Enseignement supérieur : le Cese plaide pour un service public à reconstruire
Dans un avis adopté le 9 juillet 2025, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dresse un état des lieux préoccupant du système français d'enseignement supérieur et appelle à une refondation ambitieuse. Financement, missions, gouvernance, équité territoriale, régulation du privé : l'assemblée consultative avance 18 préconisations structurées pour faire du service public de l'enseignement supérieur un levier de justice sociale, de transition écologique et de cohésion nationale.

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Alors que le gouvernement va présenter un "projet de loi sur la modernisation et la régulation de l'enseignement supérieur", le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s'est saisi de ce sujet dans un avis adopté le 9 juillet et ne mâche pas ses mots : l'enseignement supérieur traverse une grave crise. "Injonction à tout faire, partout, pour tous" et ce, "sans hiérarchisation claire des missions" et avec une "absence de stratégie nationale depuis 2015". L'avis pointe une accumulation de missions : formation initiale et continue, recherche, insertion professionnelle, coopération internationale, ancrage territorial etc. que les établissements peinent à assurer "dans des conditions budgétaires clairement insuffisantes".
La situation financière du secteur est jugée "alarmante". Le financement public reste bien en deçà de celui des pays comparables, et la subvention de charge de service public (SCSP), principale ressource des universités, est distribuée selon des critères jugés opaques. Le Cese préconise un effort de financement majeur : porter les crédits alloués à 2% du PIB hors recherche, via un plan pluriannuel de 10 ans augmentant de 1 milliard d'euros par an les moyens du service public.
Inquiétude quant à l'opacité du marché privé
Autre constat majeur : la part du privé dans l'enseignement supérieur n'a cessé de croître. En 2024, plus de 26% des étudiants sont inscrits dans un établissement privé, dont une part importante dans des structures à but lucratif. Le Cese s'inquiète de l'opacité de ce marché, du développement de formations non reconnues, et de pratiques commerciales jugées "abusives ou trompeuses" (lire aussi notre article du 11 mars 2025).
Il appelle à renforcer les contrôles de la DGCCRF, à conditionner les financements publics à des critères de qualité, et à mieux encadrer l'installation de ces établissements sur les territoires. Le Conseil veut également clarifier le statut des établissements privés d'intérêt général (EESPIG), en assortissant leur soutien public d'"obligations renforcées" en matière d'accessibilité, de démocratie interne ou de plafonnement des frais.
Remettre à plat les contrats passés entre l'État et les établissements
Le Cese appelle à sortir d'une logique de pilotage fragmenté. Il propose de relancer un débat démocratique sur les missions de l'enseignement supérieur et de remettre à plat les contrats passés entre l'État et les établissements. L'objectif : articuler stratégie nationale, besoins locaux, aspirations étudiantes et exigences de transition.
Un "plan pluriannuel d'investissement dans les ressources humaines" est également proposé, avec création de postes titulaires, titularisation des contractuels et alignement des moyens par étudiant sur ceux des classes préparatoires. Ce plan vise à remédier aux fortes disparités d'encadrement entre établissements et filières.
Appel à la rénovation du parc immobilier universitaire à hauteur de 15 milliards d'euros sur 20 ans
Enfin, le Cese appelle à un plan de rénovation du parc immobilier universitaire de 15 milliards d'euros sur 20 ans, à la création de nouvelles antennes ou universités de proximité, et à un meilleur maillage du territoire. La mobilité étudiante et l'adaptation aux réalités locales doivent être au cœur des politiques d'aménagement.
Il en va de même pour les conditions de vie étudiante : l'avis propose une réforme globale du système de bourses, fondée sur des montants alignés sur le seuil de pauvreté et une meilleure prise en compte de la situation réelle des étudiants. L'objectif affiché est la reconnaissance d'un droit à des conditions de vie et d'étude décentes, préfigurant un véritable statut social de l'étudiant.
Face aux défis écologiques, démocratiques et sociaux, l'avis affirme que l'investissement dans l'enseignement supérieur "n'est pas une dépense, mais une condition de l'avenir". Un appel à reconstruire un pacte national autour du service public, et à replacer la jeunesse au cœur des priorités politiques.