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Personnes âgées - Dépendance : et maintenant ?

Parmi les "marronniers" de l'édition estivale de Localtis, la réforme de la dépendance et la création éventuelle d'un cinquième risque occupent incontestablement une place de choix, sinon la première. Petit florilège - pour les lecteurs distraits - des titres des dernières éditions d'été (et de Noël) : "Mise en place du cinquième risque : et si c'était vrai ?" (août 2010), "Cinquième risque : quand et comment ?" (août 2009), "Une année décisive pour le cinquième risque" (décembre 2008), "2008 : l'année de tous les chantiers sociaux" (décembre 2007), "Dépendance, Alzheimer et 5e branche : un chantier et beaucoup de questions" (août 2007).

Annonces et reports

Avec une belle constance, toutes les dates successives évoquées dans cette floraison d'articles à propos de la mise en oeuvre de la réforme de la dépendance ont été impitoyablement démenties par les faits. La faute n'en incombe pas aux rédacteurs de Localtis qui manqueraient d'attention ou se laisseraient entraîner par un optimisme déplacé, mais au calendrier "glissant" de la réforme. Alors que la mise en place du plan Alzheimer et de ses mesures ou celle du revenu de solidarité active (RSA) s'en sont tenues au planning initial, la réforme de la dépendance a connu une succession rarement vue d'annonces et de reports.
A plusieurs reprises, l'annonce de la réforme a en effet été reportée. Un exemple ? En juillet 2007, lors d'un déplacement à Dax quelques semaines après son élection, le chef de l'Etat fixe l'objectif que "cette cinquième branche soit créée au tout début de l'année 2008" (voir notre article ci-contre du 31 juillet 2007). Mais en décembre 2007, Valérie Létard - alors secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité - déclare dans une interview au Monde que le projet de loi sur la dépendance devrait être présenté "à la fin du premier semestre" 2008 (voir notre article ci-contre du 17 décembre 2007). Et ainsi de suite jusqu'au dernier report en date, même s'il n'est que de quelques semaines : annoncée pour la mi-juillet 2011, la présentation de la réforme de la dépendance par Nicolas Sarkozy devrait finalement intervenir "dès la rentrée de septembre" (voir notre article ci-contre du 13 juillet 2011).
Trois raisons au moins expliquent ces reports successifs. Tout d'abord, les enjeux financiers de la dépendance son sensiblement supérieurs à ceux du RSA ou du plan Alzheimer - du moins pour la réforme de grande ampleur qui était envisagée en 2007. Ensuite, la réforme de la dépendance soulève des questions politiques délicates, ce qui n'était pas le cas de ces deux autres dossiers qui ont fait l'objet d'un très large consensus : introduction ou non d'une dose d'assurance, instauration ou non d'une récupération sur succession, hypothèses de financements qui ne suscitent pas forcément l'adhésion de l'opinion (accroissement de la CSG des retraités, création d'une deuxième journée de solidarité...). Enfin, ces reports ont été mis à profit pour lancer le débat national sur la dépendance, qui a occupé tout le premier semestre 2011, mais a permis de clarifier les enjeux et les pistes de réforme.

Une réforme "modeste" ?

La prudence qui s'impose sur le calendrier vaut plus encore sur le contenu de la réforme. Nul ne peut dire aujourd'hui quelles en seront les principales composantes. On peut néanmoins tenter de tirer un bilan du débat national sur la dépendance et lister les principales pistes qui semblent se dégager (voir notre article ci-contre du 21 juin 2011). Le débat et les déclarations de Roselyne Bachelot-Narquin ont en effet permis de lever certaines hypothèques.
Ainsi, il semble acquis que la prise en charge de la dépendance comportera une forte dominante de solidarité, même si l'introduction d'une dose d'assurance est probable. De même, certaines orientations font consensus - du moins sur le principe - et pourraient donc se retrouver dans les mesures annoncées par le chef de l'Etat : amélioration des processus d'évaluation, développement de la prévention de la perte d'autonomie avec mobilisation des caisses de retraite (qui s'y préparent déjà), renforcement du soutien aux aidants naturels, amélioration de la coordination avec, pour prolongement, la généralisation des "maisons de l'autonomie" rapprochant les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les centres locaux d'information et de coordination (CLIC)… De même, on peut prévoir sans grand risque que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) constituera le pivot du dispositif, sans aller cependant jusqu'à la création d'un véritable cinquième risque, comme cela avait été un temps envisagé.
S'ajoute en effet à ces pistes probables un autre élément de taille : depuis 2007, la crise est passée par là. La réforme de la dépendance version 2011 ne devrait donc avoir qu'un rapport assez lointain avec ce qui pouvait être envisagé lors de la première annonce présidentielle au début du quinquennat. Le gouvernement se garde bien, désormais, d'évoquer la perspective d'un cinquième risque ou d'une cinquième branche (de la sécurité sociale). La réforme de la dépendance devrait donc être une réforme "modeste", du moins au regard des ambitions initiales.

De nombreux sujets en suspens

Si les quelques points évoqués ci-dessus semblent faire consensus, d'autres sujets semblent en revanche beaucoup plus incertains. C'est notamment le cas du sort des GIR 4, que certains suggéraient de sortir du champ de l'allocation personnalisée d'autonomie. Compte tenu de son impact social - et politique - une telle mesure paraît cependant assez peu probable. Il en va de même pour la récupération sur succession, même si un mécanisme plus subtil sur une base "volontaire" - à l'image de celui proposé par le Sénat - n'est pas à exclure. De même, dans l'hypothèse de la mise en place d'un complément assurantiel, la perspective d'une incitation fiscale s'est progressivement éloignée - trop peu orthodoxe en période de rigueur budgétaire - au profit de la possibilité de conversion sans pénalité des contrats d'assurance vie.
Il existe également des incertitudes sur les dates et les modalités de la réforme : texte spécifique ou rattachement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (PLFSS) ? Un seul texte ou plusieurs textes ? Toute la réforme avant la présidentielle de 2012 ou une partie renvoyée à l'après-présidentielle ?... Mais la véritable interrogation porte toutefois, bien entendu, sur le financement de la réforme. Sur ce point, il existe une seule certitude : l'ampleur financière de cette dernière - du moins en termes de financements publics - devrait être relativement limitée, loin de ce qui avait été envisagé au départ. Difficile en effet de dégager un financement public important alors que la réduction des déficits est devenue une priorité nationale et que le gouvernement exclut un accroissement significatif de la fiscalité.
Pour autant, de nombreuses pistes restent ouvertes et il serait hasardeux de faire des pronostics. Trois hypothèses de financement semblent tenir la corde : une taxation des mutations à titre gratuit, un alignement du taux plein de la CSG sur les pensions de retraite (6,6% actuellement) sur celui des actifs (7,5%) et l'instauration d'une seconde journée nationale de solidarité. Cette dernière hypothèse, qui semblait peu crédible au départ, a repris de la consistance avec les récents propos de Roselyne Bachelot-Narquin et de Marie-Anne Montchamp, qui ont déclaré trouver cette solution intéressante. Il reste que son coût politique la rend assez peu vraisemblable. Réponse - en principe - en septembre, avec l'annonce du chef de l'Etat.

 

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