Concession de service provisoire : mauvaise publicité pour la ville de Paris...
Dans un arrêt du 5 février 2018, le Conseil d’Etat a annulé la concession provisoire passée par la ville de Paris pour l’exploitation de mobiliers urbains d’information supportant de la publicité - les "panneaux Decaux"... Malgré les enjeux financiers et techniques importants, les sages du palais Royal ont estimé que les conditions permettant de recourir à une concession de service provisoire n’étaient pas remplies.
Cette décision marque le point final d’une affaire qui dure depuis plus d’un an. La ville de Paris avait attribué en février 2007 une concession de service relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local à la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (Somupi), filiale de JCDecaux. La convention arrivant à son terme, la collectivité avait lancé une nouvelle de procédure de passation. Toutefois, en avril 2017, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Paris avait annulé cette procédure. Cette ordonnance avait été confirmée par le Conseil d’Etat en septembre 2017.
Le terme du précédant contrat ayant été fixé au 31 décembre 2017, la ville de Paris a alors décidé, par une délibération de novembre 2017, d’attribuer sans publicité ni mise en concurrence un contrat de concession de service provisoire à la Somupi, déjà titulaire de la précédente convention. Les sociétés Clear Channel France et Exterion Média France, dont l’activité correspond à l’objet de la concession, ont alors saisi le juge du référé précontractuel du TA de Paris. Ce dernier a annulé la procédure en litige, la convention ne réunissant pas les conditions pour être passée sans publicité ni mise en concurrence. Suite à cette ordonnance, la ville de Paris et la Somupi ont saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.
L’intérêt financier ne suffit pas !
La haute juridiction administrative a tout d’abord rappelé sa position de principe concernant la passation de concession provisoire : "En cas d'urgence résultant de l'impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l'assurer elle-même, elle peut, lorsque l'exige un motif d'intérêt général tenant à la continuité du service public conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de service sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites."
Si les requérantes soutenaient que la passation d’une concession provisoire était nécessaire pour éviter une rupture dans la continuité du service public d’information municipale, le Conseil d’Etat n’a pas suivi ce raisonnement. Il a notamment jugé que "la grande diversité des moyens de communication, par voie électronique ou sous forme d’affiche ou de magazines, dont dispose la ville de Paris" sont suffisants "pour assurer la continuité du service public de l'information municipale en cas d'interruption du service d'exploitation du mobilier urbain d'information".
La ville de Paris avait également mis en avant l’intérêt financier que représentait pour elle cette convention provisoire, estimant la redevance attendue à 40 millions d’euros. Sur ce point, le Conseil d’Etat a rappelé que seul des impératifs de continuité du service public de l’information municipale pouvaient justifier le recours à une concession provisoire, écartant ainsi tout intérêt financier, quel qu’en soit l’ampleur.
En outre, le caractère urgent de la situation ne pouvait en tout état de cause être reconnu, la situation dans laquelle la ville de Paris se trouvait n’étant pas indépendante de sa volonté. En effet, plus de sept mois s’étaient écoulés entre l’annulation juridictionnelle de la procédure initiale et le lancement d’une nouvelle procédure de passation.
Les conditions pour conclure une concession provisoire, et donc échapper aux règles de publicité et de mise en concurrence, n’étant pas réunies, les juges de cassation ont rejeté les pourvois de la ville de Paris et de la société titulaire. Cette décision a un impact important pour la collectivité, tant du point de vue financier que technique puisqu’elle entraîne le démontage de plus de 1.600 affichages publicitaires. Compte tenu la durée des procédures de passation, et comme l'avait souligné l'avocat de la ville de Paris lors de l'audience publique du 24 janvier, la collectivité devra trouver pour les mois à venir des solutions alternatives pour assurer "la visibilité de certains évènements et l'attractivité de la capitale".
Référence : CE, 5 février 2018, n°
416581