Extinction de la 2G et de la 3G : les tenants d'un report plaident leur cause au Sénat

Les sénateurs ont auditionné le 21 mai 2025 les parties prenantes de l'extinction de la 2G et de la 3G. Face à des échéances qui se rapprochent, l'inquiétude est forte du côté des utilisateurs de téléalarme et autres services connectés en 2G/3G. Si un report coûterait cher à l'Etat, celui de la migration va peser sur les utilisateurs de services, dont les collectivités. La téléassistance aux personnes âgées fait partie des services concernés.

Dans la continuité de l'alerte de la CNSP (voir notre article du 11 avril 2025), le Sénat a organisé une table ronde le 21 mai 2025 sur l'extinction programmée des réseaux mobiles 2G et 3G. Représentants des opérateurs, des utilisateurs et élus locaux y ont étalé leurs positions divergentes. 

Une fermeture qui ne fait pas débat

Pour mémoire, la 2G doit être arrêtée fin 2026, la 3G entre fin 2028 et fin 2029, le calendrier précis différant entre les opérateurs. Les arguments en faveur de cette transition font consensus. "Il y a trois raisons principales pour fermer", explique Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT). "C'est d'abord la question de la sécurité. Un réseau 2G, c'est très facilement piratable." La FFT rappelle ensuite le caractère énergivore des réseaux 2G et 3G qui représentent "entre 21 et 33% de la consommation énergétique des réseaux mobiles" selon l'Arcep, alors qu'ils véhiculent très peu de données. Cette démarche s'inscrit enfin dans un mouvement mondial de migration vers des réseaux plus performants. Plus de 200 réseaux 2G et 3G ont été fermés dans le monde entre 2010 et 2024. "La Suisse n'a plus de 2G et arrêtera la 3G fin 2025, l'Allemagne a éteint tous ses réseaux 3G fin 2021" détaille le représentant des opérateurs.

Un calendrier intenable ?

En revanche, le calendrier est jugé "irréaliste" par les utilisateurs compte tenu de la dépendance persistante de nombreux services à la 2G/3G. 1,4 million de dispositifs industriels utilisent ainsi encore la 2G (hors services d'urgence automobile), avec une baisse de seulement 7% au premier trimestre 2025 selon l'alliance Ignes qui réunit les industriels du secteur. Brice Brandenburg, son représentant, dénonce "l'absence d'étude d'impact" et un calendrier "intenable" : "La réalité industrielle, c'est trois ans pour développer un produit alternatif" auxquels s'ajoutent les délais de déploiement avec "des millions d'interventions à réaliser" sur le terrain ou encore "des marchés publics à lancer". 

Le sujet le plus sensible est cependant celui de téléassistance aux personnes âgées, où 120.000 dispositifs fonctionnent encore en 2G et 180.000 en 3G. "Pour ces personnes, c'est parfois le seul lien avec le monde extérieur en cas de chute ou de détresse", souligne Alain Monteux, vice-président de l'Association française de téléassistance. Or, le remplacement coûte environ 200 euros par équipement, soit 60 millions d'euros pour les seuls dispositifs 2G de téléassistance. En outre, le secteur est "fragmenté" et de nombreuses petites structures pourraient être mise en "difficulté financière" du fait de cette migration. 

Pas de perte de couverture ?

Les inquiétudes portent aussi sur les risques de dégradation de la couverture mobile. "Est-ce qu'on peut nous garantir aujourd'hui que l'arrêt de la 2G, 3G ne créera pas de nouveaux trous de couverture ?", s'interroge le sénateur et président de l'Avicca, Patrick Chaize. L'élu relève en effet qu'aujourd'hui les utilisateurs basculent encore régulièrement sur la 2G ou 3G en l'absence de couverture 4G suffisante.

Les opérateurs se veulent rassurants. Selon la FFTelecom, il ne s'agit pas de "fermeture" mais de "réutiliser les fréquences de la 2G ou la 3G pour les technologies modernes 4G et 5G". Romain Bonenfant assure que "la couverture ne va pas régresser, elle sera au moins aussi bonne".

L'Arcep confirme cette logique. "La libération des fréquences qui sont aujourd'hui utilisées en 2G, 3G permettra de maintenir un niveau de couverture équivalent en 4G", affirme le représentant du régulateur, Franck Tarrier. L'Arcep rappelle aussi que les obligations de couverture inscrites dans les licences des opérateurs sont "technologiquement neutres", ce qui contraint les opérateurs à maintenir le service même après extinction des anciennes technologies. Enfin, les derniers chiffres de l'autorité font état d'une couverture 4G de 99,9%, un quasi 100% dû notamment au New Deal mobile.

Report peu probable

Face aux demandes de report de 12 à 24 mois par les utilisateurs, l'État botte en touche. "Le cadre légal et réglementaire français ne permet pas à l'État d'imposer un report du calendrier d'extinction de ces réseaux, du moins sans dédommager les opérateurs", explique Lenaïg Catz de la direction générale des entreprises. C'est en fait surtout le second point qui soucie l'État avec une indemnisation "de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros par an, par année de prolongation".

Cette transition va en définitive surtout peser sur les utilisateurs. L'alliance Ignes (1) chiffre l'impact de la transition à 685 millions d'euros pour ses membres. Les collectivités territoriales font partie des structures exposées. Les réseaux d'eau et d'assainissement nécessitent 400 à 500 millions d'euros d'investissement selon les estimations. Chez Veolia, 98% des 30.000 télétransmetteurs et datalogueurs ne sont pas compatibles avec la 4G/5G, nécessitant un remplacement complet du matériel.

Cette équation soulève une question d'équité. "Celui qui décide fait des économies et impose des coûts à ceux qui n'ont rien décidé", s'est étonné le sénateur Fabien Jeunet. Des arguments balayés par la FFTelecom qui n'a pas manqué de rappeler le coût de l'IFER (impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux) payé par les opérateurs, 369 millions d'euros en 2024, susceptible d'être mobilisé pour accompagner la transition.

Une communication perfectible

Interpellée sur la communication, la DGE a fait valoir une page internet et une plaquette dédiée. La FFTelecom a de son côté assuré que chaque opérateur contactait ses clients 2G/3G pour les alerter des échéances. 

Des initiatives qui n'ont pas convaincu les sénateurs. Seul élément rassurant : le témoignage de La Réunion où la 2G a été arrêtée au 31 décembre 2024. Une expérience "globalement positive" selon la sénatrice Audrey Bélim, même si elle a confirmé des difficultés pour les populations de certains quartiers défavorisés.

La prochaine échéance sera l'arrêt de la 2G dans 9 départements du Sud-Ouest en mars 2026, occasion d'une "expérimentation" (sans marche arrière) pilotée par Orange. Avec une concomitance avec le calendrier électoral qui n'a pas manqué d'être relevée par les sénateurs. Ceux-ci ont assuré que cette table ronde n'était "qu'un commencement", le législateur étant susceptible d'intervenir pour traduire les propositions de la CSNP en actes. 

(1) Alliance Ignes :  Alliance des industriels qui proposent des solutions électriques et numériques pour donner vie et animer le bâtiment au service de ses occupants

 

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