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Finances publiques locales - Les propositions chocs de la Cour des comptes

Dans un rapport consacré spécifiquement aux finances publiques locales, la Cour des comptes dénonce la hausse continue des dépenses du secteur public local, notamment de ses dépenses de personnels. Elle l'appelle à plus de rigueur dans la gestion de ses agents et à accélérer les mutualisations. En matière de finances locales, elle considère que les communes et l'intercommunalité ont mieux tiré leur épingle de la réforme de la fiscalité locale menée en 2010. Pour les magistrats, certains des impôts dont celles-ci bénéficient devraient par conséquent être transférés aux départements. Les maires et présidents de communautés sont vent debout !

Le quotidien Les Echos avait un peu levé le voile, le 19 septembre, dans un article qui avait fait grand bruit. C'est finalement ce 14 octobre que Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a rendu public le rapport de son institution sur les finances publiques locales. Une somme de 472 pages qui reprend notamment les résultats des contrôles les plus récents effectués par les chambres régionales des comptes. L'exercice était inédit jusqu'à présent. La Cour veut le renouveler chaque année, car elle veut placer sous haute surveillance les dépenses des collectivités territoriales, qui représentent environ 20% des dépenses publiques.
Leurs dépenses de fonctionnement, surtout, sont dans le viseur des magistrats. Depuis 1983, elles ont augmenté chaque année en moyenne de 3,1% en plus de l'inflation. En 2012, elles ont encore dérapé, puisqu'elles se sont accrues de 1,1% en volume, contre 0,7% anticipé. Or, rappelle la Cour, le gouvernement a fixé dans le programme de stabilité, un objectif de progression des dépenses de fonctionnement des collectivités limité à 0,5% en volume sur la période 2015-2017. Le respect de cet objectif nécessite donc de la part des collectivités des efforts importants de maîtrise de leurs dépenses. La mission est "possible", affirme la Cour, qui se veut rassurante : "D'importantes marges de manoeuvre existent […] à qualité de service public équivalente."

Appliquer la durée réglementaire du travail

La rémunération des quelque 1,9 million d'agents territoriaux est un des premiers postes sur lesquels les collectivités peuvent espérer parvenir à des économies, selon les magistrats. Et pour cause : il représente, en 2012, environ 35% des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et son poids grimpe à plus de 50% dans celles des communes. Or, les collectivités font parfois des choix coûteux. C'est le cas lorsqu'elles accordent des avancements d'échelon systématiquement à l'ancienneté minimale, ou lorsqu'elles ouvrent les promotions à l'ensemble des agents susceptibles d'être promus. Dans certaines collectivités, les régimes indemnitaires instaurés sont non seulement "onéreux", mais parfois aussi "irréguliers", constate, par ailleurs, la Cour. Qui adresse également un carton rouge aux collectivités où le temps annuel de travail des agents est inférieur à la durée réglementaire. "Une remise en ordre s'impose en ce domaine", écrit-elle. "Une meilleure prévention et un meilleur suivi des absences pour raison de santé pourraient également offrir des marges d'économies", estime également l'institution de la rue Cambon.
Celle-ci préconise, une fois encore, d'accélérer la mutualisation des personnels, en particulier entre les communes et leurs groupements. La Cour développera, dans son prochain rapport, ce sujet qu'elle considère comme "essentiel". En attendant, elle invite l'Etat à créer une incitation financière à la mutualisation des services entre communes et groupements. Ce qui revient à cautionner le "coefficient intercommunal de mutualisation" créé par le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale. Un outil qui doit conditionner une partie de la dotation d'intercommunalité aux efforts réalisés par les intercommunalités pour mutualiser les personnels.
La Cour avance d'autres pistes d'économies, parmi lesquelles l'amélioration de la gestion du patrimoine immobilier détenu par les collectivités, la rationalisation des interventions économiques des différents niveaux de collectivités, la professionnalisation des achats courants, ou encore la réduction de postes de dépenses tels que la publicité et les relations publiques.

