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Covid-19 : une ordonnance apporte des clarifications en tir groupé

Présentée la veille en conseil des ministres, une nouvelle ordonnance portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été publiée ce 23 avril. Un titre sur mesure pour un texte "fourre-tout" qui renferme d’importants éclairages, dont nombre concernent de près les collectivités locales. C’est le cas de certaines particularités du dispositif d’activité partielle (assistants maternels, employeurs publics…), des facilités économiques accordées au bénéfice des délégataires de service public tels que les crèches ou encore de la prolongation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire (allocation de soutien familial, titre de séjour…). En matière de construction, plusieurs adaptations complètent les ordonnances du 25 mars et du 15 avril 2020 afin de faciliter la reprise des chantiers.

FORMALITES ADMINISTRATIVES

Dématérialisation des formalités auprès des centres de formalités des entreprises - article 2
A compter du 12 mars et pendant la période d’urgence sanitaire, les entrepreneurs devront adresser leurs déclarations de création, de modification et de cessation d’activité auprès des centres de formalités des entreprises (CFE) "par voie électronique". Plusieurs téléservices permettent la dématérialisation des procédures -guichet-entreprises.fr, infogreffe.fr, lautoentrepreneur.fr…- auprès des CFE, qui pourront néanmoins, pour ceux disposant des moyens de traiter des dossiers papier, admettre la voie postale. 

Consultation écrite des coopératives agricoles - article 3
Cet assouplissement, qui prend assise sur l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020, permet aux membres des assemblées des coopératives agricoles un mode de consultation alternatif "par voie écrite", pour la prise de décision, sans qu'une clause des statuts ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer.

Recherches sur le covid-19 - article 17
L’objectif est de permettre "un examen très rapide des projets de recherches ne comportant aucun risque ni contrainte", relève le rapport de présentation. En pratique, les comités de protection des personnes donneront toujours un avis éthique sur ces projets, mais les dossiers seront "allégés" et comprendront un questionnaire d'auto-évaluation, une attestation sur l'honneur que la recherche est conforme à la réglementation et la déclaration de conformité à la méthodologie homologuée de référence de la CNIL. 


ACTIVITE PARTIELLE

Régime des cotisations sociales - article 5
Le texte limite - par dérogation à l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 - l’exonération de cotisations et de contributions sociales en cas de versement d’une indemnité complémentaire pour les périodes d’activité "à compter du 1er mai". Y seront finalement assujetties "les sommes résultant du cumul de l'indemnité d'activité partielle avec des indemnités complémentaires versées par l'employeur lorsque ces sommes excèdent 70% de 4,5 fois la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance". 

Employeurs publics non adhérents au régime d’assurance chômage - article 6
L’ordonnance clarifie les conditions dans lesquelles l'activité partielle est applicable à certains employeurs publics employant des salariés de droit privé, c’est-à-dire les entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’Etat ;  les établissements publics à caractère industriel et commercial ; les sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire ; les groupements d'intérêt public ; les sociétés publiques locales ;  La Poste. Sachant que sont concernés par le remboursement de la part d'allocation d'activité partielle financée par l'assurance chômage "les seuls employeurs en auto-assurance n'ayant pas adhéré au régime d'assurance chômage".  

Heures supplémentaires - article 7 
Il sera tenu compte des heures supplémentaires (c’est-à-dire au-delà de la durée légale ou collective du travail) pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées, dès lors qu'elles sont prévues par convention individuelle ou un accord collectif conclu avant la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance. 

Dispositif de chômage partiel individualisé - articles 8 et 9
Autre assouplissement introduit : le placement en activité partielle de salariés de façon individualisée, sous réserve d’un accord d’entreprise ou d’un avis favorable du comité social et économique (CSE). Concrètement, l’individualisation permettra le recours au dispositif d’activité partielle pour une partie seulement des salariés de l'entreprise, d'un établissement, d'un service ou d'un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, ou selon une répartition différente des heures travaillées et non travaillées. Un décret adaptera le cas échéant les délais conventionnels dans lesquels la consultation du CSE intervient. 


