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Ehpad hors les murs : des perspectives prometteuses, mais des obstacles à lever

La notion d'"Ehpad hors les murs" est parfois évoquée dans le domaine de la perte d'autonomie mais reste pour l'heure encore floue, quelque part entre Ehpad et maintien à domicile classique. La  Banque des Territoires publie une étude sur le sujet, intitulée "Maintien à domicile : vers des plateformes numériques de services".

La notion d'"Ehpad hors les murs" commence à s'installer dans le débat sur la prévention de la perte d'autonomie et pourrait bien se concrétiser dans le futur – et très attendu – projet de loi Grand Âge et autonomie. Elle figure notamment dans le rapport de Dominique Libault "Grand âge, le temps d'agir", en conclusion de la concertation sur les contours du projet de loi (voir notre article ci-dessous du 28 mars 2019). Celui-ci fait également état d'expérimentations de "création d'Ehpad hors les murs ou de plateformes de services à partir des Ssiad et des Saad [services de soins infirmiers à domicile / services d'aide à domicile, ndlr] du territoire, visant à proposer un panel de services à domicile proche de celui proposé en Ehpad, incluant une veille constante à distance". Agnès Buzyn a également évoqué cette approche à plusieurs reprises comme une piste d'évolution possible.

Vous avez dit "Ehpad hors les murs" ?

Prolongeant sa contribution à la mission Libault, la Banque des Territoires publie une étude sur le sujet, intitulée "Maintien à domicile : vers des plateformes numériques de services". Dans sa préface, Laure de la Bretèche, directrice déléguée Retraites et solidarité et également coordinatrice Grand Âge pour la Caisse des Dépôts, explique que cette dernière "s'est organisée, dans le cadre de son rapprochement avec La Poste, pleinement intégrée désormais au groupe Caisse des Dépôts, pour faire du chantier du bien-vieillir une de ses priorités stratégiques, dans une approche combinant soutien à l'investissement, proposition de nouveaux services et actions de proximité".

Après un rappel du contexte et des enjeux sur la transition démographique et sur l'évolution du numérique, l'étude – réalisée par le cabinet Alogia pour le compte de la Banque des Territoires – procède à un début de cadrage de la notion, pour l'instant assez floue, d'Ehpad hors les murs. Ce flou est d'autant plus grand que le terme regroupe en réalité deux notions très différentes : une approche centrée sur des Ehpad conçus pour fonctionner de façon moins "autarcique" (on retrouve là un débat similaire à celui sur "l'hospitalocentrisme") et une autre fondée sur le développement de plateformes de services (dont les Ehpad seraient parties prenantes) favorisant le maintien à domicile. L'étude passe également en revue les différents acteurs institutionnels. On y retrouve sans surprise les ARS (agences régionales de santé), les départements, les communes et les EPCI, la région, les caisses de retraite et de prévoyance (à travers la conférence des financeurs)…

Treize initiatives passées au crible

L'étude recense et analyse ensuite treize initiatives locales en cours "répondant aux critères de définition d'une offre de services renforcés en faveur du maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie". Malgré la grande diversité de ces actions, il s'en dégage trois constantes : une nette prédominance des Ehpad parmi les porteurs d'actions recensés (ce qui justifie l'expression d'Ehpad hors les murs), une "montée en puissance progressive des départements dans l'impulsion sur leurs territoires de projets innovants" et, enfin, une faible visibilité du secteur du domicile (Saad, Spasad, et Ssiad) dans les démarches innovantes de type bouquets de services ou plateformes de services, sauf lorsque ces acteurs sont adossés à un Ehpad.

Les fiches descriptives de chacune de ces initiatives permettent de connaître les porteurs du projet, le territoire couvert, le public cible, le contenu de l'offre de services et de l'offre numérique, les partenaires prestataires et le financement. Là aussi, il s'en dégage un certain nombre de constantes, comme l'adaptation de l'offre à la diversité des publics (notamment selon le GIR de rattachement), la prise en compte systématique des aidants naturels, la distinction entre offre courante et offre complémentaire...

Comme le titre de l'étude le laisse entendre, un chapitre est consacré au rôle du numérique dans les dispositifs de renforcement du maintien à domicile. Celui-ci se manifeste dans quatre domaines principaux : un accès simplifié à l'information pour les usagers, un accompagnement à distance du parcours de soin et de vie, le suivi et la gestion des situations à risque et d'urgence et, enfin, un partage de l'information et une coordination entre services et professionnels. L'étude propose notamment d'intéressants "schémas des flux d'information numérique" pour les opérateurs de service et les départements.

Innovation versus complexité

Un autre chapitre met en évidence l'un des obstacles actuels au développement de ces approches : celui de la grande diversité des financeurs, ainsi que des modèles économiques, juridiques et d'organisation, encore compliqués par la coexistence de financements ordinaires et de financements extralégaux. Un "tableau des offres de services et de leurs financement" montre ainsi le degré extrême de complexité et d'enchevêtrement du système français. Par ailleurs, et même si des économies sont possibles à terme en évitant ou en retardant les entrées en établissements, les initiatives présentées se heurtent aussi à un certain nombre de surcoûts en termes de coordination, d'ingénierie, d'investissement ou de formation et d'accompagnement.

Enfin, l'étude s'attarde sur la question de la coordination et sur la dichotomie entre modèle intégré et modèle externalisé coordonné. À cette occasion, elle met en évidence et s'efforce de mieux cadrer une nouvelle fonction aux contours encore un peu flous, mais qui devrait être amenée à jour un rôle important : celle de "Care Manager". Au final, l'étude constitue une synthèse très pédagogique et opérationnelle d'une évolution qui devrait être au cœur des politiques de prévention de la perte d'autonomie et de prise en charge de la dépendance dans les prochaines années et décennies.

 

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