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Finances locales - Dispositif de maîtrise des dépenses : les associations d'élus locaux restent sur leurs gardes

Les associations d'élus locaux ont été consultées sur la circulaire, en cours de préparation, relative à la contractualisation des dépenses des collectivités territoriales avec l'Etat. Les réactions des intéressées sont mitigées. Certaines lignes les ayant fait bondir, elles demandent aux ministères de corriger leur copie. Globalement, sur ce dossier, certaines des associations, en particulier l'Assemblée des départements de France, recommandent la prudence.

Malgré les assouplissements que le gouvernement a consentis mi-décembre quant aux principes et modalités de la contractualisation sur les dépenses des grandes collectivités, les élus locaux restent très vigilants sur le dossier. Les discussions avec les préfets sur le contenu des contrats n'ont certes pas encore débuté. Mais le gouvernement procède aux réglages des modalités sur lesquelles les préfets vont prochainement s'appuyer pour mener les négociations. Au début de ce mois, les ministères en charge du dossier ont transmis un projet de circulaire.
Pour la rédaction de ce texte aux enjeux forts, ils ont bénéficié des premiers retours effectués par la quarantaine de collectivités et EPCI à fiscalité propre engagés dans une expérimentation de la démarche. Les représentants de ces "pionniers" ont eu le 1er février une réunion technique avec la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction générale des finances publiques (DGFIP). La démarche était a priori un gage de réalisme pour la suite des opérations. Mais elle n'a pas empêché que les associations d'élus locaux ne trouvent dans le projet de circulaire quelques paragraphes fort peu à leur goût. Ainsi, l'un d'eux affirme que l'objectif d'une hausse annuelle limitée à 1,2% en valeur des dépenses de fonctionnement des budgets principaux sera observé à l'échelle de chacune des régions. Dans l'entourage de Jean-Luc Moudenc, président de France urbaine, on dit "être tombé de sa chaise" en découvrant ce point-là. "La DGCL n'a probablement pas réalisé ce que seront les conséquences d'un tel choix. Il serait inacceptable de générer ou d'entretenir des inégalités territoriales entre les collectivités de régions différentes", indique-t-on. France urbaine fait du retrait de cette mesure "un point dur". L'association n'est pas la seule à s'opposer à la "régulation régionale" envisagée par le gouvernement. "C'est un sujet de préoccupation", déclare-t-on en effet de même du côté de Régions de France.

"Prévoir des clauses de revoyure"

Les associations d'élus locaux en première ligne sur le dossier sont unanimes sur d'autres points. Elles soulignent en particulier la nécessité qu'au moment d'effectuer la comparaison entre deux exercices budgétaires d'une collectivité ou d'un EPCI à fiscalité propre, le préfet prenne en compte les éventuels changements de périmètre et la prise en charge de nouvelles responsabilités. L'Assemblée des communautés de France (ADCF) et Régions de France insistent particulièrement sur ce point : tant les intercommunalités que les régions vont, dans les prochaines années, voir leurs compétences être renforcées. La loi de programmation des finances publiques publiée fin décembre 2017 stipule bien que les préfets devront tenir compte de telles évolutions. Mais le réaffirmer dans la circulaire procéderait d'un utile sens de la pédagogie, estime-t-on à Régions de France.
L'Assemblée des départements de France (ADF) évoque un autre cas de figure : la survenue d'événements exceptionnels, tels qu'une catastrophe naturelle entraînant d'importants dégâts sur le réseau routier et les établissements d'enseignement, et donc des dépenses imprévues. "Il faudrait prévoir pour ces cas-là des clauses de revoyure", propose l'entourage du président, Dominique Bussereau. France urbaine rejoint en partie l'ADF sur ce point-là. L'association constate avec regret qu'en l'état du projet de circulaire, lorsque le préfet et la collectivité auront fixé l'objectif de la dépense locale, y compris en utilisant les capacités de modulation, leur décision s'appliquera durant les trois années du contrat, sans possibilité de révision. "En figeant la prise en considération des permis de construire sur une période qui se termine en 2018, on invite les exécutifs locaux à geler tout développement urbain", dénonce l'association. Elle plaide donc pour que la collectivité "puisse, au travers d’un avenant, faire, le cas échéant, valoir les permis de construire nouveaux délivrés postérieurement à 2018".
Sur l'exclusion stricte des budgets annexes par le dispositif de contractualisation, les associations d'élus locaux expriment aussi leur insatisfaction. Autant France Urbaine que l'ADCF réclament un assouplissement des dispositions législatives sur ce point-là, par exemple via la circulaire en préparation. Une demande que Philippe Laurent, président de la commission finances de l'Association des maires de France (AMF) partage à titre personnel. L'absence de prise en compte des budgets annexes est "une erreur de méthode majeure", estime-t-il. Comme d'autres élus, le maire de Sceaux craint que nombre de collectivités ou EPCI créent des budgets annexes pour pouvoir échapper aux normes de dépenses imposées par la loi. Les "satellites", tels que les sociétés publiques locales, les offices publics de l'habitat ou les associations – autant d'organismes pour lesquels le financement par les collectivités peut être prépondérant – devraient eux aussi être inclus dans le périmètre de la contractualisation, fait valoir de son côté l'ADF. Pourquoi être plus rigoureux vis-à-vis des dépenses d'une collectivité qu'à l'égard de celles de ses satellites ? "C'est malsain, en particulier dans le cadre de la gestion des ressources humaines", pointe l'association. Selon elle, la circulaire devrait tenter d'apporter des avancées sur ce point-là.

