Quels leviers pour promouvoir le "Fabriqué en France" ?

Rendre obligatoire l'indication de l'origine des produits, utiliser le levier de la commande publique ou mettre en place une TVA différenciée...  Ce sont quelques-unes des pistes défendues par Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif, et Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée à l'Institut des administrations des entreprises de Poitiers, devant la délégation sénatoriale aux entreprises, pour promouvoir le "fabriqué en France".

"Fabriquer en France, est-ce encore possible ?" C'est à cette question qu'Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif et Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie, chercheuse associée à l'Institut des administrations des entreprises de Poitiers, ont répondu devant les sénateurs de la commission de la délégation aux entreprises, le 15 mai 2025. L'occasion pour l'ancien ministre du Redressement productif de 2012 à 2014, reconverti dans la production de miel français sous la marque "Bleu Blanc Ruche", de revenir sur les mesures qu'il avait engagées lorsqu'il était au gouvernement. Lui qui avait fait de "Fabriqué en France" son cheval de bataille, n'hésitant pas à poser en marinière. Son ambition était de "préserver l'appareil productif, de garder ce qu'on [était] en train de perdre, avec tout un processus que nous avons élaboré pour sauver un grand nombre d'outils de travail menacés", a affirmé Arnaud Montebourg. A son actif : la création des commissaires au redressement productif (CRP), dont "beaucoup me parlent encore", s'est-il félicité. Le rôle de ces commissaires, qui ont été mis en place en 2012, était d'accompagner les entreprises en difficulté de moins de 400 salariés, le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) se chargeant des entreprises plus grandes. Objectif : éviter les défaillances et préserver l'activité économique et l'emploi dans les territoires.

Se substituer au secteur bancaire défaillant en matière de restructuration

Ces commissaires étaient rattachés aux préfets de région et aux directeurs des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). En contact avec les chefs d'entreprises, ils travaillaient avec les acteurs économiques locaux. Une fonction reconduite par Bruno Le Maire en 2018 sous le nom de "commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises". Ces CRP ont accompagné près de 5.000 entreprises en dix ans, dont 57% de PME, d'après le bilan réalisé par la DGE en novembre 2022 (voir notre article du 8 décembre 2022). L'ancien ministre avait aussi relancé l'ancien Fonds de développement économique et social (FDES), qui avait été créé dans le cadre de la reconstruction économique après la Seconde Guerre mondiale. "C'est une ligne budgétaire qui se substitue au secteur bancaire qui est défaillant, a expliqué Arnaud Montebourg, il n'y a pas de banque de restructuration". Pour compléter le dispositif, le ministre du Redressement productif avait lancé 34 plans industriels, dans les filières prometteuses comme les nanotechnologies, les véhicules à pilotage automatique, la rénovation thermique, avec une enveloppe de 3,7 milliards d'euros.

Un acheteur public par région

"Ce sont les entreprises qui les pilotaient ; on finançait ainsi une partie de la recherche et développement. Il y a des choses qui ont été réalisées grâce à ce dispositif, mais beaucoup d'autres qui ont été abandonnées !", a regretté l'ancien ministre, estimant que cette planification permettait d'avoir une vision à long terme.

Ces efforts n'ont toutefois pas permis de relancer la production hexagonale. Pour Arnaud Montebourg l'un des principaux obstacles tient à la politique européenne. "On n'a jamais trouvé de compromis politique en Europe, on n'a pas trouvé d'accord pour mettre sur tous les produits leur origine", a-t-il affirmé, demandant aux sénateurs, et plus globalement au Parlement, d'imposer la connaissance par le consommateur de l'origine du produit, à travers une loi. "Nous l'avons fait de façon privée avec le label Origine France Garantie il y a quinze ans", a-t-il dit. Un label qui certifie que le produit en question prend ses caractéristiques essentielles en France et qu'entre 50% et 100% du prix de revient unitaire est acquis sur le territoire français. Autre mesure proposée par l'ancien ministre : activer la commande publique, en réduisant notamment le nombre d'acheteurs publics et en les formant à acheter du fabriqué en France. "Il faudrait un acheteur par région, avec des profils super performants qui connaissent le droit par cœur, et qui permettraient d'améliorer les résultats de la commande publique vers nous-mêmes, alors que la politique d'achat est toujours orientée au moins-disant, nos impôts serviraient alors à nos emplois", a souligné Arnaud Montebourg.

Une TVA différenciée selon la durabilité des produits et leur impact sur le territoire

Pour Anaïs Voy-Gillis, il faut en effet encourager le référencement de davantage d'entreprises françaises. La chercheuse imagine aussi de mettre en place d'autres instruments publics pour favoriser le fabriqué en France, comme une TVA différenciée en fonction de la durabilité des produits et de leur impact sur le territoire, de prendre en compte cette notion dans les crédits d'impôts, qui sont "aveugles aujourd'hui aux origines des produits", a-t-elle souligné, et de lancer des campagnes de sensibilisation, à l'image de ce qui a été réalisé sur la sobriété énergétique. On peut s'inspirer de ce que fait la région Bretagne, d'après Anaïs Voy-Gillis, sur la relocalisation par les achats des entreprises. Lancé en 2023, ce plan d'actions prévoit de convaincre les entreprises de réaliser leurs achats localement (voir notre article du 16 septembre 2024). Mais cela nécessite une bonne connaissance du tissu industriel, qui n'est pas toujours là. "Il est difficile de trouver des sous-traitants en France, a indiqué Anaïs Voy-Gillis, en Chine, même pas la peine de chercher, cela vient directement à vous !"

 

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