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Climat et Résilience : la commission spéciale de l’Assemblée débat de la rénovation thermique des bâtiments

La commission spéciale de l’Assemblée nationale en charge de l’examen du projet de loi Climat et Résilience a abordé, ces 14 et 15 mars, la dizaine d’articles consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, compris dans le titre IV, intitulé "Se loger". En attendant de nouvelles annonces en séance sur la question des aides et de l’accompagnement des ménages aux travaux de rénovation énergétique promises par la ministre Emmanuelle Wargon, des ajouts notables sont d’ores et déjà à relever suite à l’examen du texte en commission, la plupart portés par le rapporteur du titre, Mickaël Nogal, et quelques-uns directement inspirés de la récente mission parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments. 

La commission spéciale de l’Assemblée nationale en charge de l’examen du projet de loi Climat et Résilience a abordé, ces 14 et 15 mars, la dizaine d’articles consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, compris dans le titre IV, intitulé "se loger", qui se consacre également pour moitié à la lutte contre l’artificalisation des sols, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Sur ce volet très attendu du texte rien n’est encore joué, la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, pressée par l’ensemble des groupes, ayant promis des annonces sur la question des aides et de l’accompagnement des ménages aux travaux de rénovation énergétique, lors du passage dans l’hémicycle, au prisme des conclusions de la mission Sichel attendues ce 17 mars. Des ajouts notables sont d’ores et déjà à relever suite à l’examen du texte en commission, la plupart portés par le rapporteur du titre Mickaël Nogal (LREM, Haute-Garonne) et quelques-uns directement inspirés de la récente mission parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments (lire notre article du 10 février 2021). 

 

RENOVER LES BATIMENTS (CHAPITRE I)

  • Définition des niveaux de performance des DPE (article 39 et articles additionnels)

Le texte grave dans la loi le cadre général des "étiquettes" du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui feront ainsi office de "référentiels", avec en ligne de mire la refonte du dispositif et son opposabilité, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er juillet 2021. Les nouveaux "double-seuils" - un logement étant classé selon sa plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre - imposent de traduire dans le texte les unités retenues pour le calcul du DPE et des seuils. C’est l’objet d’un amendement défendu par la députée Chantal Jourdan pour le groupe socialistes. Ce niveau de performance est "exprimé en kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an, s’agissant de la consommation énergétique et en kilogramme de dioxyde de carbone par mètre carré et par an, s’agissant des émissions de gaz à effet de serre induites", précise-t-il. "Au regard de débats antérieurs, il nous paraît (…) essentiel, que la notion d’énergie primaire soit ainsi sanctuarisée", insiste son auteur. Le rapporteur a par ailleurs souhaité clarifier l’intitulé des différentes classes du DPE, dont l’échelle va de "extrêmement performants" (A) à "extrêmement peu performants" (G). Après l’article 39, un article additionnel tire également les conséquences du fonctionnement par double seuil au sein du code de la construction et de l’habitation (articles L. 126-26 et  L. 126-33).  La députée Claire Pitollat (LREM, Bouches-du-Rhône) a proposé quant à elle de compléter le DPE d’une évaluation de la qualité de l’air intérieur et notamment du système de ventilation. Et le rapporteur d’inscrire une obligation d’information sur la ventilation et l’aération dans le cadre du DPE

 

  • Définition de la rénovation performante (nouvel article après l’article 39)

