Portugal), qui ont instauré un droit d'entrée dans certaines églises. Même des pays comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne font payer aux touristes l'entrée de certains grands édifices religieux : 4 à 7 euros pour le "Dom" (la cathédrale) de Berlin et 15 livres pour la cathédrale Saint-Paul de Londres. Le sujet est certes complexe, mais il n'est donc pas tabou.

Des questions en suspens pour les cathédrales appartenant aux collectivités

Il reste toutefois une question de taille. Les réflexions du ministère de la Culture portent en effet sur les 77 cathédrales appartenant à l'Etat (et dont l'Eglise est affectataire). Mais ce nombre est loin de correspondre à la totalité des cathédrales françaises. Selon le Réseau des villes-cathédrales, récemment créé et qui tenait colloque à Sens le 26 juin dernier (voir nos articles ci-contre du 30 juin 2014 et du 29 septembre 2013), une centaine de cathédrales - la définition est assez floue - sont la propriété de communes ou de départements, voire de particuliers et, pour quelques exceptions, de diocèses. Et il s'agit parfois de collectivités petites ou moyennes (Saint-Flour, Noyon...), pour lesquelles l'entretien représente une lourde charge. Sans oublier bien sûr Paris, qui gère 85 édifices religieux, dont certains aussi célèbres et fréquentés que l'église Saint-Sulpice.
Si le projet de droit d'entrée pour les touristes devait aller plus loin, plusieurs questions ne manqueraient donc pas de se poser : peut-on envisager la coexistence de cathédrales "gratuites" et "payantes" ? Les droits d'entrée peuvent-ils être fixés librement ? Faut-il envisager, pour financer l'entretien du patrimoine religieux, une péréquation entre les recettes des cathédrales "attractives" et celles qui reçoivent moins de visiteurs ? Autant de questions qui restent pour l'instant sur la table.