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"Encore trop de nos concitoyens respirent un air de mauvaise qualité", estime Jean-Luc Fugit

Auditionné à l'Assemblée, le président du Conseil national de l'air – et député – Jean-Luc Fugit a plaidé pour un portage des politiques publiques de qualité de l'air "mieux identifié, plus fort et transversal". Préconisant l'instauration d'un "diagnostic de performance de la qualité de l'air intérieur", il invite les collectivités locales à faire de la ventilation des salles de classe "une priorité" et à aider leurs concitoyens à changer de véhicules.

"Auditionné par sa propre commission"– celle du développement durable – ce 16 juin en sa qualité de président du Conseil national de l'air (CNA) - fonction qu'il occupe depuis 2018 -, le député Jean-Luc Fugit (LREM, Rhône) a revêtu une troisième casquette, pour lui toute aussi familière : celle d'enseignant-chercheur. Ce docteur-ingénieur en chimie s'est en effet employé à donner à ses collègues une leçon de chimie/biologie, distinguant ici le CO2 – "qui n'a pas d'effet sanitaire direct" – des polluants de l'air, là les polluants primaires des secondaires, ou précisant par ailleurs leur action sur la surface alvéolaire de nos poumons, égale "à la moitié d'un terrain de tennis".

Bons points et bonnets d'âne

Comme tout professeur qui se respecte, Jean-Luc Fugit s'est également plu à distribuer bons points et bonnets d'âne. Ce "fils de paysan" a ainsi salué à plusieurs reprises l'implication "depuis 2010" du monde agricole dans la lutte contre la pollution de l'air, à laquelle certes elle contribue (ammoniac, mais aussi particules PM10, PM2,5…), mais "dont elle est aussi victime", notamment via la baisse des rendements agricoles. L'élu a d'ailleurs multiplié les références à ce milieu, déplorant que les Français n'aient pas la même préoccupation pour la qualité de l'air qu'ils respirent que pour ce qu'ils mangent ou invitant à donner plus de poids au Conseil national de l'air "en s'inspirant du Conseil national de l'alimentation".
A l'inverse, Jean-Luc Fugit se déclare "surpris du peu de travail [du CNA] ces dernières années".

Politiques publiques trop cloisonnées

De manière générale, si l'élu estime que "nous ne sommes pas les plus mal lotis en France" en matière de qualité de l'air, il déplore "qu'encore trop de nos concitoyens respirent aujourd'hui un air de mauvaise qualité". Il dénonce "un portage politique un peu dilué" – qui "mériterait d'être plus clairement identifié, d'être plus fort et mieux partagé" – et des "politiques publiques trop cloisonnées" alors "qu'on ne peut pas aborder ce sujet autrement que par la transversalité", singulièrement liant environnement et santé, mais aussi agriculture, logement, économie, éducation, aménagement du territoire... Jean-Luc Fugit s'est en revanche fait moins disert sur les modalités concrètes de la marche à suivre, même s'il "pense savoir comment il faut faire". Au terme de cette audition maison, on n'en saura pas plus.
De même n'a-t-il pas voulu "dire tout ce [qu'il] pense" du décret de 2015 sur la qualité de l'air, même si l'on a compris que ce n'était guère louangeur. "On pourrait largement le muscler", finit-il par lâcher, maîtrisant l'art de la litote. Le président du Conseil national de l'air a toutefois fait part des quatre axes stratégiques qu'il conviendrait selon lui de développer en matière de qualité de l'air : réduction des émissions ; réduction des expositions ; sensibilisation, information, formation, "à commencer par les médecins", l'enjeu étant de "rendre visible l'invisible" ; améliorer la connaissance.
Peu de précisions ont également été apportées sur la teneur des travaux actuellement conduits par le CNA. Tout juste a-t-on appris que le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques – sa version 2022-2026 – est en cours de révision ou encore que la feuille de route pour la réduction de la pollution liée au chauffage au bois pourrait être présentée le 7 juillet, lors du prochain CNA, "ou en septembre".