Plus substantiel, un nouvel article introduit dans la loi une définition de la rénovation performante à partir de deux conditions cumulatives : un niveau minimal de performance correspondant à la classe C du DPE et un gain minimal d’au moins deux classes du DPE. Avec une exception : "en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien", le niveau de performance pourra être ramené à la classe D et le gain à une seule classe. "Cette définition pourra utilement servir de référence pour permettre aux pouvoirs publics de déterminer les évolutions nécessaires des dispositifs d’aides financières à la rénovation énergétique des logements, dans un objectif de respect des trajectoires de réduction des consommations d’énergies et des émissions des gaz à effet de serre prévues par la programmation pluriannuelle de l’énergie [PPE] et la stratégie nationale bas carbone [SNBC]", souligne le rapporteur. Pour l’heure, les discussions sur les "moyens" sont reportées à la séance plénière - voire au projet de loi de finances - et suspendues aux conclusions de la mission confiée à Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires, sur la "massification" de la rénovation des passoires énergétiques. 
Pour l’ex-marcheur Matthieu Orphelin (non inscrit), dont la totalité des amendements ont été rejetés (en particulier la reprise de la proposition phare de la Convention citoyenne pour le climat de rendre systématique la rénovation des logements lors des mutations/ravalements), l’amendement du rapporteur marque "un recul préoccupant". Une définition "au rabais" de la rénovation performante, qu’il juge "tout simplement incompatible avec les objectifs la SNBC et les recommandations du Haut Conseil pour le climat". Les amendements LR proposant notamment d’atteindre un seuil de 50% minimum de rénovation globale et performante par an et diverses demandes de rapports (mise en place d’un service public du DPE, effets anticipés de l’interdiction du gaz comme solution de chauffage, regroupement des subventions au sein d’un programme budgétaire unique etc.) ont connu le même sort. 

 

  • Données sur le nombre de rénovations globales (nouvel article après l’article 39)

Autre sujet soulevé, celui de la fiabilité des données. C’est l’un des freins identifiés par la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments, dont le président, le député Vincent Descoeur (Cantal, LR), a défendu un amendement (identique à celui de Marjolaine Meynier-Millefert-LREM, Isère) engageant le gouvernement à publier tous les deux ans un document contenant toutes les données "sur le nombre de rénovations énergétiques effectuées chaque année, notamment le nombre de rénovations globales permettant d’atteindre le niveau performant ou très performant"

 

  • Audit énergétique et DPE collectif (article 40)

Le texte adapte des mesures déjà instituées par la loi Énergie et Climat (LEC) de 2019, en particulier concernant l'introduction d’un audit énergétique obligatoire avec des préconisations de travaux sur les bâtiments résidentiels en "mono-propriété" au statut de passoire énergétique (classes F et G du DPE), en cas de vente. Le rapporteur a souhaité revenir sur ce pan du texte en cohérence avec la définition de la rénovation performante proposée précédemment. L’audit énergétique devra ainsi présenter "un parcours de travaux cohérent par étape pour atteindre une rénovation performante" et dont la première étape devra permettre "a minima d’atteindre la classe E". Ce parcours de travaux présentera aussi les travaux nécessaires pour atteindre la classe B, lorsque les contraintes techniques, architecturales, patrimoniales, ou le coût des travaux, ne font pas obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance. 
La partie du texte qui prévoit la généralisation du DPE collectif pour les copropriétés d’ici à 2024, avec un délai supplémentaire prévu pour les plus petites d’entre elles, n’a pas fait l’objet de modifications. La commission a notamment repoussé des amendements LR, Libertés et territoires et  Modem, travaillés avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), visant à mettre hors champ du renouvellement des DPE tous les 10 ans le cas où le monopropriétaire est un organisme d’habitations à loyer modéré. "Cet objectif de programmation et de réalisation de travaux est déjà atteint par les organismes d’Hlm au travers d’obligations existantes, à savoir la nécessité de réaliser des plans stratégiques de patrimoine intégrant un volet dédié au programme de travaux à réaliser sur le patrimoine, mais aussi à l’obligation imposée aux mêmes organismes de cartographier la performance énergétique dans leur patrimoine et suivre son évolution dans le cadre des contrats d’engagement passés avec l’État au travers des conventions d’utilité sociale", ont-ils fait valoir. 

