Éprouvés par l'inflation, les budgets locaux sont dans une situation "contrastée"

Si notamment avec l'inflation, les nuages se sont accumulés pour les budgets locaux en 2022, la météo n'est pas à la tempête. C'est le bulletin tout en nuances que dresse l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales à partir des comptes de gestion 2022. Toutefois, le pré-rapport annuel qu'il vient de publier met en exergue de nombreuses disparités entre les collectivités. Certaines – comme les départements et les villes de 5.000 à 100.000 habitants – enregistrent un recul de leur capacité d'autofinancement.

Le pré-rapport annuel que l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) vient de publier* confirme le tableau rassurant que la Direction générale des finances publiques (DGFIP) livrait au mois de février, en se fondant sur des données provisoires, sur les finances des collectivités locales en 2022 (voir notre article du 24 février). L'état de santé des collectivités territoriales est demeuré globalement bon, alors qu'à l'automne dernier des études anticipaient une forte dégradation.

André Laignel, président du comité des finances locales - et donc de l'OFGL - a toutefois jugé "contrastée" la situation des finances locales, mettant en avant le "fort" impact de "l'inflation et de trois années de crise consécutives".

Dépenses énergétiques en hausse de 27%

Les dépenses de fonctionnement inscrites dans les budgets principaux des collectivités locales ont progressé de 4,9% l'an dernier, après +2,5% en 2021. Sous l'effet en particulier de la revalorisation du point d'indice de 3,5% au 1er juillet 2022, les frais de personnel - en hausse de 5,1% - ont largement contribué à cette évolution. De même que les dépenses énergétiques directes (électricité, gaz, combustibles…), qui ont bondi de 27,3%, pour atteindre 6 milliards d'euros. De leur côté, les recettes de fonctionnement ont augmenté de 4,7%, "sur la lancée des 5% de l’année précédente". Les rentrées d'impôts ont été meilleures que prévu, avec notamment une fraction de TVA très dynamique (+9,2%).  

Egale à la différence entre les dépenses et les recettes de fonctionnement, l’épargne brute des collectivités locales - souvent considérée comme l'indicateur-clé de la santé financière des collectivités - a augmenté de 4%, pour atteindre 37,9 milliards d’euros, soit un montant supérieur de 10% à celui de 2019.

Mais l'analyse doit aller au-delà des grandes masses. Sinon, le risque est de commettre des "contresens propices à la désinformation", a estimé le président du CFL, lors de la présentation à la presse, le 13 juin, du pré-rapport. Selon lui, il faut prendre en compte les "disparités flagrantes entre types de collectivités et à l'intérieur de chacune des catégories". Une diversité de situations locales que les travaux de l'OFGL mettent très bien en évidence.

Recul de l'épargne brute des départements et des communes intermédiaires

Ils révèlent ainsi que l’évolution de l'épargne brute (sur le périmètre des seuls budgets principaux) a été contrastée en 2022. En effet, si elle a progressé de 12,4% pour les groupements à fiscalité propre et de 8,1% pour les régions, elle a plus modérément augmenté pour les communes (+2,2%), et même diminué pour les départements (-0,7%). Ces derniers sont pénalisés en particulier par le ralentissement des recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui n'ont progressé que de 1,7% (après une augmentation de 27% en 2021).

S'agissant des communes, le document constate de nettes divergences entre deux groupes. Les communes dont la population est comprise entre 5.000 et 100.000 habitants voient leur épargne brute se contracter, quand les autres enregistrent, à l'inverse, une croissance de cet indicateur. Les situations les plus favorables étant enregistrées, d'une part, par les communes de moins de 200 habitants (avec une augmentation de l'épargne brute de 13,2%) et, d'autre part, par les communes de plus de 100.000 habitants (+12,6%). Pour ces grandes villes, les situations sont toutefois "très disparates", précise l'OFGL. L'épargne brute diminue en fait pour 44% d'entre elles et les deux plus grandes - Paris et Marseille - "représentent à elles seules 70% de la hausse en montant".

Dépenses d'équipement dopées par l'inflation

Le poids des dépenses d'énergie, lui aussi variable, a été loin d'être neutre dans ces évolutions, comme le révèle le dossier du pré-rapport consacré à l'inflation. La hausse de ces dépenses est "plus marquée sur les plus grandes collectivités", y est-il indiqué. Elle "s’établit à +34,1% pour les communes de plus de 10.000 habitants, +22,7% pour celles de 2.000 à 10.000 habitants et +14% pour les communes de moins de 2.000 habitants (dont une partie a bénéficié du bouclier tarifaire).

Phénomène économique numéro un de l'année 2022, l'inflation doit être bien prise en compte dans toutes les analyses en matière de finances locales, tant ses conséquences sont multiples. C'est le cas, par exemple, concernant les dépenses d'équipement des collectivités. L'an dernier, elles se sont élevées à 56,2 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de hausse de 8,7%. Mais cette croissance est due à 84% à l'inflation. En effet, les dépenses d'équipement sont consacrées pour les trois quarts aux travaux de construction, ainsi qu'aux travaux sur les réseaux et la voirie. Elles sont donc touchées de plein fouet par les hausses de prix du bâtiment et des travaux publics. Il convient donc de relativiser l'accélération de l'investissement, comme le fait l'OFGL : "en euros constants, le niveau des dépenses d’équipement de 2022 reste inférieur d’environ 4 milliards d'euros à celui constaté lors du pic de 2019".

"Plus de 60 milliards d'euros de ponctions en dix ans"

Le pré-rapport met aussi en exergue les fortes différences entre les collectivités en matière de trésorerie. Cette trésorerie a beaucoup grimpé ces dernières années pour atteindre 55,5 milliards d'euros en 2022 - dont 30,1 milliards d'euros pour les communes -, un montant qui, d'après André Laignel, ferait souvent dire à Bercy et, parfois, à la Cour des comptes, que les collectivités sont "assises sur un tas d'or". Cette trésorerie représente l'équivalent de 581 jours de dépenses de fonctionnement pour les communes de moins de 500 habitants – des communes gérées "en bon père de famille", a détaillé le président du CFL. Les communes de plus de 100.000 habitants sont moins précautionneuses, puisqu'elles disposent d'une trésorerie ne dépassant pas 26 jours de dépenses de fonctionnement.

André Laignel s'est montré en désaccord avec l'analyse que Bercy fait, selon lui, de la situation des finances locales. Présents lors de deux réunions techniques que le ministère de l'Economie et des Finances a organisées ces dernières semaines sur le sujet avec les élus locaux, le maire d'Issoudun a constaté avec regret que ses interlocuteurs "ne changeaient pas d'un iota, qu'ils continuaient à penser qu'on était très riches et qu'on pouvait être des contributeurs importants pour combler les déficits de l'Etat". Mais les collectivités ont "déjà largement donné [leur] part", a estimé André Laignel, rappelant qu'avec les baisses successives de la dotation globale de fonctionnement (DGF), suivies de son gel, l'Etat a réalisé "plus de 60 milliards d'euros" d'économies. "Nous ne pesons pas sur le déficit, notre dette ne coûte rien à l'Etat et elle est mineure" (8% de la dette publique totale), a aussi mis en avant le président du CFL. L'élu est partisan de marquer le coup. Il a laissé planer le doute sur la participation de l'Association des maires de France - dont il est le premier vice-président délégué - aux Assises des finances publiques, qui se tiendront le 19 juin à Bercy. Le lendemain, l'association confirmait sa décisions de ne pas s'y rendre (voir notre article de ce jour).

*Le rapport définitif comportera des annexes supplémentaires et sera mis en ligne d'ici quelques semaines.

 

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