SUSPENSION ET REPORT DES DELAIS

Autorisations d’urbanisme - article 23
Pour les acteurs du secteur du BTP et de l’immobilier auxquels il s’agit de donner de la visibilité, ce nouveau texte intervient dans la continuité des précédentes ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020 et n°2020-427 du 15 avril 2020, dont il apparaît complémentaire. Tout d’abord, il insiste sur la faculté de prévoir par décret la reprise du cours des délais d'instruction des demandes d'autorisation et de certificats d’urbanisme pour les motifs énoncés à l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 (protection des intérêts fondamentaux de la Nation, sécurité, protection de la santé, de la salubrité publique, préservation de l’environnement et protection de l'enfance et de la jeunesse). Un décret n° 2020-453 est d’ores et déjà intervenu en ce sens pour rendre effectif ce dégel concernant certaines opérations d’aménagement et d’équipement bien précises. 
Autre clarification, la suppression du délai "tampon" d’1 mois supplémentaire après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour que les délais reprennent leurs cours s’applique également aux autorisations de travaux et autorisations d'ouverture et d'occupation sanctionnant les règles de sécurité incendie et d'accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des immeubles de grande hauteur (IGH), ainsi qu’aux autorisations de division d’immeubles. "L'objectif est de relancer aussi rapidement que possible, une fois passée la période de crise sanitaire, de nombreux travaux dans les ERP et IGH réalisés par les artisans et PME du bâtiment, notamment les réaménagements de commerces qui devront faire des travaux d'adaptation au Covid-19 à la sortie du confinement", précise le ministère du Logement. 

Avances sur la fiscalité locale - article 22
Le texte permet aux syndicats "fiscalisés" de percevoir des avances de fiscalité directe locale (sur la base des produits de fiscalité 2019) de la DGFIP, avant le vote de leur budget 2020 et avant l'expiration du délai de 40 jours ouvert à leurs communes membres pour s’y opposer. Pour bien comprendre, il convient là encore de revenir à une présente ordonnance prise en application de la loi d’urgence sanitaire. L’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 reporte en effet "au 3 juillet 2020 la date avant laquelle les collectivités locales et organismes compétents doivent faire connaître aux services fiscaux les décisions relatives aux taux ou produits des impositions directes perçues à leur profit en 2020", rappelle le rapport de présentation. Un report qui repousse mécaniquement "au mois de septembre le versement des premières avances de fiscalité aux syndicats de communes qui auraient fait le choix d'une fiscalisation de la contribution de leurs membres (afin de tenir compte du délai de 40 jours)", explique-t-il. Il s’agit néanmoins de sécuriser le dispositif des avances de fiscalité avant le vote des budgets 2020, "en prévoyant expressément le reversement des avances de fiscalité consenties dans l'hypothèse où les syndicats décideraient, a posteriori, lors du vote de leur budget 2020, de ne plus percevoir de contributions fiscalisées ou que les avances versées excéderaient le montant dû après prise en compte du produit voté", précise le rapport. 

Enlèvement des cadavres d’animaux - article 15
Le délai d'enlèvement des cadavres d'animaux est porté à trois jours francs (au lieu de deux) après réception de la déclaration du propriétaire ou du détenteur, pour permettre aux sociétés d'équarrissage "d'optimiser l'affectation du personnel disponible et des moyens de transport nécessaires à la réalisation de cette mission sanitaire". 

Report de VIE - article 21
L’ordonnance reporte d’un an (soit au 23 mai 2021) la mesure -prévue par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019- relative à la convergence du régime indemnitaire du volontariat international à l’étranger réalisé en entreprise (VIE) avec celui réalisé en administration (VIA). "Dans le contexte de la crise sanitaire liée à la propagation du covid-19, et alors que les entreprises recourant à des VIE, et l'agence Business France qui assure la gestion de ce dispositif, sont confrontées au retour de VIE dans leur pays d'origine et au report sine die de nombreuses missions qui allaient débuter à partir du mois d'avril 2020, il apparait nécessaire de ne pas fragiliser ce dispositif ou d'imposer une charge supplémentaire aux entreprises",  justifie le rapport. 

