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Finances publiques - Cour des comptes : un effort conséquent en 2013 mais insuffisant

La Cour des comptes a présenté ce mardi 17 avril son rapport sur les finances publiques. Malgré des efforts conséquents, les objectifs de réduction du déficit ne sont pas atteints et les perspectives pour 2015-2017 sont "fragiles". La Cour des comptes appelle l'Etat à clarifier ses intentions sur 30 des 50 milliards d'économies annoncées. Les collectivités sont attendues sur une meilleure maîtrise des dépenses de personnel et de leurs achats.

"Un effort d'ampleur a été engagé mais n'a conduit en 2013 qu'à une réduction limitée des déficits, très en-deçà des objectifs visés", a observé Didier Migaud ce mardi 17 juin en présentant le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Par conséquent, a-t-il ajouté, "la situation actuelle des finances publiques demeure préoccupante".

La dette désormais à 94% du PIB

Sur la tendance générale de ces dernières années, le premier président de la Cour des comptes salue les efforts ayant permis de "premiers résultats tangibles", en faisant passer le déficit public de 7,5% du PIB en 2009 à 4,3% en 2013. Toutefois, selon lui, "ces résultats sont réels mais décevants au regard de l'ampleur des mesures prises pour redresser les comptes publics, qu'il s'agisse de hausse des recettes ou de maîtrise des dépenses". En effet, précise la Cour des comptes, "l'évolution modérée des dépenses publiques n'a pas compensé la faiblesse des recettes, hors mesures nouvelles", liée à l'absence de croissance et à la faiblesse de l'inflation.
Pour Didier Migaud, ces résultats confirment une tendance alarmante : "Les déficits sont toujours importants et la dette continue d'augmenter." En progressant en 2013 de 84 milliards d'euros, la dette s'élève désormais à 1.925 milliards d'euros, soit 94% du PIB. Pour Didier Migaud, "la faiblesse des taux d'intérêt", accentuée en 2013, "contribue à nous rendre insensibles à ce poison lent qu'est la dette". Pour le président de la Cour des comptes, la situation n'est pas acceptable parce qu'elle "pose un problème d'équité entre les générations", l'essentiel de la dette ne servant qu'à financer les dépenses courantes.
En outre, il prend acte du fait que la France n'a pas respecté le cap des 3% de déficit en 2013 fixé fin 2012 vis-à-vis de ses partenaires européens. Et, "pour la première fois, le niveau de dette français se situe au-dessus des deux moyennes de l'Union européenne et de la zone euro", ajoute-il. A l'origine de ce décrochage : "le rythme de croissance des dépenses publiques en France" qui, "bien que ralenti", "a été encore sensiblement plus rapide que chez ses voisins en 2013".

2015-2017 : 30 milliards d'économies sur 50 à "documenter" davantage

Pour 2014, la Cour des comptes a alerté sur "des risques de dépassement de l'objectif de déficit", initialement fixé à 3,6% et révisé à 3,8% lors du programme de stabilité présenté en mai. Le rapport identifie notamment un risque de recettes fiscales moindres par rapport aux prévisions pourtant révisées en mai.
La Cour des comptes n'est pas plus optimiste pour les prochaines années, en parlant de "perspectives très fragiles pour 2015 à 2017". Dans le cadre du programme de stabilité 2015-2017, "un niveau élevé d'économies sur les dépenses devra être réalisé et tout particulièrement dès 2015", préconise Didier Migaud. Tout en se montrant inquiet du fait que la "réalisation [de ces économies] est très fragile, car l'effort devrait reposer en bonne partie sur des acteurs dont l'Etat ne maîtrise pas les dépenses".
Ainsi, parmi les 50 milliards d'euros d'économies prévues sur trois ans, la Cour des comptes estime qu'"une vingtaine de milliards d'euros correspond à des orientations déjà décidées, par exemple la poursuite du gel des traitements de base des fonctionnaires, ou constitue la prolongation d'efforts déjà réalisés, s'agissant par exemple des dépenses de santé". A l'inverse, "la réalisation des 30 milliards d'euros restants est encore incertaine car peu documentée".
Examinant ensuite la répartition de ces économies prévues par le programme de stabilité par type d'administration, la Cour des comptes estime que la réduction des dotations de l'Etat aux collectivités locales de 11 milliards d'euros d'ici 2017, soit 3,7 milliards d'euros par an, "sera difficilement compensée par l'évolution de la fiscalité". C'est notamment "l'évolution de la fiscalité indirecte, qui a baissé de 1 milliards d'euros en 2013 en raison de la conjoncture économique, [qui] pourrait réduire la progression globale des recettes fiscales" des collectivités.

