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Environnement - Entre compensation et restauration écologiques, des collectivités au milieu du gué

Le 16e Carrefour des gestions locales de l'eau, grand rendez-vous des gestionnaires et collectivités, vient de se terminer à Rennes. Focus sur des travaux dévoilés à cette occasion par le conseil général du Finistère et son réseau expérimental de réhabilitation des zones humides.

Entamant sa troisième année de travail, un réseau expérimental prévu pour durer jusqu'en 2016 explore le vaste champ de la réhabilitation des zones humides. Présenté lors du 16e Carrefour des gestions locales de l'eau qui s'est tenu les 28 et 29 janvier à Rennes,  il est né à l'initiative d'une cellule d'animation, la Cama, créée par le conseil général du Finistère avec l'appui de l'agence de l'eau locale. Le but est concret : valider des protocoles présentés dans un guide technique, quantifier les gains apportés par la réhabilitation et restituer les résultats sur un site dédié. La Cama a associé l'université de Bretagne occidentale, l'Inra, la chambre d'agriculture, le conservatoire botanique de Brest, des associations environnementales.

Intégrer la compensation

Ensemble, ils réfléchissent entre autres aux effets de la démarche ERC (éviter, réduire, compenser) sur ces zones fragiles. Cette doctrine nationale, longtemps restée en sommeil jusqu'à ce qu'une mise en conformité avec le cadre européen ne la réactive, et que les lois Grenelle puis la réforme de l'étude d'impact la consolident juridiquement, les élus et acteurs locaux commencent à bien se l'approprier : les départements notamment l'incorporent dans leur politique de gestion des espaces naturels sensibles. Mise depuis trois ans à l'épreuve du terrain, elle impose aux maîtres d'ouvrages privés ou publics - par exemple la direction des routes d'un conseil général - de considérer très en amont les impacts sur la biodiversité de leur futur aménagement. Même les projets de ZAC et petits lotissements sont concernés.

Interpeller les décideurs

Lancinante question qui hante les débats sur le sujet, et que ce réseau finistérien inévitablement se pose : peut-on véritablement réhabiliter les fonctions écologiques détruites ? "Les références manquent. Notre réseau est inédit au niveau national. Il faut bien s'engager mais, pour l'instant, nous défrichons le terrain et n'avons ni conclusion, ni recette miracle. Il nous faut engranger des connaissances pour interpeller les décideurs, car les textes sur la compensation peuvent être parfois incohérents", estime Armelle Huruguen, vice-présidente du conseil général du Finistère.
Aux mesures compensatoires pensées "au préalable" (ex-ante) d'un projet, surveillées de près par les services de l'Etat, s'ajoutent un nouveau champ à explorer, celui des réparations, de la compensation "après les faits" (ex-post). De gros maîtres d'œuvre comme Cosea, filiale du groupe Vinci chargée de construire plus au sud la LGV Tours-Bordeaux, se disent prêts à prêter main forte, a priori pas seulement pour se donner bonne conscience.

Engranger de l'expérience

Mais quelles opérations mener ? A partir de quel état initial ? Ces questions sont au cœur de l'action du réseau breton. Via un appel à projets, il a identifié sur son département sept maîtres d'ouvrage et six sites à suivre. Quelles opérations y mener ? Des drainages, de la reconversion d'un labour en prairie, des suppressions de remblais, de zones imperméabilisées, du déboisement de sites plantés. Les enjeux ? Régulation qualitative et/ou quantitative de l'eau, conservation de la biodiversité, production agricole, etc. Pour mesurer les avancées, les indicateurs proposés : piézomètres, quantité d'azote et de phosphore et inventaire faune-flore. Après une année consacrée à réaliser l'état initial, les travaux ont débuté l'automne dernier, avec un suivi jusqu'en 2016. Les interventions sur le réseau de drainage ont été choisies en fonction des altérations et des enjeux. Le génie végétal est de mise : reconstitution de seuils et fascines (fagots de branches mortes) pour freiner les ruissellements et favoriser la colonisation de mousses, de sphaigne, rares espèces capables de résister à l'acidité et l'humidité de ces milieux de tourbière. Un travail de longue haleine. Longtemps considérés comme des surfaces improductives, aujourd'hui reconnus pour leur capacité à stocker du carbone, à agir comme des réservoirs filtrants et à héberger une faune et flore remarquables, ces milieux donnent matière à réfléchir aux gestionnaires publics car les "réparer" - si le mot a un sens - a un coût. Pour exemple, dans le Jura, huit millions d'euros financés pour moitié par les collectivités, une agence de l'eau et par des fonds européens viennent d'être mobilisés pour réhabiliter les tourbières franc-comtoises.

 Sylvie Luneau, avec Morgan Boëdec / Victoires-Editions

Un Carrefour en ébullition

Pour sa 16e édition, le Carrefour des gestions locales de l'eau a accueilli 9.000 visiteurs. Soit une hausse de fréquentation de 9% par rapport à l'an dernier, et de 30% par rapport à 2012.  Pour la première fois, les élus locaux y ont bénéficié d'une demi-journée dédiée pour mieux comprendre les enjeux de l'eau et mieux connaître leurs responsabilités. Le secteur public représente, en effet, environ la moitié des visiteurs du salon. Au coeur des débats : l'insuffisant effort de renouvellement des canalisations d'eau potable, avec un taux actuel deux fois trop faible, et un réel problème de financement. M.B./VE