 

  • Interdiction de l’augmentation des loyers et de la location des passoires thermiques (articles 41 et 42)

Le texte cible les bâtiments les plus énergivores, les fameuses "passoires énergétiques", avec dans un premier temps une interdiction de hausse des loyers des logements F et G, comme le prévoit l’article 41 avec entrée en vigueur un an après la promulgation de la loi, puis l'atteinte d'un niveau de performance énergétique en 2028 pour avoir le droit de mettre un logement en location.

En commission, l’article n’a été modifié qu’à la marge par des amendements rédactionnels. Pour Emannuelle Wargon, cette première étape de gel des loyers devrait servir à une "prise de conscience du propriétaire". La perspective laisse toutefois perplexes, l’ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho (non inscrite), tout comme la députée Danièle Obono (LFI), toutes deux regrettant qu’il revienne aux locataires, "souvent précaires, de faire valoir leurs droits" en justice en cas de logement énergivore, et estimant "qu'il ne s'agissait ainsi pas d'une véritable interdiction de la location". Les socialistes espéraient quant à eux pousser un cran plus loin, en proposant une baisse de 10% des loyers pour les logements classés F et G, suivant là une recommandation de la fondation Abbé-Pierre. 

L'article 42 "crante" le critère de décence des logements avec les niveaux de performance énergétique en énergie primaire introduits par l’article 39 du projet de loi, relève la ministre, et les gouvernements successifs ne pourront le faire varier, a-t-elle opposé aux députés LR qui estimaient qu'un décret était suffisant. 

Après cet article, un article additionnel reprend une proposition de la mission parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments, pour simplifier la réalisation de travaux d’économies d’énergie pour les locataires. "Pour accompagner cette démarche, une modulation à la baisse du loyer pourrait être exigée comme contrepartie, ou un renouvellement du bail pour assurer un maintien dans les lieux sur une plus longue période", suggèrent les députés Vincent Descoeur (LR) et Marjolaine Meynier-Millefert (LREM), à l’origine d’amendements identiques. En résumé, les locataires devraient pouvoir prétendre aux dispositifs existants pour les propriétaires. "Certains locataires peuvent, en raison de revenus différents de ceux du propriétaire, réaliser des travaux en étant éligibles à ces subventions", expliquent-ils. 

 

  • Clarification de l’organisation du service public de la performance énergétique de l’habitat - SPPEH (article 43)

Le texte inscrit dans la loi le lien entre le service public de la performance énergétique de l’habitat et l’augmentation du niveau d’ambition des projets de rénovation énergétique afin "d’encourager les rénovations performantes" plutôt que les rénovations partielles, centrées sur un seul geste, dont les gains de performance énergétique sont limités et finalement les coûts supérieurs. Les députés Patricia Lemoine et Antoine Herth (Agir ensemble) sont à l’origine de cet ajout issu des propositions de l’ADCF. Un autre amendement y fait écho de façon à articuler le service public avec les stratégies politiques locales et les documents réglementaires en vigueur comme les programmes locaux de l’habitat (PLH) et les plans climat air énergie territoriaux (PCAET). 

Ce  "réseau de guichets" développé à l’échelle des EPCI exercera ses missions "en lien" avec les maisons France service, comme le suggère un amendement de la députée Fannette Charvier (LREM, Doubs), sous-amendé par le rapporteur. "Les maisons France service doivent constituer un relai à l’action des guichets : elles peuvent très utilement garantir un premier niveau d’information et renvoyer ensuite vers les acteurs spécialisés", précise-t-il. Ces guichets pourront également assurer leur mission d’information "de manière itinérante, notamment en menant des actions d’information à domicile, sur des périmètres ciblés et concertés avec la collectivité de rattachement". Autre précision du rapporteur : "les locataires ou syndicats de copropriétaires" pourront également bénéficier des services proposés par ces guichets. Le texte insiste en outre sur leur mission de centralisation des aides à la rénovation, tant nationales que locales, sachant que la multiplicité des aides nuit à leur lisibilité. 