Election des conseillers Français de l’étranger  - article 25
Le texte  réduit de 10 à 5 jours les délais de dépôts des candidatures pour l'élection des conseillers Français de l'étranger et délégués consulaires de juin 2020, la plupart des listes des candidats ayant déjà fait l'objet d'une finalisation et d'un enregistrement en mars 2020. 

DELEGATION DE SERVICE PUBLIC, DOMAINE PUBLIC, COMMANDE PUBLIQUE

Suspension de l’exécution d’une concession - article 20
Précision importante, les mesures - prévues par l’ordonnance n° 2020-319 - destinées à soutenir financièrement les concédants conduits à fermer leurs portes s'appliquent "non seulement en cas de décision expresse de suspension prise par l'autorité concédante mais également lorsque l'arrêt de l'activité est la conséquence nécessaire d'une mesure de fermeture d'établissement prise par l'autorité de police administrative". 

Suspension des redevances d’occupation du domaine public - article 20
Les entreprises dont l'activité commerciale est fortement dégradée du fait de l'épidémie de covid-19 pourront par ailleurs suspendre le versement des redevances d'occupation domaniale pour une durée ne pouvant pas excéder la fin de l'état d'urgence sanitaire, augmentée d'une durée de deux mois. Il en est ainsi par exemple des entreprises de publicité extérieure "qui ne parviennent plus à commercialiser leurs espaces du fait des annulations en masse des campagnes publicitaires",  illustre le rapport. Une disposition tournée vers les contrats de la commande publique, "comme les contrats de mobilier urbain, qui ne peuvent bénéficier des autres dispositions de l'ordonnance [n°2020-319] en l'absence de suspension de leur exécution". Pourront également y prétendre "les pures conventions domaniales, qui sont des contrats publics par détermination de la loi (art. L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques) mais ne peuvent bénéficier ni des dispositions applicables aux marchés ou aux concessions ni de la théorie de l'imprévision qui, en l'état de la jurisprudence administrative, n'est susceptible d'être invoquée que dans le cadre de la prise en charge de missions de service public, de la gestion d'un service public ou de l'exécution de mesures prises dans un but d'intérêt général". 

Abattement sur la taxe locale sur la publicité extérieure - article 16
L’argument tourné vers les annonceurs est identique ici. Le niveau de cet abattement, fixé par une délibération de l'organe délibérant adoptée avant le 1er octobre 2020, "entre 10 % et 100 % applicable au montant de cette taxe due par chaque redevable au titre de l'année 2020", devra être identique pour tous les redevables d'une même commune, d'un même établissement public de coopération intercommunale ou de la métropole de Lyon. 

Dispense de passage en CAO - article 20
Les collectivités locales et leurs établissements seront dispensés pendant la période d’urgence sanitaire de saisir les commission d'appel d’offres et les commissions de délégation de service public pour les projets d’avenants entraînant "une augmentation du montant global supérieure à 5%". 

SOCIAL

Adaptation de l'indemnisation chômage des assistantes maternelles et des employés à domicile - article 4
L'ordonnance adapte le dispositif de chômage partiel au cas particulier de ces deux professions, dont les conventions collectives prévoient une durée de travail plus longue que les 35 heures des autres salariés, afin de coïncider notamment avec la durée de la garde des enfants (45 heures pour les assistantes maternelles et 40 heures pour les salariés du particulier employeur). Elle dispose donc que les heures non travaillées au titre de l'activité partielle font l'objet du versement d'une indemnité dans la limite de la durée fixée par leurs conventions respectives. Le même article donne également compétence aux caisses de MSA pour procéder au remboursement des indemnités versées par des particuliers employeurs relevant du régime agricole aux salariés employés à domicile (jardiniers, gardes, employés de maison travaillant sur l'exploitation…), qui bénéficient également à titre temporaire et exceptionnel du dispositif d'activité partielle.