Finances locales : les choix du gouvernement critiqués

De telles pistes pourraient ainsi permettre de respecter les objectifs de maîtrise de la dépense locale fixés par le programme de stabilité remis aux instances européennes. Et qui, selon la Cour, sont à préciser dans un "pacte de gouvernance des finances locales".
La Cour s'alarme encore de l'hétérogénéité des situations financières entre les différentes catégories de collectivités territoriales et entre les collectivités au sein d'une même catégorie. Elle l'avait déjà constaté dans de précédents rapports. Cette fois-ci, elle enfonce le clou : le secteur communal lui semble plus avantagé fiscalement. Il bénéficie donc de marges de manœuvre financières plus grandes.
Pour la Cour, ce constat devait amener le gouvernement à moduler les effets de la baisse de 1,5 milliard d'euros des dotations, en 2014, selon les catégories de collectivités (en prenant en compte leur "capacité contributive"). On sait que le gouvernement a retenu, en fait, pour 2014 le scénario établi par le Comité des finances locales, soit une baisse répartie en fonction des ressources réelles de fonctionnement de chaque catégorie. Et qu'il a, en parallèle, affecté de nouvelles ressources au profit des départements. Quant aux régions, il leur a attribué des ressources dynamiques en remplacement de dotations. La Cour critique ces choix. Elle conseille au gouvernement de suivre ses recommandations pour la répartition en 2015 de la nouvelle baisse de 1,5 milliard d'euros des dotations. De plus, elle recommande de répartir cette baisse à l'intérieur de chaque catégorie de collectivités suivant une logique de "péréquation" (en fonction des ressources et des charges).
Pénalisés par la réforme de la fiscalité locale qui a raboté leur autonomie financière et les a rendus plus dépendants des dotations, les départements et les régions auront encore besoin, en l'état, de nouveaux coups de pouce. Pour Didier Migaud, le gouvernement ne devra pas employer de nouveau les solutions mises en place cette année. Elles sont "inefficaces en termes de redressement des finances publiques" et elles réduisent "l'incitation à la maîtrise globale des dépenses", a-t-il souligné en présentant le rapport. Il faut, selon lui, privilégier un "réexamen d'ensemble de l'allocation des ressources fiscales" entre les collectivités territoriales, en prenant en compte les compétences exercées. Ainsi, le secteur communal abandonnerait une part de taxe sur le foncier bâti au profit des départements, en échange d'une partie des droits de mutation à titre onéreux. En même temps, il faudrait, selon la Cour, accroître la redistribution des ressources entre les collectivités favorisées et celles qui le sont moins. Donc augmenter les moyens alloués à des dispositifs comme le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (570 millions d'euros dans le projet de finances pour 2014).

"Une vision purement comptable"

Parmi les autres thèmes abordés par la Cour des comptes, figure celui de la qualité et de la fiabilité de l'information financière locale. Bien des progrès restent à accomplir dans ce domaine, constate-t-elle. Elle recommande d'adopter une présentation plus claire des informations financières, que la production d'un compte financier unique faciliterait. Par ailleurs, dans le but d'améliorer la qualité des comptes des grandes collectivités, elle préconise une nouvelle fois de lancer une expérimentation de la certification de leurs comptes.
Dans un communiqué commun, l'Association des maires de France (AMF) ainsi que les associations représentant les grandes villes (AMGVF) et les communautés urbaines (Acuf) ont dénoncé "une analyse réductrice de la gestion des collectivités et une vision purement comptable des finances publiques locales". Elles "s'opposent fermement à la présomption de mauvaise gestion locale qui transparaît dans les propos de la Cour". Et indiquent que les ressources des communes et des groupements font l'objet d'un "'effet de ciseaux' sans précédent". De son côté, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a dit partager "nombre d'analyses du rapport". Elle a ajouté toutefois ne pas approuver les solutions préconisées par la Cour, que ce soit concernant la répartition de la baisse des dotations, ou sur les transferts de fiscalité entre bloc communal et départements. Enfin, la Fédération des maires de villes moyennes (FVM) a déclaré "partager certaines observations". Elle a appelé le président de la République à "convoquer des états généraux pour remettre à plat les finances et la fiscalité locales".

 

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