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Finances locales - Cour des comptes : mille et une pistes pour réduire les dépenses publiques

Dans un rapport présenté ce 27 juin, la Cour des comptes appelle le gouvernement à ne pas relâcher ses efforts de réduction des dépenses publiques afin de parvenir à l'objectif de 3% de déficit. Une nouvelle fois, la Cour des comptes vise non seulement les dépenses de l'Etat, mais aussi celles des collectivités locales. Celles-ci ont à leur disposition de nombreux leviers pour réaliser des économies et optimiser le service public, sans forcément réduire l'investissement, estime la Cour. Qui appelle, en particulier, à la vigilance sur les dépenses de personnels. Alors que le gouvernement envisage une réforme fiscale en faveur des régions et négocie avec les départements sur le financement des allocations sociales, elle recommande de ne pas accorder de nouvelles recettes fiscales aux collectivités.

"Les années 2014 et 2015 doivent se traduire par une réduction significative de la dépense publique dans un effort impliquant, au-delà de l'Etat et des organismes de protection sociale, les collectivités territoriales et l'ensemble des organismes publics et parapublics", conclut la Cour des comptes au terme des 225 pages du rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques que son président, Didier Migaud, a rendu public ce 27 juin. Le gouvernement s'est engagé vis-à-vis de la Commission européenne à ce que les administrations publiques françaises - y compris le secteur local - réalisent au total des économies de 13 milliards d'euros en 2014, puis de 15 milliards d'euros en 2015, rappelle la Cour. Qui, au passage, regrette que, pour l'instant, les économies envisagées "restent à ce stade, largement à documenter pour l'Etat et hypothétiques pour les collectivités territoriales".

Les "mesures d'application rapide"

Pour atteindre l'objectif fixé par le gouvernement, les pouvoirs publics devront d'abord prendre des mesures "d'application rapide et effective". C'est inévitable, car la modernisation de l'action publique (MAP) ne générera des économies qu'à partir de 2015. Au-delà de la poursuite du gel du point d'indice des fonctionnaires "en 2014 et 2015", "mesure la plus aisée à mettre en oeuvre", la Cour propose donc de contenir, voire de "geler" les mesures d'avancement d'échelons ou de grades des agents publics de l'Etat sur quelques mois, voire une année. Etant entendu que ces mesures "ne peuvent être permanentes", une réduction des effectifs de la fonction publique, paraît s'imposer, selon la Cour. Elle devrait être accompagnée d'une hausse de la durée de travail des agents, afin de ne pas dégrader la qualité du service public. La Cour vise les trois fonctions publiques. S'agissant en particulier des collectivités, elle relève que dans de "nombreux cas", la durée légale du travail n'est pas respectée. Il s'agit d'une "situation préoccupante" qui doit "être corrigée", affirme-t-elle.

Les économies sur les dépenses d'intervention de l'Etat

Au-delà des mesures immédiates, la Cour recommande de réaliser des "économies structurelles" sur les dépenses d'intervention. Pour l'Etat, dont elles représentent un tiers du total des dépenses, "elles constituent un gisement d'économie encore peu exploité". Les voies de réformes sont pourtant nombreuses et prometteuses. Les "dispositifs concurrents" mis en place par l'Etat et ses opérateurs, ainsi que les collectivités seraient légion. La Cour cible ses critiques sur le secteur de la culture, où les cofinancements de l'Etat et des collectivités territoriales restent importants, mais aussi sur l'empilement des dispositifs dans le secteur des aides sociales. En outre, elle dénonce "l'inefficacité" de la prime pour l'aménagement du territoire (40 millions d'euros) et réitère son appel à supprimer une partie des aides au logement pour les étudiants.
Alors que des hauts fonctionnaires doivent remettre fin juin un rapport sur l'évolution de l'administration territoriale de l'Etat, la Cour recommande une "simplification de l'organisation des services déconcentrés". Elle rappelle qu'elle a préconisé en 2012 la suppression de certains arrondissements jugés peu pertinents.

La baisse des dotations aux collectivités 

Dans le domaine des relations financières entre l'Etat et les collectivités (qui représentent des transferts de 100 milliards d'euros annuellement), la Cour estime "urgente" la conclusion du "pacte de confiance et de solidarité" voulu par le président de la République. Rappelons que les élus locaux et le gouvernement devraient conclure ce pacte lors de la conférence des finances locales qui se tiendra le 16 juillet prochain. Par ailleurs, la Cour regrette que le haut conseil des territoires - instance dont la création est prévue par le troisième projet de loi de décentralisation, dont l'examen est prévu à partir du printemps 2014 - n'ait qu'un caractère consultatif. Ce lieu de dialogue "aurait pu contribuer notamment à la définition concertée des moyens de la participation des collectivités territoriales à la programmation pluriannuelle des finances publiques", souligne la Cour.
S'agissant de la baisse des dotations de 1,5 milliard d'euros en 2014 et d'autant en 2015, la Cour n'est pas non plus satisfaite. "Aucune des pistes" envisagées par le Comité des finances locales (sur ces pistes, lire notre article du 27 juin 2013) ne prend en compte "les marges de manoeuvre financières dont dispose ou ne dispose pas chacune des catégories de collectivités", souligne-t-elle. Par le passé, elle avait mis en avant la bonne santé du secteur communal par rapport aux régions et départements et préconisé un transfert de fiscalité des communes vers les départements.

