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Commande publique - DSP : hiérarchiser ou non les critères ?

Le Conseil d'Etat, dans une décision du 6 mai 2015, est venu rappeler le régime de sélection des offres dans le cadre d'une délégation de service public (DSP). Il a également réformé l'ordonnance du juge des référés, la sanction qui avait été prise étant jugée plus sévère que nécessaire.

Le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (Siturv) avait engagé une procédure en vue de conclure une convention de DSP pour le transport urbain du valenciennois. Le contrat a été attribué à la société RATP Développement. Le Siturv avait dévoilé aux candidats les neuf critères de sélection des offres retenus dans un ordre d'appréciation décroissant. Mais il avait finalement attribué la même valeur à l'ensemble de ces critères. S'estimant lésée par ce manquement, la société Keolis, candidate évincée, avait demandé et obtenu l'annulation de la procédure auprès du juge des référés du tribunal administratif de Lille. Suite à cette décision, le Siturv a saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation.

Pas d'obligation de hiérarchiser, sauf si on se l'impose ...

Si la loi Sapin de 1993 est muette sur le sujet, le juge administratif a, au nom du principe de transparence des procédures d'accès à la commande publique, exigé que les candidats à une DSP soient informés des critères permettant leur sélection (CAA Lyon, 14 mai 2009, n° 07LY02163). Toutefois, si le Conseil d'Etat a confirmé cette obligation d'information, il a en revanche estimé que le délégant n'était pas tenu de communiquer aux candidats les modalités de mise en œuvre de critères de sélection des offres (CE, 23 décembre 2009, n° 328827).
En l'espèce, c'est le Siturv qui, de son propre chef, avait décidé de communiquer aux candidats la hiérarchie établie entre les critères de sélection. Dans ce cas, la collectivité est liée par les obligations qu'elle s'est elle-même imposée.
Les sages du Palais Royal ont donc estimé que le comportement du Siturv, en attribuant finalement la même valeur aux neuf critères de sélection des offres, était constitutif d'un "manquement susceptible d'avoir lésé la société Keolis". Le fait de ne pas avoir évalué les offres selon la hiérarchisation des critères qu'il avait annoncé constitue une rupture du principe d'égalité. Le Conseil d'Etat confirme donc le raisonnement du juge des référés sur ce point.

Une réévaluation de la sanction du juge des référés

Cependant, la haute juridiction administrative a désapprouvé l'annulation de l'entière procédure de passation de la DSP en référé. En effet, puisque le "manquement relevé [...] se rapportait à la seule phase de choix entre les offres finales", le juge de l'urgence n'aurait pas dû annuler les étapes antérieures de la procédure litigieuse. Cette erreur de droit a été sanctionnée par l'annulation des articles de l'ordonnance contestée relatifs à l'annulation totale de la procédure.
Jugeant au fond, le Conseil d'Etat a également rejeté les conclusions de la société évincée tendant à l'annulation de l'ensemble de la procédure puisqu'elle n'invoquait "aucun manquement antérieur à la phase de choix entre les offres finales".

Les apports de la directive Concession

Actuellement en cours de transposition, la directive Concession, en son article 41, consacre l'obligation pour le délégant de pondérer ou de hiérarchiser les critères de sélection des offres. Il faut toutefois nuancer cette nouvelle obligation qui ne concernera que les DSP dont le montant excédera les seuils européens. En deçà de ces seuils, la loi Sapin continuera à s'appliquer, le délégant restant donc libre de communiquer ou non l'ordre hiérarchique d'examen des critères de sélection des offres. En outre, ces critères pourront désormais "inclure, entre autres, des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l'innovation". Dans un souci d'harmonisation et d'accroissement de la transparence dans les procédures de passation des contrats de la commande publique, le juge administratif alignera peut-être sa jurisprudence sur le nouveau régime issu de la directive "concession".

L'Apasp

Référence : CE, 6 mai 2015, n°387544

 

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