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Cumuler RSA et emploi saisonnier : ces départements qui ouvrent la voie

Alors qu'on compte plus d'un million de travailleurs saisonniers en France selon des données inédites du ministère du Travail, les départements sont de plus en plus nombreux à leur proposer de cumuler leurs revenus avec le RSA. Une disposition qui permet à la fois de réinsérer des personnes dans l'emploi, en augmentant leur revenu, et de répondre aux besoins de recrutement des entreprises des filières concernées, principalement agricoles et touristiques.

Charente-Maritime, Rhône, Gironde, Dordogne, Marne… ils sont au moins une quinzaine de départements à autoriser les allocataires du RSA à compléter leurs revenus avec des contrats saisonniers. Un "RSA saisonnier" qui permet aux bénéficiaires de continuer à percevoir l'allocation tout en percevant un salaire mais sur une courte durée. En attendant la mise en oeuvre du revenu universel d'activité (RUA) voulu par Emmanuel Macron, la démarche consiste à déroger à la loi, car pour le moment, les éventuels revenus des bénéficiaires du RSA doivent être soustraits à l'allocation perçue… Un enjeu important au regard de ce que représente le travail saisonnier en France : un peu plus d'un million de personnes ont eu au moins un contrat saisonnier entre avril 2018 et mars 2019, selon une étude inédite de la Dares (ministère du Travail) publiée le 4 décembre (voir encadré ci-dessous). Et 45% d'entre elles n'avaient aucune autre source de revenus. Près de la moitié travaillent dans les secteurs de la restauration, de l'hébergement et des loisirs et plus d'un quart travaillent dans l'agriculture. Dans ce secteur, les saisonniers représentent un tiers de l'emploi, en particulier dans la récolte de fruits, notamment lors des vendanges. C'est là aussi que le recours au cumul est le plus fréquent.

Redonner goût au travail

En Charente-Maritime - département de Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF) -, les bénéficiaires peuvent ainsi travailler jusqu'à 300 heures par an, soit presque deux mois, en contrats fractionnés sur l'année s'ils le souhaitent. Le dispositif a été mis en place fin 2018 pour la première fois dans ce département. "200 personnes, pour 283 contrats, en ont bénéficié pour 208 heures par personne en moyenne", détaille Dominique Rabelle, vice-présidente en charge de l'action sociale, du logement et de l'insertion au conseil départemental de Charente-Maritime. Un nombre qui peut paraître faible par rapport aux 15.000 bénéficiaires du RSA de ce territoire, mais "c'est important, car cela permet de redonner goût au travail à ces personnes et cela favorise la socialisation, sans que les allocataires du RSA soient pénalisés", explique la vice-présidente. Et le dispositif monte en puissance : de 8.000 heures effectuées en 2018 (sur la fin d'année, soit du 1er octobre au 31 décembre) à 32.000 heures déjà pour 2019. 
Le dispositif permet aussi de répondre aux besoins de recrutement des entreprises des filières, notamment ostréicoles et viticoles. Le département a décidé de maintenir le dispositif, même si celui-ci lui demande un budget d'environ 100.000 euros pour 200 personnes. Budget qui correspond aux frais de gestion du dossier (500 euros par personne) effectué par la CAF. "Il s'agit d'une gestion manuelle car ce sont à chaque fois des cas particuliers, mais s'il y avait une généralisation, ce serait moins coûteux", assure Dominique Rabelle, qui estime que le coût est de toute façon largement inférieur au budget nécessaire pour remettre une personne en emploi…

Près de la moitié des saisonniers dans le tourisme

Certains départements se sont lancés depuis plusieurs années. Dans la Marne, le dispositif date de dix ans, avec quelque 340 allocataires qui en bénéficient sur 18.000 allocataires du RSA ; le Rhône en revendique aussi l'usage depuis plus de dix ans, notamment pour favoriser les activités saisonnières de vendanges et de cueillettes au cours de l'année. Une centaine de bénéficiaires sont dans ce cas tous les ans. Auparavant reconduite chaque année, cette mesure est depuis 2017 appliquée de manière automatique sur décision du conseil départemental. En Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin), le cumul est autorisé depuis 2018. Et cette année, de nouveaux départements, comme la Gironde, la Dordogne et le Loir-et-Cher, ont décidé de se lancer, étendant parfois, comme dans le département du Loir-et-Cher, ce RSA saisonnier à d'autres secteurs en tension que l'agriculture, comme le tourisme et l'hôtellerie qui, comme l'indique la Dares représentent plus de la moitié des saisonniers.

Toutefois, la généralisation de la démarche ne semble pas encore d'actualité. Et l'ADF s'en tient pour le moment à une phase d'observation. Elle se dit toutefois "très favorable à ce type de dispositif, que Dominique Bussereau, président de l'ADF a mis en oeuvre dans son département de Charente-Maritime, comme à toute démarche qui permet un retour à l'emploi". "Mais nous n'avons pas de chiffres qui nous permettent de quantifier les résultats", nous indique-t-on à l'ADF.

45% des saisonniers n'ont pas d'autres activités durant l'année

Entre avril 2018 et mars 2019, un peu plus d'un million de personnes (1.050.000 exactement) ayant eu au moins un contrat saisonnier en France, hors Mayotte. C'est le résultat d'une étude inédite de la Dares (ministère du Travail) publiée le 4 décembre 2019 qui, pour la première fois permet d'avoir une photographique précise. Ces personnes travaillent en moyenne environ six mois, toutes activités salariées confondues dans le secteur privé. Dans 55% des cas, elles cumulent toutefois leur activité saisonnière avec une activité non saisonnière, ce qui leur permet d'augmenter leur temps de travail, et donc leur revenu. Mais 45% des saisonniers n'exercent que des activités saisonnières.
Et sur cet aspect, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. "À caractéristiques données (sexe, tranche d'âge, catégorie socioprofessionnelle), la probabilité d'un travailleur saisonnier d'être exclusivement saisonnier plutôt que d'avoir une autre activité salariée est 1,4 fois plus élevée pour un saisonnier agricole que pour un saisonnier exerçant dans les activités liées au tourisme", détaille ainsi l'étude. La probabilité est plus forte également pour un saisonnier de 50 ans et plus (près de deux fois plus élevée) et pour un ouvrier non qualifié par rapport à un employé (1,4 fois plus élevée).
Les profils de ces saisonniers sont différents selon leur secteur d'activité : dans l'agriculture, les travailleurs saisonniers sont très souvent des ouvriers non qualifiés (90%), ceux travaillant dans le tourisme ayant des profils plus diversifiés (53% d'employés, 14% d'ouvriers non qualifiés).
Côté répartition géographique, ce sont les régions côtières et particulièrement la Côte d'Azur qui sont les plus concernées, ainsi que les régions montagneuses (les Alpes) et viticoles. Les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur concentrent à elles seules plus de 50% du volume de travail saisonnier annuel de la filière agricole.