Prolongation de plusieurs droits sociaux - article 10
Cet article complète les dispositions déjà prises par ailleurs sur la continuité des minima sociaux et de diverses prestations sociales (notamment celles versées par les CAF). L'ordonnance proroge ainsi, à la demande du parent concerné, le versement de l'allocation de soutien familial (ASF) au-delà du délai réglementaire de quatre mois. Cette prorogation vaut lorsque le parent concerné n'est pas en mesure d'obtenir ou de transmettre les justificatifs d'engagement de la procédure en fixation de pension alimentaire (qui conditionne normalement la prolongation de l'ASF). Une simple attestation sur l'honneur suffira à faire jouer la prorogation et la situation sera réexaminée après la fin de l'état d'urgence sanitaire.
De la même façon, l'ordonnance prolonge le droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) au-delà des 20 ans de l'enfant. Normalement, les parents ou l'intéressé doivent demander le bénéfice de l'AAH six mois avant la date du 20e anniversaire. Mais, dans le contexte de l'urgence sanitaire, le risque existe que la CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, qui siège au sein de la MDPH) ne puisse pas se prononcer dans les délais.
De même, le droit à l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) – pour s'occuper d'un enfant gravement malade ou handicapé – est prolongé de trois mois si le traitement de l'enfant le justifie, et cela même en l'absence du certificat médical attestant la nécessité de cette prolongation.

Prolongation des délais d'instruction des demandes d'AT/MP - articles 11 à 13
L'ordonnance prolonge de nombreux délais prévus par le Code de la sécurité sociale pour examiner certaines situations, prendre des décisions ou répondre à des demandes (prolongations de délais et non pas de droits). Cette prolongation est le plus souvent prévue – comme dans d'autres dispositions déjà adoptées – jusqu'à la fin du mois suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire. Mais d'autres dispositions prolongent des délais en jours, notamment pour certaines déclarations (comme celles des accidents du travail). Sans être exhaustif, les prolongations ainsi introduites par l'ordonnance concernent de nombreux aspects des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), ainsi que les délais de demandes d'expertises. Les directeurs de caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) peuvent également, en fonction des circonstances, donner compétence à une commission médicale de recours amiable autre que celle compétente à la date de notification de la décision contestée.

Sécurisation des fermetures de certains établissements d'accueil du jeune enfant - article 20
Cet article prévoit, entre autres, le cas de certains délégataires de services publics contraints de fermer leurs portes en raison du confinement et des mesures de restriction de circulation. C'est le cas notamment de certaines structures d'accueil du jeune enfant (Eaje). Pour sécuriser leur situation, l'article 20 complète l'ordonnance du 25 mars 2020, en précisant que les mesures destinées à les soutenir financièrement (et notamment les aides des CAF) s'appliquent non seulement en cas de décision expresse de suspension prise par l'autorité concédante, mais également lorsque l'arrêt de l'activité est la conséquence nécessaire d'une mesure de fermeture d'établissement prise par l'autorité de police administrative.

Prolongation de certains délais pour les démarches des étrangers (article 24)
Cet article revoit également des dispositions qui avaient été prévues en la matière par l'ordonnance du 25 mars 2020 (qui instaurait une prolongation de trois mois). Elle prolonge ainsi de 180 jours (six mois) la durée de validité de plusieurs documents de séjour, "qu'ils aient été délivrés sur le fondement du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'un accord bilatéral", et arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020, Il s'agit en l'occurrence des titres suivants : visas de long séjour, titres de séjour (à l'exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger), autorisations provisoires de séjour et récépissés de demandes de titres de séjour.
Par ailleurs, le même article prolonge de 90 jours (trois mois) la durée de validité des attestations de demande d'asile arrivées à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020. Cette différence de traitement dans la longueur du délai accordé s'explique par le fait que la réouverture des guichets uniques de demande d'asile devrait être pleinement effective dès le mois de mai.

 
Références : ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19 et rapport de présentation, JO du 23 avril 2020, textes n° 14 et 15.