Chauffage au bois et diagnostic de performance de la qualité de l'air intérieur

On sait que ce sujet du chauffage au bois – comme le brûlage des déchets verts – est un cheval de bataille du député, qui a déposé plusieurs amendements en la matière dans le projet de loi Climat et Résilience (visant notamment l’installation de nouveaux foyers ouverts). Pour Jean-Luc Fugit, "il ne s'agit pas de l'interdire, mais d'interdire ce qui ne fonctionne pas bien : une chaufferie collective contrôlée peut être très bien et sera de toute façon préférable, si elle alimente un réseau de chaleur, à 2.000 logements individuels chauffés au bois", indique-t-il. En revanche, le chauffage au bois individuel, voilà l'ennemi !, le député soulignant qu'"en région parisienne, plus de 40% des particules" en sont issues.
Autre sujet d'inquiétude, qui n'est parfois pas sans lien, la qualité de l'air intérieur. Une préoccupation qui n'est apparue "que tardivement alors que nous passons 80 à 90% de notre temps" en milieu clos, "hors confinement". Le président du CNA relève que le sujet prend d'autant plus d'importance que déferle la vague de rénovation des bâtiments qui, en renforçant leur isolation, accroît les risques à défaut de ventilation idoine. Aussi plaide-t-il pour l'instauration d'un diagnostic de performance de la qualité de l'air intérieur, sur le modèle du diagnostic de performance énergétique (des dispositions proches ont été introduites par l'Assemblée dans le projet de loi Climat).

Faire de la ventilation des salles de classe une priorité pour les maires

En matière de ventilation, l'élu s'alarme par ailleurs du fait "qu'il existe encore, en 2021, des salles de classe sans ventilation mécanique contrôlée". Et d'avertir : "si j'étais à la place des maires, j'en ferais vraiment une priorité". Jean-Luc Fugit précise toutefois que l'existence d'une ventilation est nécessaire, mais insuffisante et invite les élus à "systématiser les campagnes de mesure", appelant par ailleurs à faire évoluer la réglementation et sa mise en œuvre. Il préconise encore aux élus locaux de "jouer aussi sur le mobilier, sur les solvants utilisés, notamment lors des ateliers collage" ou encore de "bien analyser le lieu d'implantation d'une école", notamment à l'égard – et l'écart – du trafic routier.

ZFE-m : des aides et des radars

Un trafic routier qui a, sans surprise, concentré l'attention, avec le durcissement de la réglementation relative aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) prévu par le projet de loi Climat et Résilience. L'élu déplore le recul du texte opéré en commission par le Sénat et espère que ce dernier "va se ressaisir en séance". Insistant sur "l'urgence sanitaire, aussi importante que l'urgence climatique", Jean-Luc Fugit rappelle que ces zones visent à la fois "à réduire les émissions de CO2 et de polluants". "Le E de ZFE n'est pas celui d'exclusion. On le fait pour améliorer la santé de tout le monde", défend-il. L'élu concède néanmoins "qu'il faut travailler sur les aides", tout en mettant en avant celles déjà disponibles. "Les collectivités ont la possibilité d'aider les changements de véhicule", souligne le député, rappelant que "l'État verse une surprime lorsque les collectivités mettent en place une aide" lors du déploiement d'une ZFE. Jean-Luc Fugit reconnaît "qu'on pourrait aller plus loin avec le prêt à taux 0", mesure d'ailleurs introduite en commission par le Sénat et que le gouvernement entend voir supprimée, parce que "source de complexité". Mais l'élu ne manie pas que la carotte. Il indique avoir ainsi récemment interpellé le ministère pour demander des outils de contrôle automatique dans les ZFE-m. Gageons que ces outils devraient également être abordés dans les conclusions de la mission flash conduite sur les ZFE-m par les députés Valérie Beauvais et Camille Galliard-Minier, dont les conclusions doivent être présentées le 29 juin prochain.