 

  • Plan pluriannuel de travaux en copropriétés (article 44) 

Cette mesure phare de la réforme des copropriétés de 2019 (ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019) retoquée par le Conseil d’État fait sa réapparition avec pour cible les copropriétés de plus de 15 ans qui auront obligation de présenter un projet de plan pluriannuel de travaux et les provisions correspondantes dans le fonds de travaux de la copropriété. Des amendements identiques de la députée LREM Claire Pitollat et du député LR Vincent Descoeur y adjoignent "un objectif d’amélioration minimum de la performance énergétique du bâtiment", selon des modalités fixées par décret, pour les travaux de rénovation prévus au sein des plans pluriannuels. Un sous-amendement du rapporteur précise que le projet de plan doit donner "une estimation du niveau de performance énergétique de l’immeuble que les travaux d’économies d’énergie envisagés permettraient d’atteindre"

Un nouvel article après l’article 44 permet par ailleurs de faciliter l’isolation thermique des immeubles par l’extérieur. Cette opération est rendue "très difficile pour les bâtiments construits en limite de propriété car dépendante d’un accord entre les propriétaires des deux fonds, permettant l’empiétement ou le surplomb sur la propriété voisine", explique le rapporteur. C’est la raison pour laquelle le texte propose d’instaurer un droit de surplomb, qui rend possible l’isolation par l’extérieur d’un bâtiment en limite de propriété, en empiétant d’au maximum 50 cm sur la propriété voisine. Il prévoit une obligation de démontage de l’ouvrage en cas de construction nouvelle afin de préserver les droits du propriétaire du fonds voisin.

 

  • Habilitation à légiférer sur les référentiels et le régime de police des constructions (article 45)

La commission a finalement supprimé l'habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures de coordination nécessaires liées à la création d'une assise législative pour les classes de DPE. Un amendement du rapporteur propose l'inscription "en dur" de ces dispositions (article additionnel après l’article 45). 

L’autre habilitation prévue par le projet de loi pour créer un régime de police administrative de contrôle des règles de construction est en revanche toujours d’actualité. Un amendement du rapporteur en a cependant réduit le délai de l’habilitation de 18 mois à 12 mois

Au passage, le texte (article additionnel après l’article 45 défendu par le gouvernement) procède à la ratification de l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation. Un nouvel article portés par des députés LREM modifie par ailleurs le périmètre d’assujettissement de l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit l’obligation de réduction des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires. Seuls les bâtiments existants au 23 novembre 2018, date de publication de la loi ELAN, y sont actuellement astreints, et non ceux mis en service postérieurement.  L’objectif est donc de "supprimer l'inégalité de traitement" en incluant dans l’obligation les bâtiments les plus récents "pour lesquels des efforts peuvent être à produire sur les process". Des garde-fous sont introduits pour "éviter que des actions d'économies d'énergie, engagées par les assujettis pour satisfaire les exigences du L. 174-1, conduisent à une réduction du recours aux énergies renouvelables, par exemple en remplaçant des systèmes de chauffage vertueux comme des réseaux de chaleur urbains par des équipements ayant une part d’énergie renouvelable plus faible". Enfin, le texte précise que la remontée des consommations énergétiques par les assujettis doit avoir lieu annuellement.

 

DIMINUTION DE LA CONSOMMATION D’ENERGIE (CHAPITRE II)

  • Interdiction des terrasses chauffées ou climatisées (article 46)

Le rapporteur a souhaité clarifier la rédaction "très large et peu précise" de cet article reprenant l’interdiction médiatique des terrasses chauffées en hiver et climatisées en été, annoncée au Conseil de défense écologique de juillet 2020. Il est ainsi inséré un article L. 2122‑1 au code général de la propriété des personnes publiques interdisant "l’utilisation sur le domaine public de système de chauffages fonctionnant en extérieur". Le titre d’occupation ne pourra être accordé en cas de non-respect de cette interdiction. Les conditions d’application sont renvoyées au décret et l’entrée en vigueur différée au "31 mars 2022", afin de "laisser un temps d’adaptation nécessaire aux acteurs en raison de la crise économique et sanitaire actuelle". 

 

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