Politique des achats pour le bloc intercommunal, transports pour les régions 

Pour la Cour des comptes, les collectivités vont être contraintes de se serrer la ceinture sur les dépenses de fonctionnement, alors que ces dernières "augmentent tendanciellement de près de 3% par an". Quant à leurs charges d'investissement, la Cour des comptes estime "assez peu probable que la baisse des dotations" se traduise par leur diminution, "comme le montre déjà l'exemple des départements, confrontés depuis 2009 à un effet de ciseaux entre leurs dépenses et les recettes".
Didier Migaud s'en est expliqué ce 17 juin : en prévoyant 11 milliards d'euros d'économies pour les collectivités, "le gouvernement anticipe (...) qu'un euro de dotations en moins entraînera aussitôt un euro de moindres dépenses. Or rien n'empêche des collectivités territoriales de relever la fiscalité locale ou de recourir à l'endettement pour accroître le niveau de leurs dépenses."
Si l'équation apparaît compliquée, la Cour des comptes détaille néanmoins les mesures structurelles qu'elle estime nécessaires pour réduire les dépenses de fonctionnement. Tout en précisant que le nouveau projet de réforme territoriale n'a pas été pris en compte dans son rapport. Le rapport recommande ainsi la mise en œuvre d'"une politique d'achats plus efficiente [les achats de biens et services s'élevant à 30 milliards d'euros en 2013] et mieux coordonnée entre communes et intercommunalités". Quant aux régions, elles peuvent réaliser des économies au niveau des transports régionaux de voyageurs (représentant 2,3 milliards d'euros), notamment via leur politique tarifaire.
Didier Migaud a toutefois souligné que "la demande d'un effort accru au secteur local devrait prendre en compte le fait que la situation des différents niveaux de collectivités est de plus en plus différenciée, les départements se situant en moyenne dans une situation plus contrainte que les communes" et "qu'au sein de chaque catégorie, les situations sont elles-mêmes hétérogènes, ce qui devrait appeler une modification des mécanismes de partage des recettes entre collectivités.
Autre objet en ligne de mire de la Cour des comptes : le système de santé, où des "gisements d'économies considérables" seraient possibles "sans compromettre la qualité et l'égalité d'accès aux soins". Le rapport cite en particulier le développement de la chirurgie ambulatoire et la diminution de la consommation de médicaments.

Dépenses de personnel : la stabilisation des effectifs ne suffit plus

Pour les trois fonctions publiques, la priorité est bien, pour la Cour des comptes, l'évolution de la masse salariale, celle-ci représentant 273 milliards d'euros en 2013, soit 23% des dépenses publiques. Considérant que "les mesures utilisées dans la période récente [stabilité globale des effectifs et gel du point d'indice notamment] risquent d'être insuffisantes", la Cour des comptes invite l'Etat à considérer d'autres leviers, tels que la rémunération et le temps de travail.
Tout en reconnaissant, là aussi, des efforts. La Cour des comptes estime que "l'Etat a fait beaucoup plus d'efforts que les collectivités locales et les hôpitaux pour maîtriser sa masse salariale". Avec une maîtrise accrue de ses dépenses de personnel, certes imputable aux transferts vers les collectivités, mais pas seulement. "Les effectifs de la fonction publique territoriale ont ainsi par exemple continué d'augmenter après l'achèvement des transferts de compétences, de 1,3% par an depuis 2009", fait remarquer le rapport. Avant d'estimer que "le pilotage des dépenses de personnel reste de plus embryonnaire dans les collectivités locales et les hôpitaux" et d'appeler à une approche plus globale de la gestion du personnel public.
Pour les collectivités, le rapport préconise un ralentissement des recrutements, ainsi qu'une révision des "règles de gestion relatives aux avancements, à la durée du travail et aux régimes indemnitaires". La Cour des comptes estime que "la stabilisation de la masse salariale constituerait une moindre dépense d'un montant supérieur à la baisse des dotations réalisée en 2014 et équivaudrait à 56% de celle prévue en 2015".
Enfin, la Cour des comptes propose d'instaurer "une loi de financement de la sécurité sociale dont le champ serait élargi à l'ensemble de la protection sociale obligatoire" ainsi qu'une "loi de finances des collectivités territoriales", demandée depuis longtemps par certains élus locaux.  Avec toujours l'espoir, pour la Cour des comptes, de parvenir à une programmation des finances publiques plus fidèle aux réalisations ultérieures.