Commande publique - Délai de stand still : attention à ne pas se tromper dans le choix de la procédure de passation du marché !
Dans les faits, la communauté de communes du canton de Varilhes avait lancé un avis d'appel public à la concurrence en vue de la passation d'un marché à bons de commande portant sur la fourniture, la pose, la mise à jour et la maintenance des dispositifs de signalisation des parcs d'activités Delta Sud. La notification du rejet de l'offre de la société Sud-Ouest signalisation lui est parvenue le 4 août 2014, et trois jours plus tard, elle a également été informée par la communauté que celle-ci ne signerait le marché avec l'entreprise retenue qu'après le 21 août 2014. En effet, bien que le marché ait été passé en procédure adaptée, la communauté s'était imposé un délai de 15 jours entre la notification du rejet des offres aux candidats et la conclusion du contrat. La société évincée s'estimant lésée avait donc décidé d'introduire un référé précontractuel le 20 août 2014 et ce, sans savoir que la personne publique avait en réalité signé le marché le 19 août 2014, soit avant l'expiration du délai fixé. C'est pourquoi, la société requérante a aussitôt introduit un référé contractuel devant le juge des référés, lequel a alors annulé le contrat au motif que la communauté n'avait pas respecté le délai qu'elle s'était elle-même imposé. Cette dernière décide de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat en vue de l'annulation de l'ordonnance du juge des référés.
Dans cette affaire, les Hauts magistrats ont dû répondre à plusieurs questions, à savoir : la passation du marché en procédure adaptée permettait-elle au pouvoir adjudicateur de ne pas respecter le délai qu'elle s'était elle-même fixé ? Dans cette hypothèse, le référé contractuel de la société requérante était-il recevable ?
Un marché à bons de commande sans maximum se passe en procédure formalisée
Avant même de pouvoir se pencher sur ces questions juridiques, le Conseil d'Etat a redéfini le cadre juridique applicable au marché de services et de fournitures en cause, c'est-à-dire celui de la procédure formalisée ou celui de la procédure adaptée. Pour rappel, la détermination de la procédure de passation et les modalités de publicité et de mise en concurrence dépendent de la valeur estimée du marché et des seuils correspondants. Le marché litigieux était un marché à bons de commande reconductible trois fois par périodes d'un an pour une durée maximale de quatre ans, pour lequel la communauté n'avait fixé aucun maximum et dont elle estimait la valeur inférieure au seuil de procédure formalisée (soit 207.000 euros HT). Pourtant, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, selon les dispositions de l'article 27 du code des marchés publics (CMP), la valeur estimée des marchés à bons de commande ne comportant pas de maximum "est réputée excéder les seuils de procédure formalisée définis à l'article 26" et ne peuvent donc pas être passés selon une procédure adaptée. Ainsi, le juge des référés qui avait annulé le marché litigieux "en se fondant sur ce que le pouvoir adjudicateur n'avait pas respecté le délai qu'il s'était imposé à lui-même, […] sans rechercher si le contrat avait été passé selon une procédure formalisée ou selon une procédure adaptée", a commis une erreur de droit. L'ordonnance du juge des référés doit être annulée.
Le strict respect du délai de "stand still"
Le marché en question était soumis aux dispositions de l'article 80 du CMP selon lequel "le pouvoir adjudicateur doit notifier aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue le rejet de leur offre en précisant le nom de l'attributaire et respecter un délai d'au moins seize jours entre la date de la notification et la date de la conclusion du marché". Or, le 19 août 2014, soit avant l'expiration de ce délai, la communauté de communes a conclu le contrat avec la société titulaire et a ainsi manqué à ses obligations contractuelles. De plus, le fait que la personne publique n'ait pas davantage respecté le délai de 15 jours qu'elle avait elle-même fixé alors qu'elle pensait pouvoir passer le marché selon une procédure adaptée, ne peut qu'être regardé comme un argument défavorable à sa défense. En effet, lorsqu'un pouvoir adjudicateur décide de passer un marché en procédure adaptée et choisit de s'imposer certaines conditions plus strictes propres aux procédures formalisées, il se soumet inévitablement à l'ensemble des obligations relatives à ce type de procédure.
Le non respect de ce délai présuppose la recevabilité du référé contractuel
Alors que la société requérante avait déjà introduit un référé précontractuel le 20 août 2014, elle a immédiatement formé un référé contractuel après avoir appris que le marché avait été signé le 19 août. Selon les dispositions de l'article L. 551-14 du code de justice administrative, le référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension de la signature du marché entre la date de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle et s'est conformé à la décision juridictionnelle sur ce recours. Toutefois, les magistrats de la rue Cambon précisent que ces dispositions "n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel" suite à un manquement du pouvoir adjudicateur s'agissant notamment du respect du délai de "stand still". Dans ces circonstances, cette interprétation présuppose la recevabilité du référé contractuel. Cependant, le Conseil d'Etat rappelle également que "seules les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements et obligations de publicité et de mise en concurrence". Tel était le cas concernant la société requérante étant donné que la communauté a modifié, en cours de procédure, "la méthode de notation qu'elle avait communiquée aux candidats sans les informer de ce changement" et avait donc "méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence d'une manière affectant les chances de la société requérante d'obtenir le marché". La recevabilité du référé contractuel est avérée, l'annulation du marché litigieux est confirmée par le Conseil d'Etat.
Référence : CE, 17 décembre 2014, n° 385033