"Ne pas se précipiter"

L'ADF juge surtout que toutes les dépenses "exogènes" dont les départements ne maîtrisent pas l'évolution devraient être exclues du champ des dépenses faisant l'objet d'un contrat. Elle range dans ce paquet aussi bien l'évolution du point d'indice de la fonction publique que les dépenses engagées par les départements pour l'accueil des mineurs non accompagnés et les allocations individuelles de solidarité (APA, PCH, RSA). Sur ces deux derniers dossiers, le gouvernement a lancé des travaux techniques dont les conclusions sont très attendues par les départements. Tant que la situation ne sera pas "plus claire", les départements ne seront pas en situation de signer, répète l'ADF. "Personne ne serait assez fou pour signer l'achat d'une maison chez son notaire sans savoir quel est l'état de la toiture et sans disposer du diagnostic concernant l'amiante", illustre un responsable de l'association. D'après ce dernier, le fait que les préfets fassent miroiter un bonus pour les signataires ne devrait rien y changer. "Dans ce dossier qui demande minutie et largeur de vues, il ne faut pas jouer à celui qui signe le premier". Un conseil que ne contredit pas Philippe Laurent.
L'AMF vient de créer un groupe de travail, rattaché à la commission des finances, sur la contractualisation, afin de "donner aux élus une 'boîte à outils' pour mieux négocier avec les préfets". Mais l'association "ne se veut pas moteur politiquement sur le dossier", déclare Philippe Laurent. "Nous ne partageons pas la démarche, mais si des maires veulent signer, c'est leur droit", explique-t-il.
De leur côté, les régions "ne feront pas d'opposition systématique", déclare-t-on à Régions de France. Au final, il est probable que la plupart des collectivités régionales signeront un contrat avec l'Etat. En effet, la perspective d'une limitation des dépenses à 1,2% ne devrait pas leur poser de difficultés extrêmes. D'après les budgets primitifs votés en décembre dernier et dont Régions de France a effectué la synthèse, la croissance en 2018 des dépenses de fonctionnement des régions ne devrait pas être supérieure à ce taux. Autre point positif, mis en avant par Régions de France : parce qu'il n'est "pas trop précis", le projet de circulaire laisserait aux préfets suffisamment de libertés, notamment pour prendre en compte les caractéristiques locales.
Selon les associations d'élus locaux, la publication de la circulaire à la fin de ce mois donnera le coup d'envoi des discussions entre les préfets et les élus des 322 collectivités territoriales concernées – régions, départements, ainsi que communes et EPCI à fiscalité propre dont les dépenses de fonctionnement du budget principal dépassent 60 millions d'euros. Un exercice qui durera quatre mois au plus.