Les pistes d'économies concernant le secteur local

La baisse des dotations ne doit conduire les collectivités ni à augmenter les impôts locaux ni à réduire leurs investissements, estime la Cour, qui prône un effort de réduction des dépenses locales de fonctionnement. La Cour suggère, par conséquent, toute une série de pistes d'économies pour le secteur local.
Les premières sont de la responsabilité des pouvoirs publics dans leur ensemble. Il s'agit de la lutte contre les excès normatifs, domaine dans lequel "une économie de l'ordre de 500 millions d'euros (…) ne paraît pas hors de portée", calcule la Cour. Autre piste : la mutualisation. Sur ce sujet, elle applaudit la décision récente du législateur de mettre en place une incitation fiscale pour encourager la mutualisation des services entre les communes et les intercommunalités. Mais, elle estime qu'il faut aller plus loin. Elle recommande, donc, la création d'un "objectif chiffré de mutualisation des moyens au niveau de chaque ensemble intercommunal" ("sous forme d'un pourcentage plafond d'évolution de la dépense de fonctionnement agrégée"). Une partie des dotations de l'Etat serait conditionnée au respect de ces objectifs.
S'agissant de la carte de l'intercommunalité, elle préconise une plus grande "rationalisation". Pour les juges de la rue Cambon, il faudrait donner au préfet, au-delà du 30 juin 2013, les moyens juridiques de "corriger les périmètres qui ne sont pas satisfaisants et de prononcer la dissolution des syndicats dont les compétences sont, ou peuvent être, exercées par des intercommunalités".

Les leviers d'action des collectivités

"Afin de compenser en tout ou partie la baisse des dotations de l'Etat", la Cour estime aussi que les collectivités disposent elles-mêmes de leviers importants, dans les domaines des dépenses de personnels (qui ont crû de 3,3% en 2012), ou de la gestion du patrimoine. Autre piste : les aides aux entreprises. Dans ce secteur caractérisé par la multiplicité des acteurs locaux, une meilleure coordination serait possible. Ainsi qu'une "remise en cause des dépenses les moins utiles" : la Cour conseille une baisse des dépenses de 10% (soit environ 500 millions d'euros).
Pour optimiser la gestion des services publics locaux, la Cour préconise "la définition obligatoire, par l'assemblée délibérante, d'objectifs chiffrés et hiérarchisés". Elle prône, en outre, la mise en place d'indicateurs de performance pour les services publics les plus significatifs au plan national, dont les données, une fois réunies au niveau national, permettraient des comparaisons.
La Cour devrait détailler davantage ses pistes d'économies pour le secteur local dans un rapport spécifique qu'elle rendra public en octobre prochain.

Thomas Beurey / Projets publics

Le déficit public pourrait déraper au-delà de 3,7% en 2013
Le déficit public de la France pourrait déraper au-delà des 3,7% du produit intérieur brut (PIB) prévus dans le programme de stabilité européen, estime la Cour des comptes dans le rapport. Si la croissance française était plus basse que les +0,1% sur lesquels table le gouvernement pour 2013, comme l'affirment la plupart des observateurs, "le déficit public effectif pourrait se situer entre 3,8 et 4,1% du PIB", affirme-t-elle. Auditionné par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le président de la Cour, Didier Migaud, a néanmoins jugé un collectif budgétaire inutile.
Au-delà des économies sur les dépenses publiques que le gouvernement a inscrites dans ses engagements auprès de Bruxelles (13 milliards d'euros en 2014, puis 15 milliards en 2015), la Cour des comptes juge nécessaire une hausse de 12 milliards d'euros supplémentaires des prélèvements obligatoires en 2014. En avril, le gouvernement prévoyait déjà ce montant.
Le déficit du secteur public local ne représente que 3% de l'ensemble des déficits publics. Mais il a doublé en 2012, pour atteindre 3,1 milliards d'euros, en raison d'une hausse des dépenses des collectivités locales supérieure à leurs recettes.
En 2013, le besoin de financement des collectivités locales pourrait s'accroître (0,3% au lieu de 0,2 % prévus) et, de ce fait, contribuer à une légère aggravation du déficit public de la France. A la fin de l'année, les dépenses des collectivités locales pourraient, en effet, être supérieures d'un milliard aux prévisions, tandis que leurs recettes pourraient être moindres (jusqu'à 0,9 milliard en moins que prévu). T.B. / Projets publics

 

 

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