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Finances locales - Contractualisation sur les dépenses des grandes collectivités : le mode d'emploi est enfin connu

L'instruction détaillant le dispositif d'encadrement des dépenses de fonctionnement des grandes collectivités territoriales est enfin parue. Les ministres y précisent les modalités selon lesquelles les préfets et les 322 collectivités et intercommunalités concernées vont négocier, d'ici le 30 juin, des contrats qui constituent la pierre angulaire de la stratégie du gouvernement pour maîtriser les dépenses locales.
 

Les quatre ministres en charge du dossier à l'Intérieur et à Bercy l'ont signée le 16 mars et c'est finalement au cours de la journée de ce jeudi 22 mars que le gouvernement a mis en ligne l'instruction sur les contrats de maîtrise des dépenses locales, destinée aux préfets et aux directeurs des finances publiques. Un document de 44 pages (avec les annexes) que la direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction générale des collectivités locales (DGCL) ont, avec les cabinets ministériels, préparé avec beaucoup de minutie, en tenant compte du bilan des tests réalisés en début d'année avec une quarantaine de collectivités et groupements.
"La démarche, rappellent les ministres, constitue l'un des axes majeurs de notre stratégie pour améliorer la situation des comptes publics et maîtriser la dépense." En outre, sa mise en œuvre intervient au moment où la France sollicite de l'Union européenne la sortie de la procédure pour déficit excessif, après y être demeurée pendant neuf ans. Autant dire que, dans ce contexte, les partenaires de la France observent de près la fiabilité du dispositif de contractualisation, comme le faisait remarquer tout récemment le sénateur Alain Richard qui, avec le préfet honoraire Dominique Bur, a remis en novembre au Premier ministre un rapport pour l'élaboration de ces contrats.
Le dispositif figure, rappelons-le, à l'article 29 de la loi de programmation des finances publiques et vise concrètement à mettre en œuvre les objectifs que cette loi assigne au secteur public local pour le quinquennat, tant en matière de besoin de financement et d'endettement que d'évolution des dépenses. Sur ce dernier aspect, l'objectif de réduction des dépenses de fonctionnement de 13 milliards d'euros d'ici 2022, par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses publiques locales, se traduit par une limitation de la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an, inflation comprise. L'objectif est exigeant, car l'on sait que l'inflation pourrait dépasser ce niveau dès cette année.

De nécessaires retraitements comptables

L'instruction qui vient d'être mise en ligne constituera un véritable guide pratique pour la négociation de contrats de trois ans, qui devront être signés d'ici le 30 juin. Côté Etat, les préfets seront à la manœuvre. Ils seront épaulés par une "direction projet" dotée d'une capacité d'expertise poussée. Son rôle sera notamment, tout en assurant la prise en compte des spécificités territoriales, de parvenir à une homogénéité des contrats, de manière à ce qu'ils ne soient pas proposés "à la tête du client."
Côté collectivités, 322 entités sont concernées : l’ensemble des départements et des régions, la métropole de Lyon, ainsi que les 145 communes et 62 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (leur liste figure en annexe de l'instruction) dont les dépenses de fonctionnement du budget principal dépassent 60 millions d'euros. Les autres collectivités et intercommunalités qui souhaiteraient s'engager dans la démarche pourront faire acte de candidature auprès du préfet de département avant le 30 avril. A ce stade, elles ne sont pas légion. "Une dizaine de villes moyennes se sont proposées d’elles-mêmes pour contractualiser alors qu’elles ne font pas partie des 322", indiquait récemment le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics dans une interview au Courrier des maires.
L'un des enjeux des négociations entre les préfets et les responsables d'exécutifs locaux sera de déterminer avec exactitude le montant des dépenses réelles de fonctionnement de l'année 2017, année à partir de laquelle sera calculée la trajectoire de dépenses des collectivités ou des groupements de communes pour les trois années à venir. Des retraitements comptables seront nécessaires pour prendre en compte les flux financiers entre les communes et leur intercommunalité. Il en sera de même pour évaluer les montants des dépenses de fonctionnement pour la période 2014-2016, dont il sera tenu compte dans certains cas.

Des "contreparties" insuffisantes ?

Les exécutifs locaux s'attacheront aussi, le cas échéant, à faire reconnaître les spécificités de leurs territoires (démographie dynamique, revenu faible des habitants, présence de quartiers prioritaires de la politique de la ville...). Des spécificités qui peuvent donner lieu à un assouplissement de l'objectif d'encadrement des dépenses de fonctionnement (dans la limite de +0,15 point pour chaque critère défini dans la loi). Mais cela ne sera pas donné à tout le monde. Bercy a déjà balisé le terrain : le ministère estime à 103 le nombre de collectivités pour lesquelles aucun critère de modulation n'est applicable et qui devront signer des contrats avec l'objectif moyen de 1,2 %.
Au final, les élus locaux signeront-ils en masse les contrats ? La question se pose vraiment, car l'exécutif a prévu assez peu d'incitations : juste un coup de pouce pour les investissements des collectivités signataires, par le biais de la dotation de soutien à l'investissement local (dont il n'est pour l'instant pas prévu d'augmenter l'enveloppe de crédits). "Le compte n'y est pas", ont critiqué le 15 mars l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et Régions de France, dans un communiqué commun. Plaidant pour "un contrat enfin équilibré", les trois principales associations de collectivités ont demandé des "contreparties" sérieuses. En évoquant par exemple "le respect intégral [par l'Etat] de ses engagements" dans les contrats de plan Etat-régions et "le co-financement d’investissements" portés par les collectivités. En outre, même si le gouvernement a pris en compte plusieurs de leurs demandes (notamment par le biais de l'instruction), les associations d'élus locaux conservent plusieurs objections de nature technique. D'autres critiques, plus politiques, portent sur le principe même de contrats qui "font injustement porter la prise en charge d’une partie du déficit de l’Etat par les collectivités locales", ou font peser un risque pour l'investissement local. Sans oublier que les départements réservent leur signature à la finalisation d'une solution sur le dossier du financement des allocations individuelles de solidarité et des mineurs non accompagnés.

Référence : instruction interministérielle relative à la mise en oeuvre des articles 13 et 29 de la loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.